Encore un plan modernisation des services publics et de la fonction publique, déjà annoncée par une circulaire fin septembre ? Oui mais promis, pas dans la veine de la RGGP (Révision générale des politiques publiques) portée par Nicolas Sarkozy ou encore celle de la MAP (Modernisation de l’action publique) de François Hollande.
Sous les ors de Matignon, Edouard Philippe a pris en effet le parti de présenter cette nouvelle salve d’évolution de la fonction publique, intitulée Action publique 2022, sous un angle différent. Pas question de parler de « réforme de l’Etat (….) comme nous aurions pu le faire avant en présentant un plan d’économies. »
Pas une énième réforme assure le gouvernement
« Je vais vous parler de transformation », a ainsi expliqué en préambule le Premier ministre. Et de citer pêle-mêle « plusieurs innovation qui transforment, vraiment et dans la durée, le quotidien « comme les maisons de service au public ou le portail ‘France connect’ qui offre la possibilité d’accéder avec un identifiant unique à près de 250 sites publics ».
« Derrière ces exemples, on voit apparaître quelques tendances : la numérisation, la création de points d’entrée uniques, la simplicité d’usage, une certaine ‘fluidité’ », a continué le locataire de Matignon.
« Ce que nous voulons faire, c’est transformer l’action publique » a insisté l’ancien maire du Havre, en évitant « une approche uniquement comptable qui consiste à ‘faire moins avec moins’ » ou « une approche dogmatique » dans laquelle « la question du périmètre et des missions du service public font l’objet de débats plus idéologiques que stratégiques ».
Une façon donc de rassurer les agents de la fonction publique, parfois fébriles après les annonces autour de la CSG ou de la décorrélation du point d’indice.
Simplification et numérisation
La démarche « Action publique 2022 » se fixe comme objectif principal « de simplifier tout ce qui doit l’être et de numériser tout ce qui peut l’être. Le Président de la République a fixé un objectif clair : offrir aux Français 100% de services dématérialisés d’ici 2022 » a-t-il continué.
Tout en se plaçant « du point de vue de l’usager », Edouard Philippe veut aussi intégrer dans la démarche « le point de vue des agents ». « Nous voulons les doter des moyens, en particulier numériques, dont ils ont besoin ».« Dans le cadre du grand plan d’investissement, nous consacrerons 1,5 milliard d’euros à la formation des agents publics, en particulier aux métiers du numérique » a ainsi annoncé le Premier ministre
Alors que Matignon avait laissé entendre que ce chiffre toucherait les trois fonctions publiques, le cabinet de Gérald Darmanin a précisé le 16 octobre les intentions du gouvernement. Ce montant devrait concerner seulement la fonction publique d’Etat et s’étaler sur 5 ans, soit 300 millions par an. Pour comparaison, la formation initiale des agents de l’Etat dans les écoles de service public coûte 2 milliards d’euros par an d’après le rapport de Raymond-François Le Bris, ancien directeur de l’ENA.
Clarifier les compétences et moderniser les trois fonctions publiques
Dernier point de vue que doit adopter la réforme juge le Premier ministre : « celui du contribuable » qui doit pousser à se demander « quelle est la structure ou la collectivité la plus légitime ou la mieux placée pour exercer une mission ». « Je souhaite qu’Action publique 2022 nous aide à remettre de l’ordre dans les chevauchements de compétences. Il s’agit d’une question de clarification des responsabilités entre les décideurs publics (…) On ne peut pas avoir des services publics qui se modernisent d’un côté et, de l’autre, des services qui restent à l’écart de ce mouvement », comme les collectivités ou les administrations de sécurité sociale, a enchaîné Edouard Philippe.
Après cette revue de détails des intentions d’une mission « suivie personnellement par le Premier ministre et le président de la République », Edouard Philippe est passé aux modalités précises.
Action publique 2022 commencera par « un grand débat national sous la forme d’une consultation numérique et de forums territoriaux (…). Il sera l’occasion d’interroger les Français sur des questions très concrètes, comme les horaires d’ouverture ou le maillage territorial. »
Une revue des dépenses et des missions publiques
Puis le comité d’action publique 2022, appelé CAP 22 effectuera « une revue des dépenses et des missions publiques ». Pour « croiser les regards, se nourrir d’expériences diverses (…), partir de la réalité vécue par l’élu local, le haut fonctionnaire, l’usager… », plusieurs personnalités seront à pied d’œuvre.
Parmi les membres du comité, on trouve Frédéric Mion, le directeur de Sciences-Po Paris, ancien adjoint au directeur général de l’administration et de la fonction publique de 2000 à 2003, Véronique Bédague-Hamilus, secrétaire générale de Nexity, un temps secrétaire générale de la Ville de Paris, ou encore Ross McInnes, président du conseil d’administration de Safran.
« Ce comité aura carte blanche pour explorer les pistes, évaluer les périmètres, identifier les doublons de compétence. » Et de préciser, sur un sujet très sensible : « ils devront imaginer une organisation idéale des services publics, ce qui implique, bien sûr, de réfléchir à l’évolution des périmètres des politiques publiques et de réfléchir à d’éventuels transferts de compétence ». Le comité Cap 2022 remettra ses conclusions « d’ici la fin du 1er trimestre 2018 ».
La feuille de route est toutefois moins précise que ce qu’avait annoncé la circulaire, qui parlait «des transferts entre les différents niveaux de collectivités publiques, des transferts au secteur privé, voire des abandons de missions. Ce comité identifiera également les chevauchements et les doublons de compétences, sources de coûts injustifiés. »
Enfin, seront lancés 5 chantiers interministériels qui touchent toutes les problématiques de la fonction publique :
- simplification,
- ressources humaines,
- numérique,
- gestion financière
- organisation territoriale des services publics.
Pourquoi un tel ordonnancement ? « Durant trop longtemps, on a recherché les économies avant de penser l’organisation. La démarche Action publique 2022 propose l’inverse » a expliqué le Premier ministre.
A voir. La circulaire précisait bien en effet que le programme Action publique 2022 viserait à « accompagner rapidement la baisse des dépenses publiques avec un engagement ferme : réduire de trois points la part de la dépense publique dans le PIB d’ici 2022. » Un sujet hautement explosif donc.