L’idée qui taraude le gouvernement est de permettre un pouvoir d’adaptation locale de la loi et du règlement, voire d’attribuer à certaines collectivités un pouvoir réglementaire propre. Un projet ambitieux et pour le moins complexe, car il s’agira de légiférer en conformité avec la Constitution, ou de la réviser, pour respecter le principe intangible d’égalité d’attribution et d’exercice des compétences entre les collectivités de droit commun relevant d’une même catégorie (communes, départements et régions).
Modification des règles de compétences
Cela étant, on ne part pas de rien. De fortes modularités existent déjà au sein de l’architecture territoriale française. La coopération intercommunale se traduit bien, de facto, par des compétences différenciées entre communes. La création d’une collectivité à statut particulier, comme très récemment la Corse, s’accompagne aussi bien souvent d’une modification importante des règles de compétences des collectivités territoriales de droit commun situées sur son territoire.
Enfin, le code général des collectivités territoriales autorise des délégations de compétences, entre collectivités et entre l’Etat et une collectivité (CGCT, art. L.1111-8 et CGCT, L.1111-8-1). En fonction de considérations démographiques, sociales, géographiques (insularité, éloignement, etc.) ou urbanistiques (montagne, littoral), des règles d’exercice différentes de compétences existent d’ores et déjà. Le droit à l’expérimentation locale également. Mais son régime est sévère et répond à une logique du « tout ou rien » : si l’expérimentation locale se révèle positive, elle doit être obligatoirement généralisée à tout le territoire… ou être abandonnée.
Insécurité juridique
Aller plus loin dans un exercice « adapté localement des compétences » ne serait pas sans avantages… ni sans risques. Renforcement de la démocratie locale, recherche de l’efficacité de l’action publique locale en fonction de ses caractéristiques et besoins, réduction des normes inadaptées : les bénéfices d’une telle avancée décentralisatrice se devinent aisément. Mais les inconvénients seraient nombreux et notamment, à l’heure ou la simplification est érigée en règle d’or, elle pourrait, aussi, complexifier encore l’enchevêtrement des compétences, se révéler coûteuse et devenir un facteur d’insécurité juridique.
Si le gouvernement mène à bien son projet d’accroître la décentralisation par un pouvoir normatif local assumé, cela ne pourra se faire qu’en veillant à préserver des « fondamentaux » : identifier précisément les compétences normatives décentralisées, tout en respectant les libertés fondamentales et, conformément au principe de libre administration des collectivités, sans qu’un éventuel accroissement des charges ne soit prévu… et réellement compensé.
Pour maintenir l’unicité de la République, il faudrait surtout que ces transferts de compétences et l’organisation d’un pouvoir réglementaire local soient assortis de conditions et d’objets limités, fixés préalablement… notamment par la Constitution.
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