Vecteur d’émancipation, d’insertion, de transmission de valeurs, le sport semble cependant être le grand oublié dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Tel est le constat que dresse l’association Bleu Blanc Zèbre et son président, Jean-Philippe Acensi, devant une centaine d’élus, d’éducateurs et de sportifs de haut niveau comme l’athlète Ladji Doucouré, ou l’ancien sélectionneur de l’équipe de France de rugby, Marc Lièvremont. Seul l’ancien ministre Jean-Louis Borloo, chargé de remettre au président de la République un rapport sur la politique de la ville, manquait à l’appel.
Réunis à Sevran en Seine-Saint-Denis pour la troisième étape des États généraux de la ville, après Roubaix et Mulhouse, les acteurs de la politique de la ville ont tenu à interpeller l’État sur le besoin impérieux de moyens pour les actions sportives dans les quartiers prioritaires.
« On est le réservoir à champions, tout le monde applaudit quand il y a des victoires ou des grands joueurs de football qui viennent de nos territoires, mais en même temps tout le monde nous oublie quand il faut rajouter un peu d’argent pour des équipements sportifs ou pour ne pas abandonner les clubs », a ainsi souligné le maire de Sevran, Stéphane Gatignon (Parti écologiste).
Absence de moyens pour les équipements sportifs
L’élu a notamment dénoncé le dispositif de contractualisation financière entre l’État et les collectivités, qui va, selon lui, « empêcher les collectivités d’investir massivement et de gérer leurs équipements ». « Une commune comme Sevran est traitée de la même façon qu’une commune des Hauts-de-Seine qui a dix fois plus d’argent. Il faut plus de souplesse, que le président de la République intervienne et dise que le sport est une cause importante », a-t-il demandé.
« Les surfaces sportives sont insuffisantes dans nos villes. Il est insupportable que Clichy-sous-Bois ou Sevran aient les surfaces sportives les plus basses de Seine-Saint-Denis alors qu’elles sont déjà les plus basses de France. Ces villes n’ont pas les moyens de réaliser les équipements sportifs nécessaires », a également constaté le président de l’Anru, Olivier Klein, qui a pointé « le rôle majeur que peut jouer le sport dans nos quartiers ».
Pour le maire de Clichy-sous-Bois, « changer la ville, c’est évidemment changer le logement, mais c’est aussi apporter les équipements publics nécessaires culturels, sportifs, scolaires ». Olivier Klein a notamment souligné la nécessité de « réfléchir tous en complémentarité et en intercommunalité sur nos pratiques sportives » afin de développer « en commun un certain nombre d’équipements ».
Recruter 5 000 éducateurs sportifs de prévention
Le président de Bleu Blanc Zèbre, Jean-Philippe Acensi, également délégué général de l’Agence pour l’éducation par le sport, a estimé pour sa part que « le sport est un vaccin fabuleux contre le racisme ». La pratique sportive est pour lui « aussi importante que l’école parce qu’on y apprend la solidarité, la diversité et l’humilité ». Regrettant les « problèmes monstrueux » rencontrés par les clubs sportifs dans les quartiers prioritaires, il a proposé le recrutement de « 5000 éducateurs sportifs de prévention, qui s’occuperaient chacun de 50 jeunes ». Ces éducateurs auraient « deux priorités : l’insertion professionnelle et la prévention du décrochage scolaire » et leur rôle serait « sanctuarisé ».
De nombreuses initiatives existent déjà dans ce sens, à l’image de celle développée par la ville de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines) qui a choisi de réunir sous la même direction le service des sports et de la prévention. Le sport est en effet « un véritable levier de mobilisation auprès de notre public, permet de construire des relations de confiance avec les jeunes et leurs parents, de détecter des problèmes de comportement, d’impliquer des jeunes dans des projets », a précisé la maire, Catherine Arenou (LR).
« Il y a des choses qui aujourd’hui ne sont pas à la hauteur dans les quartiers prioritaires de la ville. Les infrastructures sportives sont bien moindres dans les quartiers prioritaires que dans d’autres endroits du territoire », a reconnu le secrétaire d’État auprès du ministre de la Cohésion des territoires, Julien Denormandie, qui a accepté pour l’occasion de revêtir le t-shirt avec le logo du collectif Territoires gagnants initié par Ville et Banlieue et Bleu Blanc Zèbre lors de « l’appel de Grigny » en octobre 2017.
« Les clubs sportifs ont un rôle d’insertion et d’inclusion social essentiel », a ajouté le secrétaire d’État. Saluant « la dynamique » enclenchée par les acteurs de la politique de la ville, il a souligné sa volonté d’y participer. « Il n’y a pas d’un côté les associations, les élus, les clubs de sport et de l’autre l’État. Soit on y arrivera parce qu’on est tous ensemble, soit on n’y arrivera pas. L’État est à votre côté », a-t-il martelé.
Les JO, « un atout pour les quartiers »
Sept ans avant l’organisation des Jeux Olympiques d’été à Paris, cet événement est déjà un enjeu majeur pour les quartiers prioritaires de la politique de la ville en Ile-de-France. « Nous avons une chance historique de montrer à travers les Jeux olympiques 2024 à quel point le sport crée un héritage, une transmission de valeurs, d’infrastructures », a indiqué le secrétaire d’État auprès du ministre de la Cohésion des territoires. « L’héritage de ces JO doit être physique, il doit dépasser les sites proprement dit des Jeux. Chaque habitant des quartiers populaires doit sentir que ces Jeux vont apporter quelque chose pour leur avenir », a ajouté le président de l’Anru, Olivier Klein.
Une notion d’héritage qui semble bien lointaine à l’adjointe à la maire de Paris chargée de la politique de la ville. Pour Colombe Brossel, ces Jeux « ne seront une victoire que s’ils sont utiles maintenant pour les habitants en termes d’emploi, d’insertion, de mixité, de développement de la pratique sportive, de santé, de scolarité, que si dès maintenant les 5000 éducateurs sont recrutés pour travailler avec les jeunes et s’ils ne représentent pas uniquement des contrats d’interim trois mois avant et se terminant le soir de la cérémonie de clôture ». « Les JO doivent être une chance et un atout pour nos quartiers », a -t-elle conclu.
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