« La loi de programmation 2018-2022 aura un impact très important sur la capacité d’endettement des régions et des autres collectivités locales dans les années à venir », prévient Stéphane Salini, vice-président (LR) en charge des finances à la région Ile-de-France, où s’est déroulée, mardi 10 octobre 2017, la Rencontre d’actualité du Club Finances dédiée au décryptage des textes budgétaires. Plus que le projet de loi de finances pour 2018, qui porte le dégrèvement de la taxe d’habitation, c’est en effet la loi de programmation des finances publiques 2018-2022 qui porte la plupart des dispositions décisives pour les budgets des collectivités locales.
Les trajectoires budgétaires définies dans ce texte – à la portée normative toute relative – s’inscrivent dans un contexte macro-économique très favorable avec une croissance plus dynamique et des taux d’intérêt bas, comme l’a expliqué Philippe Waechter, directeur de la recherche économique chez Natixis.
Pour autant les collectivités locales pourront-elles se permettre de profiter de ces financements attractifs ? Rien n’est moins sûr à en croire la loi de programmation des finances publiques 2018-2022 dont le contenu a été présenté et analysé par Françoise Taheri, sous-directrice des finances locales et de l’action économique à la DGCL.
« Une contradiction évidente »
Un texte largement discuté lors la table ronde sur le thème : « Jusqu’où peut-on gérer une collectivité sous contrainte financière constante ? ». Pour Claire Delpech, responsable finances et fiscalité, habitat et logement à l’ADCF, « il y a une contradiction évidente entre l’objectif de maîtrise des dépenses et de désendettement des collectivités et l’objectif de soutenir l’investissement et l’activité économique. » D’autant qu’elle tient à replacer le contexte actuel des relations entre l’Etat et les collectivités : « L’effort demandé aux collectivités est très important parce qu’il touche aussi les aides à la pierre, les agences de l’eau, les contrats aidés, etc. »
Pour Claire Delpech, le discours du gouvernement sur la moindre hausse des dépenses est à prendre avec des pincettes : « On est sur une hausse maximale des dépenses de 1,2 % en valeur, c’est-à-dire inflation comprise. Cela représente donc même une baisse si on prend en compte les dépenses contraintes imposées par l’Etat ou si l’inflation venait à remonter. »
Plus largement, d’un point de vue purement technique, « il y a une vraie difficulté sur la prise en compte des évolutions de périmètres intercommunaux, des transferts de compétences, des démarches de mutualisations. Tout cela est loin d’être réglé », alerte-t-elle.
L’heure est à la revue des dépenses
« L’enjeu pour nous est plus dans la loi de programmation que dans le PLF 2018 », abonde Jean-Philippe de Saint-Martin, le directeur des finances de la région Ile-de-France, pointant « l’encadrement des dépenses et de la dette alors même que la région Ile-de-France est en croissance démographique ce qui implique, par exemple, l’ouverture de nouveaux lycées et toutes les dépenses de fonctionnement qui vont avec. »
Pour Françoise Larpin, directrice secteur public chez KPMG, « la contrainte financière est aussi un moyen d’encourager la réforme territoriale via des rapprochements ici ou là, parfois volontaires, parfois moins, au niveau des communes, des départements et des régions ». Pour elle, l’heure est désormais à la systématisation des revues de dépenses. « Il faut travailler sur le périmètre des missions, les modes de gestion, les coûts des services publics », insiste-t-elle tandis que Claire Delpech demande « davantage de souplesse pour permettre au bloc communal de réfléchir autrement à la question des dépenses comme du partage des ressources au sein de chaque territoire »
Vers une recentralisation déguisée ?
« Les collectivités représentent aujourd’hui 8,6 % de la dette publique et, à en croire la loi de programmation, elles ne devront représenter que 5,9 % en 2022. Ce sont donc elles qui vont devoir porter le désendettement public du quinquennat » fait remarquer son collègue Franck Claeys, directeur économie et finances territoriales de l’association France urbaine. Pour lui, « ce qui se dessine c’est que l’ampleur et la nature des investissements des collectivités seront de moins en moins un choix local et de plus en plus un choix national. »
« On parle de décentralisation et, en même temps, tout est fait pour centraliser les décisions et les recettes au plus haut de l’Etat », estime, lui-aussi, Stéphane Salini avant de s’interroger : « Quelles collectivités voulons-nous ? Des collectivités centralisées et sans autonomie financière ou des collectivités avec davantage d’autonomie et une vraie proximité avec le terrain et les citoyens ? Je préfère la 2e solution ! »
Quel impact du dégrèvement de la TH ?
La réforme de la taxe d’habitation, comme celle, en son temps, de la taxe professionnelle, fait craindre aux collectivités une reprise en main de la fiscalité locale par l’Etat. Les conséquences de ce dégrèvement progressif ont été détaillées, simulations chiffrées à l’appui, par Guillaume Verdan, consultant pour la start-up Simco.
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Le décryptage du PLF 2018 et de la loi de programmation
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- Budget 2018 : la loi de programmation cristallise les inquiétudes des territoires
- L’impact du PLF 2018 et de la loi de programmation décrypté par la DGCL
- Dégrèvement de la taxe d’habitation : quel impact sur le bloc communal ?
- Un contexte macro-économique favorable pour les collectivités en 2018
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