L’annonce de la disparition à terme de la taxe d’habitation n’est pas une surprise. D’abord, et cela se répète, chaque fois que l’Etat devient le principal payeur d’un impôt, il cherche à le supprimer. Après la taxe professionnelle voici donc la taxe d’habitation !!
C’est surtout, et c’est bien plus grave, la suite logique d’un double mouvement politique et technocratique !
Politique d’abord, car aucun gouvernement n’ayant eu le courage de réévaluer les bases de cet impôt depuis 1971, il devenait évident que plus le temps passait, plus les aberrations du système existant deviendraient intenables.
Car comment continuer à expliquer que la taxe soit plus élevée en immeuble collectif de banlieue sensible qu’en chambre de bonne transformée en appartement face au jardin du Luxembourg ! Mais, le temps passant, une éventuelle révision aurait produit nécessairement de plus en plus de perdants, et de gagnants. On comprend que personne n’ait jamais eu le courage de « finir le travail », voire plus simplement, de s’en tenir à une valeur vénale déclarative du bien, quitte à sanctionner lourdement les tricheurs lors de toute revente ou succession.
Et comme les technocrates de Bercy avaient eux-mêmes leur idée en tête depuis le début des années 1990 -j’en suis témoin depuis mon passage au cabinet du ministre des collectivités locales en 1993 lors d’un premier essai de réforme de la DGF – à savoir supprimer l’impôt local au profit de la dotation globale, toute la machine « bercyenne » s’est attelée à freiner la révision des bases, inquiéter sans relâche les politiques, resserrant, étape par étape, la boucle.
Ce furent d’abord les mesures de plafonnement, puis la mesure de la disparition de la part régionale, puis celle de la part départementale.
Et comme pour la disparition progressive de la taxe professionnelle (d’abord Juppé avec un abattement général, puis dix ans après Strauss-Kahn avec la fin de la part salariale), on a pris l’habitude de compenser la perte des arbitrages successifs aux collectivités locales. Tout était écrit, tout parait si simple…. Sauf que !
Etiolement de l’idée de décentralisation
Tout d’abord, il en va de l’autonomie fiscale –pardon financière – des collectivités locales. Le diable est dans les détails et le Conseil Constitutionnel, jamais très courageux en la matière, a bien saisi la nuance entre les notions « fiscale » et « financière » ! Pour faire simple, il a décidé que dès lors que l’usage de la dotation de compensation était libre, il n’y avait pas d’atteinte à l’autonomie. Dont acte.
Sauf qu’à force de rogner toute capacité à une politique différenciée, c’est l’idée même de ce que doit être une véritable décentralisation qui s’étiole ! Car, entre le jeu des compensations et la remise en cause à terme du délicat édifice des actuelles politiques de péréquation, c’est bien de cela dont il s’agit.
On me dira « oui, certes, mais l’exemple allemand montre bien que l’on peut vivre avec les seules dotations ».
D’abord, ce n’est pas totalement exact et nos voisins n’ont pas supprimé la taxe professionnelle (qu’ils ont su réformer !). Surtout, à la place d’un très faible comité des finances publiques, il y a un véritable débat pluriannuel au parlement et notamment au Bundesrat qui représente les Landers avec un rôle déterminant en la matière.
Car chacun sait qu’en France les fonds de compensation des dotations évoluent moins bien que les enveloppes budgétaires, voire en deviennent des « variables d’ajustement » dans une enveloppe désormais « normée ».
J’ai l’habitude de dire qu’il n’y a pas de territoire sans avenir, mais qu’il y a hélas encore des territoires sans projet. Sera-t-il plus ou moins aisé de bâtir des projets sans perspective d’intéressement financier à la clef !
Si je mets des habits de maire, quel intérêt vais-je avoir à accueillir des entreprises, alors que cela ne me profitera guère ? Certaines agences d’urbanisme constatent ainsi que depuis la réforme de la fiscalité des entreprise (CVAE et CET), le nombre de terrains proposés par les communes pour de l’activité diminue et notamment dès lors qu’il s’agit d’activités sensibles.
On a constaté ces dernières années un mouvement de maires ne facilitant que la construction de logements car ils en récoltent les fruits fiscaux.
On m’avait appris qu’un bon impôt est un impôt simple, lisible, à large assiette. On en est loin.
D’ailleurs, si l’on veut aussi faire preuve de justice fiscale, il faudra aussi s’intéresser à la taxe foncière qui désormais rapporte beaucoup plus que la taxe d’habitation, avec beaucoup moins de dispositifs d’abattements ou dégrèvements. Or, il n’y a pas que des propriétaires riches ou aisés.
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