Le rapport des trois médiateurs rendu public le 13 décembre 2017, avait pourtant préparé l’opinion : un abandon du projet d’aéroport du Grand Ouest à Notre-Dame-des-Landes au profit d’un réaménagement de Nantes-Atlantique. Pour autant, à Nantes, ce 17 janvier 2018 à la mi-journée, les élus locaux sont apparus comme sonnés par cet atterrissage forcé que fut pour eux l’annonce gouvernementale.
« Trahison »
Président du Conseil départemental de Loire-Atlantique et du Syndicat mixte aéroportuaire (SMA) qui regroupe 20 collectivités de Bretagne et des Pays-de-la-Loire, favorables au projet, Philippe Grosvalet estime que « le gouvernement piétine nos collectivités locales qui ont de tout temps accompagné l’Etat dans ce projet. C’est une remise en cause de la décentralisation. » Et même « une quasi trahison ».
Maire de Nantes et présidente de Nantes Métropole, Johanna Rolland évoque « une trahison » tout court et un « sentiment d’abandon de l’Etat ». Sans parler « d’un déni de démocratie » en référence à la consultation conduite à l’échelle de la Loire-Atlantique, en juin 2016 et au terme de laquelle une petite majorité de citoyens s’était exprimée en faveur du transfert. Selon Christelle Morançais, présidente de la région Pays-de-la-Loire, c’est un « coup de poignard pour le développement économique et l’attractivité du Grand Ouest ».
Mise en réseau
Le Premier ministre s’attendait bien sûr à ce flot de critiques. « Le Grand Ouest a besoin de solutions pour croître », a concédé Edouard Philippe après avoir précisé que la solution passait par le réaménagement de l’actuel aéroport Nantes-Atlantique. « L’aérogare sera modernisée et en parallèle, la procédure pour l’allongement de la piste sera engagé. »
Il a d’ores et déjà demandé à la ministre des Transports, Elisabeth Borne, de lancer une première étude pour « optimiser l’usage de Nantes-Atlantique ». Puis une seconde pour « mettre en réseau les aéroports régionaux » (Brest, Nantes, Rennes). C’est ainsi que l’aéroport Rennes-Saint-Jacques devrait aussi être développé. Et enfin une troisième, pour améliorer la « complémentarité rail/air et les possibilités pour les habitants de l’Ouest de rallier les grands aéroports parisiens ». Ces liaisons existent mais elles sont insuffisantes.
A ce stade, Johanna Rolland (Nantes Métropole) se demande surtout si « l’Ouest peut encore compter sur l’Etat pour son avenir ». Elle s’inquiète pour l’accessibilité des deux régions – Bretagne et Pays-de-la-Loire – excentrées en Europe » et ajoute que « les questions restent entières ». Notamment en matière d’aménagement du territoire.
Il était en effet question d’une nouvelle ligne ferroviaire entre Nantes et Rennes qui devait desservir la plate-forme de Notre-Dame-des-Landes et améliorer l’accessibilité de la pointe bretonne. Elle ne verra sans doute pas le jour.
Saint-Aignan de Grand-Lieu menacé
De son côté, Nantes Métropole porte plusieurs projets urbains de grande envergure au sud de la Loire, à proximité immédiate de Nantes-Atlantique. C’est le cas de l’Ile-de-Nantes qui accueillera en 2026 le futur CHU et de Pirmil-les-Isles, actuellement survolés à basse altitude par les avions. Dans quelle mesure leur évolution est-elle remise en cause ?
Dans leur rapport, les médiateurs étaient relativement optimistes. Johanna Rolland est dubitative. « Il va falloir regarder tout cela dans le détail. « Ce qui est certain, c’est que le potentiel d’accueillir des familles sur Bouguenais et sur Saint-Aignan-de-Grand Lieu est directement concerné. »
En fait, la réalisation de 1 460 logements sur ces deux villes serait empêchée ; un chiffre à mettre en rapport avec les besoins annuels de la métropole de l’ordre de 6 000 logements par an, pour faire face à sa croissance démographique. « Pour Pirmil-les-Isles, cela peut bouger, au minimum une partie du calendrier », a-t-elle ajouté.
Et le bruit ?
Par ailleurs, en confortant la plate-forme actuelle, le gouvernement ne résout pas l’épineuse question du bruit : « des nuisances significatives pour 3 500 à 6 000 riverains » et une « gêne modérée pour 67 000 autres », selon les médiateurs.
« Il est possible de prendre des mesures limitant l’augmentation des nuisances sonores », a souligné le Premier ministre, qui a cité pour cela… l’allongement de la piste !
« Nous ferons tout pour réduire ces nuisances pour le village de Sant-Aignan-de-Grand-Lieu, survolé lui à très basse altitude. Et si ce n’est techniquement pas possible, elles feraient l’objet de compensations exemplaires. » Pas sûr que cela suffise à convaincre le maire de cette ville et les 3 850 habitants…
Fin de la ZAD au printemps ?
Le gouvernement promet également « de mettre fin à la zone de non droit qui prospère depuis 10 ans », sur la zone de Notre-Dame-des-Landes. Si bien que « les terres retrouveront leur vocation agricoles », a déclaré le Premier ministre. Elles ne seront donc pas conservées pour réaliser ultérieurement le projet, comme le laissait entendre les médiateurs dans leur rapport de décembre. Déposée au Conseil d’Etat fin décembre, la demande de prorogation de la demande d’utilité publique (DUP) du projet d’aéroport, « pour laisser toutes les options ouvertes sera retirée ». Elle deviendra donc caduque au 9 février 2018. « Les occupants illégaux devront partir d’eux-mêmes d’ici le printemps ou en seront expulsés », a-t-il conclut.
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