Une réforme chasse l’autre. Les acteurs de la commande publique ont à peine eu le temps de digérer le premier volet la réforme de la réglementation des marchés publics de mars dernier, qu’il leur faut dès maintenant affronter la suivante. En octobre 2018, la dématérialisation complète des marchés publics entrera en vigueur. Autant dire demain. Et sur le terrain, l’inquiétude commence à poindre.
« On s’est longtemps dit que le temps était encore devant nous. Maintenant il faut mettre les bouchées doubles. Le couperet va tomber », prévient Alain Bénard, président de l’Association des acheteurs publics, qui s’exprimait lors d’une conférence organisée par le club marché du groupe Moniteur à l’occasion du salon des maires et des collectivités locales.
« On s’est longtemps dit que le temps était encore devant nous. Maintenant il faut mettre les bouchées doubles. Le couperet va tomber »
Des solutions terre à terre… mais pratiques
Pour réussir, il faut anticiper, et donc « sensibiliser les élus, et même les directions générales », poursuit-il. Il faut aussi communiquer avec les partenaire
partenaires des collectivités, comptables publics, services préfectoraux. Loin des discours technocratiques de Bercy, il donne quelques recommandations très terre à terre pour réussir la réforme. « En cette période où l’on vote les budgets, on peut par exemple prévoir d’acheter des écrans plus grands, dit-il, ou même des doubles écrans », pour être plus à l’aise sur les dossiers complexes. Il faudra aussi « revoir l’ergonomie des bureaux », et travailler sur des notions aussi basiques que le poids des fichiers, l’utilisation de documents PDF, etc.
Le travail d’analyse risque aussi de se compliquer, car les entreprises pourraient être incitées à faire des offres à rallonge, avec des mémoires techniques interminables. « Il y a eu déjà des contentieux où les candidats se plaignent que leur offre ait été insuffisamment analysée », prévient l’avocat Aymeric Hourcabie. « Il va donc falloir que les acheteurs se forment sur ce point ».
Hésitations
Or les acteurs de la commande publique en sont encore à intégrer les bouleversements induits par la réforme des marchés publics, avec une certaine prudence. C’est le cas du sourcing, dont la pratique ne se révèle pas toujours aussi fructueuse qu’il y paraît. « La tentation est grande de tomber par exemple sur un procédé qui plait et de rédiger un cahier des charges ficelé qui ne laisserait pas place à la concurrence », constate Bruno Malhey, directeur général des services de la communauté d’agglomération de Paris-Vallée de la Marne.
« Attention à ne pas faire du sourcing pour rien », renchérit Aymeric Hourcabie. qui met en garde contre le risque, pour l’acheteur, de perdre de vue son besoin et d’aller vers une solution surdimensionnée. « Il faut le faire quand c’est utile et non pas de façon systématique, sans trop l’encadrer tout en gardant la traçabilité des échanges », ajoute-t-il.
Travailler en mode projet
Autre point encore délicat, celui de la négociation, autrefois exceptionnelle quand l’appel d’offres était tout puissant, et devenue beaucoup plus courante aujourd’hui. Mais les acheteurs ne sont pas armés. « Ce sont des techniques du privé pour lesquelles l’administration n’était pas prête », déplore Bruno Malhey, qui préconise en réponse de travailler à plusieurs, en équipe, en mode projet, car en face, les entreprises, surtout les plus grosses, arrivent en force pour négocier.
Mêmes difficultés autour de la détection des offres anormalement basses, ou de l’appréciation du recours des entreprises à la sous-traitance, restreint par le décret.
L’achat local est lui aussi source d’hésitations. Il est interdit en tant que tel par la réglementation, mais préconisé par les élus, et peut être développé par un travail fin sur les conditions d’exécution du marché, l’allotissement, etc. Mais là encore, la bonne maîtrise des outils exige des moyens humains qui font défaut dans les petites collectivités. Et des acheteurs bien formés, ce qui est encore loin d’être le cas.