L’emploi public est-il trop important en France par rapport aux autres pays développés ? Cette question récurrente pourrait revenir sur le devant de la scène dans le cadre du programme Action publique 2022, dont les conclusions et arbitrages du gouvernement à l’issue de la vaste consultation d’experts, d’agents et d’usagers pour « transformer » le secteur public doivent être dévoilés fin février/début mars prochains.
La comparaison à l’échelle internationale est tentante, mais délicate. C’est pourquoi France Stratégie, en actualisant fin décembre dernier son « Tableau de bord de l’emploi public » (1), « entend contribuer à éviter les parallèles approximatifs ».
Raisonner plus en termes de dépenses que d’effectifs
Le laboratoire d’analyses souligne que se cantonner au seul taux d’administration – élevé pour la France avec 90 emplois publics pour 1000 habitants – est « insuffisant, voire trompeur ». Il convient de se pencher en parallèle sur le volume des dépenses publiques dont le niveau s’élevait à 57 % du PIB en 2015, soit un des taux les plus élevés au sein des pays avancés, et en augmentation quasi continue depuis 2000.
Pour mémoire, les dépenses publiques sont réparties en trois catégories : les dépenses de fonctionnement, d’investissement (2) et les prestations sociales.
Les dépenses de fonctionnement représentaient 24 % du PIB en 2015. Parmi elles, les rémunérations publiques pesaient tout de même 13 % du PIB français. Mais cela reste une donnée « cohérente » avec le taux d’administration, explique France Stratégie.
Le laboratoire d’analyse précise que le poids significatif des rémunérations dans le PIB « relève davantage d’un effet volume (lié au taux d’administration) que d’un effet prix (lié aux salaires) ». Le document relève en outre que l’écart entre les rémunérations public/privé est plus faible en France que dans nombre de pays, notamment ceux d’Europe du Sud.
Pour relativiser la situation française établie sur la base des seules rémunérations, il est nécessaire, insiste France Stratégie, d’inclure dans le calcul des dépenses directes de fonctionnement, les dépenses « hors personnel », évaluées par les « consommations intermédiaires » (entretien, fourniture, achat de prestations privées). Ce qui porte le taux des dépenses à 18 % du PIB en 2015, la France ayant eu peu recours à la sous-traitance (5 % du PIB), contrairement aux pays nordiques
Des dépenses indirectes particulièrement dynamiques
Le poids croissant des dépenses publiques en France (+ 4 points entre 2005 et 2015) est en fait imputable pour près des trois quarts à la hausse graduelle des dépenses de transferts sociaux, notamment dans les branches santé et vieillesse.
Prestations sociales : un record
Ainsi, les écarts entre pays qui ressortaient au départ de la seule prise en considération des dépenses de rémunération tendent à s’atténuer et certains pays qui paraissaient sous-administrés se rapprochent de la moyenne, à l’instar de l’Allemagne, ou la dépassent comme c’est le cas des Pays-Bas.
En revanche, la France se singularise davantage par ses prestations sociales en espèces (pensions de retraites, indemnités journalières, allocations familiales, indemnités chômage, minima sociaux,etc.) qui atteignent 20 % du PIB, contre 15 % en Allemagne par exemple. L’ensemble de ses prestations sociales représentent en moyenne 35 % du PIB. « Un record en comparaison internationale », conclue France Stratégie.
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Notes
Note 01 Il s’agit d’une mise à jour du "Tableau de bord de l’emploi public" publié en 2010 par le Centre d’analyse stratégique. L’analyse conduite sur 19 pays (Allemagne, Autriche, Belgique, Canada, Danemark, Espagne, États-Unis, Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Japon, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Suède) a été réalisée par Flore Deschard et Marie-Françoise Le Guilly. Retour au texte
Note 02 En ce qui concerne l’investissement public, les écarts sont importants entre les pays mais leurs niveaux demeurent du second ordre par rapport aux dépenses publiques de fonctionnement : en 2015, l’investissement public s’établit à 1,7 % du PIB en Irlande, 2,1 % en Allemagne contre plus de 4 % en Suède et Norvège. La France se situe à un niveau intermédiaire : l’investissement public y a diminué depuis le début des années 2000 et atteint 3,4 % du PIB en 2015 Retour au texte