Les élus régionaux d’Occitanie ont adopté le 22 décembre un plan en 10 « chantiers » pour soutenir l’ambition affirmée par la présidente PS Carole Delga fin 2016 d’être la « première région d’Europe à énergie positive à l’horizon 2050 ». Traduction : en 2050, 100 % des besoins énergétiques d’Occitanie devront être couverts par la production locale d’énergies renouvelables.
« C’est une trajectoire ambitieuse mais réaliste », insiste la vice-présidente à la transition écologique et énergétique Agnès Langevine. Hors groupe FN-RBM, qui s’est abstenu en qualifiant le dossier de « politique louable » mais de « tartarinade », la stratégie « région à énergie positive » (REPOS) a fait l’unanimité. Porte-parole du groupe des élus de droite et du centre, Jean-François Audrin note un « volontarisme politique », « valide les choix », même s’il tient à « mettre en garde contre toute forme d’utopie ».
Car relever l’ambition ne sera pas une mince affaire : le coefficient REPOS régional (1) se situait à 19,4% en 2015 et le scénario tendanciel le place à 34% en 2050. Loin des 100%.
Pour réussir l’objectif, il faudra à la fois une baisse de 40% de la consommation et un triplement de la production d’énergies renouvelables. C’est le résultat des travaux de 100 experts mobilisés de février à juin 2017, qui ont travaillé sur les données régionales, les modélisations de l’Ademe 2030-2050 et l’hypothèse d’un gain de 1,39 million d’habitants (projections Insee) en Occitanie en 2050.
Des chantiers pour la réduction des besoins énergétiques
La collectivité régionale, chef de file dans les domaines de l’air, de l’énergie et du climat, autorité de transport, maître d’ouvrage de grands équipements notamment des lycées, agira sur ses compétences. Elle veut aussi « interpeller » et mobiliser sur l’accélération de la transition énergétique les citoyens, les acteurs économiques et les collectivités.
Trois des chantiers lancés en 2018 portent sur la réduction des besoins énergétiques du bâtiment (47% des consommations), des transports (38%) et de l’agriculture (3%).
Dans le bâtiment, le scénario REPOS 2050 implique une baisse de 26% des besoins en énergie, ce qui suppose la généralisation des constructions très basse consommation et la « massification » de la rénovation énergétique. Le volume de 40 000 logements rénovés par an devra monter à 52 000 à partir de 2020 et 75 000 après 2030.
La région apporte sa pierre avec 84 millions sur 2016-2021 pour la performance énergétique des lycées et a lancé en juillet 2017 un appel à projets auprès des maîtres d’ouvrages publics
ou privés pour des bâtiments exemplaires NoWatt. Elle réfléchira aussi en 2018 « dans une perspective de massification » sur son éco-chèque logement pour les particuliers.
Côté transports, où l’objectif de baisse atteint… 60 %, la feuille de route passe par les modes collectifs et l’inter-modalité. Un plan régional de soutien aux Pôles d’échanges multimodaux portés par les collectivités est en place. La région passera progressivement au GNV/hydrogène le parc acquis via ses nouvelles compétences de transports routiers interurbains et scolaires.
Dans l’agriculture, où la consommation doit chuter de 36%, la région favorisera le développement des énergies renouvelables dans les exploitations : elle proposera en 2018 un plan de développement de la « méthanisation à la ferme » et des appels à projets d’initiatives ENR exemplaires.
Accélérer la transformation du gisement solaire et éolien
Même si l’Occitanie dispose d’un grand gisement éolien et solaire, les opérateurs devront « carburer » pour entrer dans les clous du scénario REPOS 2050. Il implique la multiplication par 12 de la puissance photovoltaïque installée et par 7 du solaire thermique. La région soutient l’implantation de photovoltaïque sur les bâtiments et reconduira son appel à projets « autoconsommation d’électricité photovoltaïque ».
Côté éolien, le scénario table sur un gain de puissance installée de 200 MW par an pour le volet terrestre et chiffre à 3 GW l’apport de l’éolien « marin » en 2050. La région encourage cette « filière émergente d’avenir » et les deux fermes-pilotes qui seront mises en exploitation dans le golfe du Lion vers 2021. Elle vient de signer le 13 décembre un « partenariat économique » avec Quadran, dont le projet Eolmed aura pour base le port de Port-la-Nouvelle, propriété de la région.
Pousser la recherche, la formation, le financement, l’appui aux territoires
Recherche, formation et financement font partie des leviers. La région centrera son soutien à la recherche sur le stockage, le numérique, les nouveaux services et modèles économiques de l’énergie. Dans le Contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles, elle adaptera l’offre de formation (4 200 personnes ont été formées aux ENR en 2016).
Pour financer la transition énergétique, elle fera des propositions au secteur bancaire, « étudiera la possibilité de mobiliser la fiscalité régionale » (notamment une redevance poids lourds) et généralisera la valorisation de ses certificats d’économie d’énergie.
L’appui aux initiatives de transition énergétique des agglomérations, parcs naturels régionaux et pays, passera par les « politiques contractuelles territoriales » dès 2018 et la région veut aussi améliorer l’acceptabilité des projets ENR, en relançant son appel à projets sur les énergies renouvelables coopératives et citoyennes.
Le dixième et dernier chantier porte sur les échanges avec les réseaux de la transition énergétique : la région a signé mi-décembre, sur le salon Energaïa, avec « l’Alliance pour les solutions efficientes » de la Fondation Solar Impulse, lancée par Bertrand Piccard.
L’Agence régionale de l’énergie et du climat, opérateur régional
Pour mettre en place cette politique, l’opérateur régional sera l’Agence régionale de l’énergie et du climat (dont le siège est à Toulouse), « qui disposera de deux outils principaux, une SPL outil d’ingénierie et une SEM pour les activités d’investissement », explique le 22 décembre Thierry Cotelle, élu régional chargé de la préfiguration. Ces deux sociétés ne sont pas des créations mais des évolutions : la SPL Arpe Occitanie devient la « SPL Agence Régionale de l’Energie et du Climat Occitanie » et voit ses statuts modifiés. Courant 2018, la SEM Cogemip et sa filiale MPEI seront recentrées sur l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables.
L’Agence régionale de l’énergie et du climat portera une offre intégrée, du montage de projets à l’investissement. Elle assurera de l’ingénierie pour les territoires : aide à l’élaboration de PCAET, au montage de projets ENR coopératifs et citoyens, assistance à maîtrise d’ouvrage pour la rénovation énergétique des bâtiments publics. Elle créera un centre de ressources pour les plateformes territoriales de la rénovation énergétique (PTRE) avec l’Ademe.
Elle va aussi préfigurer en 2018 une solution de tiers financement pour les travaux de rénovation énergétique du logement privé, sur lequel la région pointe une « défaillance actuelle du marché ». Elle investira dans les démonstrateurs des filières émergentes (éolien flottant, hydrogène…), en co-développement (participation au capital) dans les filières matures et accompagnera l’investissement par les entreprises de solutions d’efficacité énergétique.
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Notes
Note 01 la consommation d'énergie d'origine renouvelable produite dans la région Retour au texte