« On se sent complètement isolés dans notre village. » Alors que beaucoup traquent les bonnes affaires sur le web, tchatent avec leurs proches à l’autre bout de la planète, réservent leurs billets d’avion en trois clics, Martine bataille avec une connexion internet capricieuse. En plus de devoir sortir de sa ferme pour appeler avec son portable, cette agricultrice de Villalet, un village de l’Eure (intégré à la commune nouvelle de Sylvains-lès-Moulins, 1 300 hab.), use du système D. Faute d’un débit suffisant, elle est contrainte de se rendre à la bibliothèque ou chez des amis mieux lotis. « Lorsque je dois déposer ma demande d’aides de la politique agricole commune ou déclarer mes impôts, je dois aller à Evreux, à 20 kilomètres. Ces démarches me prennent la journée, ce qui est compliqué lorsque l’on gère une exploitation agricole. Mais si je dépasse les délais, je perds mes subventions », souffle-t-elle.
Ces tracasseries sont le lot quotidien des 15 % de Français encore privés d’internet à leur domicile en 2016, selon « Le baromètre du numérique 2016 » du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc). Pour ne pas laisser les habitants des campagnes à l’écart d’une société de plus en plus connectée, les collectivités sont contraintes de financer, avec l’Etat, le déploiement du très haut-débit dans les zones rurales, là où les opérateurs télécoms sont absents, faute de rentabilité.
Le haut-débit (bientôt) pour tous
En juillet, Emmanuel Macron a décidé d’accélérer le calendrier pour parvenir à une couverture en haut et très haut débit sur tout le territoire à l’horizon 2020. Stratégie confirmée le 27 septembre. Le Plan France très haut-débit, mobilisant 20 milliards d’euros en dix ans, prévoyait le déploiement de la fibre optique pour tous en 2022. Si tous les Français n’auront pas un accès à grande vitesse à cette date, le débit sera plus rapide. Pour tenir le cap, d’autres technologies seront mises à contribution (satellite, ADSL, 4G).
De nombreux oubliés
« Nous devons assurer une égalité dans l’accès aux services numériques entre les ruraux et les citadins. C’est l’attractivité de nos territoires qui est en jeu. Aujourd’hui, les familles quittent les communes où les connexions sont restreintes et les entreprises ne s’y installent pas », observe John Billard, vice-président de l’Association des maires ruraux de France, chargé du numérique. Les habitants des campagnes ne sont pas les seuls à rester sur le carreau. Parmi les oubliés du numérique, les plus précaires, les non-diplômés et les seniors, loin d’avoir été tous biberonnés au digital. « Dans des villes ultraconnectées, les logements ont beau être raccordés à la fibre optique, une partie de la population n’est pas dotée d’un capital culturel suffisant pour se saisir des opportunités du numérique. L’accès aux équipements n’est pas le seul facteur d’exclusion. La maîtrise des usages n’est pas innée », constate Florence Durand-Tornare, fondatrice de l’association Villes internet.
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Numérique : le côté obscur de la dématérialisation
Sommaire du dossier
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- Services publics : le côté obscur de la dématérialisation
- Atterrissage ardu pour les conseillers numériques France Services
- Services dématérialisés : un nouveau facteur d’exclusion sociale
- Dématérialisation : des allocataires bloqués par le RSA en ligne
- Dématérialisation : le téléphone et les France Services en soutien
- Dématérialisation : un usager sur trois renonce à effectuer une démarche en ligne
- « Le problème d’une dématérialisation qui ne laisse pas le choix aux usagers »
- Dématérialisation : la double peine pour les personnes en situation de handicap
- Droit au maintien de la connexion Internet : encore trop peu d’effets
- Le numérique inclusif lancé par un plan national
- « Le numérique, un obstacle aux droits des plus fragiles »
- Exclusion numérique : des initiatives pour familiariser les Français aux nouvelles technologies
- Médiateur numérique, un métier entre le social et le web
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- Les travailleurs sociaux à l’heure du numérique
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