Le président de la République tiendra-t-il ses promesses ? En novembre dernier à Tourcoing, lors de la présentation de sa feuille de route pour la politique de la ville, il avait réussi à rassurer les élus et des professionnels échaudés par des coupes budgétaires imprévues.
En 2018, il devra traduire concrètement la « mobilisation nationale pour la ville et les quartiers » qu’il appelle de ses vœux. Le défi est de taille tant la situation sociale et économique des quartiers prioritaires est dégradée. Quant aux élus de banlieue, qui en ont vu d’autres, c’est à ce stade le scepticisme qui prédomine.
Dans ce contexte et alors que la loi de finances vient d’être promulguée, le commissaire général à l’égalité des territoires, Jean-Benoît Albertini, chargé de mettre en œuvre la politique de la ville dans les territoires, détaille les moyens dont bénéficieront les acteurs locaux en 2018 et précise le calendrier des réformes ainsi que la méthode voulue par le gouvernement.
Les engagements budgétaires pris par le président de la République en faveur des quartiers prioritaires seront-ils tenus ?
Absolument. Les crédits de la politique de la ville votés dans la loi de finances pour 2018 sont bel et bien sanctuarisés. Pilotés par le CGET, ils s’élèvent à 430,4 millions d’euros, soit un montant consolidé par rapport aux années antérieures. Cette enveloppe sera d’ailleurs reconduite chaque année, sous réserve des futures discussions parlementaires, pendant toute la durée du quinquennat.
La visibilité financière dans la durée est donc garantie pour les collectivités et les porteurs de projet qui pourront financer leurs actions de terrain et de proximité. C’est un message essentiel qui leur est délivré par le Gouvernement.
Cet effort budgétaire est doublé avec la dépense fiscale, c’est à dire l’ensemble des exonérations et abattements spécifiques aux territoires de la politique de la ville qui représentent environ 450 millions d’euros. Ce montant intègre le coût de la TVA à taux réduit de 5,5% pour l’accession sociale à la propriété dans les quartiers prioritaires, qui s’élève à près de 160 millions d’euros.
Qu’en est-il des dotations ?
La dotation de solidarité urbaine (DSU) augmente cette année de 120 millions d’euros pour atteindre 2,181 milliards d’euros, tandis que la dotation de la politique de la ville (DPV) est maintenue à son niveau de 2017, soit 150 millions d’euros.
A cet effet, qu’en est-il du PNRU et des interrogations sur l’avenir de son financement ?
Comme prévu par le Président de la République durant la campagne électorale, le Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) est porté de 5 à 10 milliards d’euros. L’Etat participera à ce doublement de l’effort à hauteur de 1 milliard d’euros sur la durée du programme ; 200 millions seront mobilisés durant le quinquennat et 15 millions dès 2018.
Il y a eu de longues discussions mais aucun blocage pour boucler ce budget. L’Etat et Action Logement ont acté leurs contributions, la négociation est en cours de finalisation avec les bailleurs sociaux.
Elus et professionnels de la politique de la ville se sont émus l’été dernier de la réduction programmée des contrats aidés. Quel avenir en 2018 pour les adultes-relais présents dans les quartiers ?
Les adultes-relais n’ont à aucun moment été remis en question dans le débat sur les contrats aidés. Nous maintenons l’engagement sur les adultes-relais, dont nous connaissons la valeur sur le terrain. Le soutien financier reste identique, à hauteur de 4000 postes pour 2018.
Les maires de Villes et banlieues redoutent les conséquences sur les quartiers prioritaires de l’effort d’économie de 13 milliards d’euros demandé aux collectivités. Que leur dites-vous ?
Le projet du gouvernement vise à mettre fin aux coups de rabot sur les dotations aux collectivités. Le Premier ministre l’a encore rappelé en décembre à Cahors lors de la Conférence nationale des territoires : la logique est celle d’une maîtrise des dépenses de fonctionnement pour favoriser l’investissement. Le taux pivot d’évolution permettra une progression des dépenses de fonctionnement calibrée à 1,2% par an.
Cette maîtrise de la dépense s’imposera aux 322 collectivités les plus importantes. Parmi elles, celles qui comportent plus de 25% de population en quartiers prioritaires pourront voir leur taux d’effort modulé à la baisse, en application de la loi de finances pour 2018. C’est là encore une marque d’attention du Gouvernement.
La mobilisation des crédits de droit commun qui a été une priorité de la politique de la ville au cours des dernières années a-t-elle porté ses fruits ?
Il est encore trop tôt pour le dire précisément mais cela reste un enjeu majeur que le président de la République a d’ailleurs rappelé à Tourcoing. C’est une priorité pour nous, largement partagée par les associations d’élus, que de mesurer cette mobilisation du droit commun. Notre nouvel outil de géo-référencement devrait y contribuer.
Le « plan de bataille » voulu par le président Macron en faveur des quartiers doit voir le jour « en février ». Pouvez-vous préciser ce calendrier ?
Le mois de février ne sera qu’une étape. L’Elysée élabore actuellement la composition du Conseil présidentiel des villes avec le souci d’y nommer des acteurs du terrain. Une première réunion est prévue vers la fin février. Cette instance voulue par le chef de l’Etat lui permettra tous les trois mois de prendre le pouls des quartiers et de la mobilisation à l’œuvre.
Un comité interministériel des villes (CIV) se tiendra en mars pour une première mise en forme du plan d’action gouvernemental.
A quoi rassemblera ce plan ?
Les actions entérinées par le gouvernement seront présentées lors du CIV. D’ores et déjà, on peut évoquer les chantiers déjà lancés comme la police de sécurité du quotidien, les emplois francs ou le dédoublement des classes de CP des REP et CE1 des REP+. Une autre priorité est la présence des services publics dans les quartiers de la politique de la ville, avec un accent mis sur les crèches.
Quel est selon vous le principal enjeu de cette mobilisation ?
Le ministre Jacques Mézard et le secrétaire d’Etat Julien Denormandie ont tenu à ce que cette mobilisation repose sur une « co-construction ». Cette méthode vise à solliciter et à faire s’exprimer toutes celles et ceux qui veulent prendre la parole au sujet de la politique de la ville. Je pense bien sûr aux conseils citoyens, auxquels nous avons récemment adressé un questionnaire. Une centaine de leurs membres se sont également réunis en décembre à l’occasion d’un hackathon pour faire émerger des projets.
La volonté politique est bien de réunir un maximum de contributions. Les bonnes pratiques sont nombreuses et les services de l’Etat n’en ont pas toujours connaissance. Or, un certain nombre d’initiatives doivent être encouragées et parfois dupliquées. Dans cette perspective, nous nous appuierons sur la banque de l’innovation sociale pour faciliter le transfert de ces bonnes pratiques qui peuvent intéresser le plus grand nombre de territoires.
Dans son discours de Tourcoing, le président a exprimé la volonté de mettre « le maximum de moyens sur quelques dizaines de quartiers particulièrement en difficulté ». Pouvez-vous préciser son intention ?
Dans la géographie des territoires prioritaires, nous observons qu’un certain nombre de quartiers cumulent de grandes difficultés et voient leurs indicateurs évoluer de façon préoccupante. Pour ces quartiers-là, qu’il faut clairement identifier, nous envisageons à titre exceptionnel de renforcer et de concentrer les moyens pour briser la spirale.
Mission expresse pour Jean-Louis Borloo
Alors qu’il égrenait, à l’issue du conseil des ministres du 3 janvier, la liste des nombreux projets de loi et autres comités interministériels qui jalonneront l’action gouvernementale des six prochains mois , le Premier ministre, Edouard Philippe a évoqué « le rendu de la mission de Jean-Louis Borloo sur les quartiers prioritaires » sans plus de détails.
Annoncée par le président Macron lui-même qui avait appelé en novembre à Tourcoing l’ancien ministre de la Ville à « remettre les gants », cette mission a été officialisée en décembre par le ministre de la cohésion des territoires, Jacques Mézard. Objectif de cette mission courte de trois mois : faire le bilan de la politique de la ville, identifier les bonnes pratiques de terrain et faire des propositions innovantes. « Il s’agira notamment d’interpeler les élus locaux et tous les acteurs socio-économiques sur ces quartiers en difficultés. Les conclusions de cette mission seront présentées à la fin du premier trimestre 2018 et alimenteront le plan de mobilisation national », précisait alors le ministre.