En présentant ses vœux le 22 janvier, le président du Centre national du livre (CNL), Vincent Monadé, a annoncé son intention de renforcer le soutien de l’établissement public aux manifestations artistiques en région. Le CNL accompagne en moyenne 90 événements de ce type chaque année et leur consacre une enveloppe annuelle de 2 millions d’euros, soit une subvention moyenne de quelque 20.000 euros par manifestation.
81% des manifestations associent des bibliothèques
Dès 2018, le CNL augmentera de 15% cette ligne budgétaire. Décision prise sur la base des conclusions de l’enquête, réalisée à sa demande par le cabinet PwC fin 2017 et publiée le 15 janvier 2018. On y apprend, entre autres, que :
- 25% des manifestations sont organisées par des communes ;
- 50% des partenaires de ces manifestations relève de la sphère locale ;
- 64% du budget est abondé par des partenaires institutionnels locaux (1) ;
- 81% des manifestations nouent des partenariats avec les équipements de lecture publique de leurs territoires, soit un total de 570 bibliothèques mobilisées ;
- 32% des organisateurs mobilisent les bibliothèques pour participer à la conception et la programmation de leur événement
- 70% des organisateurs sollicitent même les bibliothécaires pour des actions de médiation auprès de publics spécifiques.
(Source : CNL)
Autant de données qui mettent en relief le lien étroit que les manifestations littéraires entretiennent avec les collectivités territoriales et les professionnels de la lecture publique.
Mais dans le contexte budgétaire actuel, le cofinancement des collectivités est loin de constituer une garantie de pérennité. « A un moment où les fonds publics se resserrent, il est important de savoir quel est le poids des manifestations que soutient le CNL et d’évaluer leurs contraintes et leurs besoins pour mieux les soutenir », estime donc Vincent Monadé.
2 bonnes raisons pour soutenir les manifestations littéraires
Or l’étude montre que ces événements culturels ont deux types d’impact positifs :
- en termes de lien social et d’éducation culturelle ;
- sous forme de retombées économiques et de rayonnement des territoires ;
En effet, selon l’étude, les manifestations littéraires sont « la concrétisation d’un enjeu politique fort pour l’accès de chacun au livre et à la lecture », et « un outil de mieux vivre ensemble ».
Pour ce qui est de l’accès à la culture :
- 75% des organisateurs déclarent viser prioritairement « l’élargissement du public du livre et de la lecture » ;
- 90% des manifestations visent en premier lieu le grand public ;
- 93% des manifestations programment des activités d’éducation artistique et culturelle ;
- 73% programment des « activités spécifiques à destination des publics empêchés ».
(Source : CNL)
Des bénévoles dans 84% des manifestations littéraires
Pour ce qui est du lien social, l’étude constate que « les manifestations ont un rôle actif dans l’animation culturelle et sociale des territoires. Elles sont un objet de fierté, générateur de lien social et de mobilisation locales ».
Le lien social se nourrit, notamment, du bénévolat, sans lequel la plupart des événements ne pourrait sans doute pas exister : 84% des organisateurs font appel à des bénévoles, qui représentent 77% des personnes impliquées dans les manifestations.
11 entreprises locales sollicitées pour 1 manifestation
En termes d’impact économique local, les librairies (et par ricochet les maisons d’édition) sont logiquement les premières bénéficiaires de ces manifestations : le chiffre d’affaires médian réalisé à cette occasion s’élève à 30.000 euros, avec une moyenne de dépenses de 10 à 29 euros par visiteur.
D’autres secteurs, comme les prestataires de services aux organisateurs d’événements voient aussi leurs chiffres d’affaires gonfler pendant les dates de programmation : une manifestation fait travailler, en moyenne, 18 prestataires, dont 11 entreprises locales, pour un montant médian de 41 000 euros.
De même l’afflux momentané de population bénéficie à l’hôtellerie, à la restauration et aux transports.
« Argument marketing » pour le territoire
Le territoire voit aussi son image se densifier à travers les retombées médiatiques de l’événement littéraire. Les organisateurs consacrant pas moins de 12% de leurs budgets à la communication.
Pour les signataires de l’étude, cet enjeu de communication, « essentiel », permet aux collectivités de se doter d’une « image de marque », qui devient un « véritable argument marketing ».
Du côté des auteurs, outre le gain en notoriété de leur nom et de leurs œuvres, il faut envisager les revenus qu’ils en retirent, puisque, depuis 2016, toute manifestation soutenue par le CNL doit prévoir leur rémunération. (2). En 2017, les manifestations autour du livre ont ainsi versé 1 million d’euros aux auteurs invités.
Coûts de la sécurité : + 68% en 3 ans
Cependant, sans soutien renforcé, l’avenir des manifestations autour du livre ne semble pas garanti. Outre les restrictions budgétaires des collectivités, d’autres facteurs peuvent entraver leur développement.
Certaines manifestations, « victimes de leur succès », se heurtent ainsi à des difficultés liées aux insuffisantes capacités d’accueil de leur territoire (accessibilité, équipements).
De surcroît, toutes sont confrontées à la problématique de la sécurité et à l’accroissement des dépenses dans ce domaine : en trois ans, celles-ci ont fait un bond de 68%, avec un budget moyen de 13 800 euros, soit 2% du budget global.
« Pour les manifestations littéraires, la question de la sécurité est aussi importante et la menace aussi forte que dans le secteur du spectacle vivant. Car le monde du livre reste fondamentalement composé d’opposants aux gens qui ont semé terreur depuis 2015 », insiste Vincent Monadé.
Réforme territoriale et concurrence accrue
A tout cela s’ajoute le nouveau contexte institutionnel qu’a produit la réforme territoriale : la constitution de nouveaux EPCI et la changement d’échelle des régions fusionnées obligent les organisateurs à repenser le calibrage de leurs manifestations. Ce, afin de rayonner sur des territoires plus vastes, où la concurrence est souvent très vive entre acteurs culturels pour l’obtention de subventions publiques et de partenariats privés.
Sécurisation des financements
Selon l’étude, affronter ces défis signifie donc, pour les manifestations :
- développer les financements privés et renforcer les partenariats privés, « pour une moindre dépendance aux subventions publiques » ;
- accroître leur visibilité médiatique, qui constitue « un retour sur investissement ».
Pour Vincent Monadé, l’urgence est aussi de sécuriser les financements des événements littéraires. Le CNL réfléchit donc à des conventions triennales d’objectifs et de moyens sur la période 2019-2021, liant, « pour certains festivals », le CNL, et les collectivités organisatrices.
L’effet neutre de la gratuité
Selon l’étude réalisée par PwC sur le poids et l’impact des manifestations littéraires, 50% des organisateurs font le choix de la gratuité dans une optique d’accessibilité culturelle. 11% pratiquent des tarifs différenciés, le plus souvent en faveur des étudiants et des demandeurs d’emploi. 34% optent pour la gratuité, mais fixent un prix d’accès à certaines propositions culturelles de la manifestation (spectacles, par exemple).
Même lorsqu’il est gratuit, l’accès à la manifestation donne parfois lieu à la mise en place d’une billetterie, afin de gérer les flux de visiteurs.
En tout état de cause, les enquêteurs n’ont pas décelé de corrélation entre gratuité et fréquentation.
Références
- Poids et impact des manifestations littéraires soutenues par le CNL dans les territoires
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Thèmes abordés
Notes
Note 01 Selon l’étude, la contribution des collectivités aux manifestations littéraires constitue une « part maîtrisée » de leurs budgets, dans la mesure où elle « représente entre 0,1 et 0,5% du budget de la commune. » Retour au texte
Note 02 Le CNL vient de publier la grille tarifaire pour 2018. Il a par ailleurs mis en ligne un guide destiné aux organisateurs de manifestations, passant en revue les différentes modalités de rémunération selon le type d’intervention assurée par l’auteur. Retour au texte