Que pensez-vous de la « création » d’une vingtaine de métropoles ?
Une métropole a une existence organique, plus économique qu’administrative. C’est un espace d’interaction dense, dont découlent des effets sur la productivité économique et l’innovation. Bien sûr, il faut établir une unité administrative pour gouverner la métropole. Mais le problème est que la métropole organique a tendance à ne pas respecter les frontières administratives, d’où la nécessité de les ajuster et de repenser les responsabilités et les ressources de chaque feuille de ce millefeuille.
Avons-nous la place pour autant de métropoles ?
Le problème n’est pas dans cette structure de « rang-taille », mais dans la performance économique des métropoles, avec notamment l’écart qui se creuse entre l’Ile-de-France et le reste du pays en termes de revenu par habitant, de positionnement dans l’économie mondiale et de présence des activités innovantes. Le défi est moins démographique qu’économique.
Que penser des contractualisations entre métropoles et zones rurales ?
Je suis assez sceptique par rapport à ce genre de contrats ou de volontarisme politique car, dans l’économie contemporaine, l’activité se crée dans les territoires où les bénéfices sont générés, d’où les phénomènes de concentration. Le but de ce type de contrats est de partager la croissance et la richesse entre territoires. Il y a une longue histoire en France de volontarisme dans l’aménagement du territoire, qui remonte à la Datar (délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale, créée en 1963 et dissoute en 2014, ndlr)&hellip Force est de constater que ces politiques n’ont jamais été capables de réduire la part de l’Ile-de-France dans l’économie française ! Mais cela ne veut pas dire qu’il est impossible de créer de la richesse ailleurs.
Comment produire ces richesses ? Quel y serait le rôle des collectivités ?
A travers une politique de développement endogène. Il faut stimuler la capacité des territoires à créer leur propre richesse, dans leur propre intérêt. En France, on est dans une vision assez atavique du rôle de l’Etat et on n’a jamais tenté une véritable décentralisation des compétences. Les régions et les communes veulent de nouvelles compétences, sans prendre aucun risque. Cette ambivalence, voire schizophrénie, les empêche d’avancer vers une mobilisation des compétences locales et régionales et de différentiation des stratégies de développement entre espaces de la République. Mais il est temps de prendre le risque de différenciation comme gageure, et même d’accepter une certaine concurrence entre territoires.
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Les métropoles vont-elles vampiriser leurs voisins ?
Sommaire du dossier
- Métropoles et territoires périurbains et ruraux : une mécanique à repenser
- Les métropoles ruissellent-elles ?
- Laurent Davezies : « L’Etat n’abandonne pas ses territoires »
- Le processus de métropolisation en cours de réinvention
- Non, les métropoles ne réussissent pas toutes économiquement
- « Les régions doivent s’occuper d’articuler métropoles, villes et ruralité»
- Territoires : ces entrepreneurs « capricieux » qui réussissent loin des métropoles
- Résilience urbaine : Paris embarque ses voisins ruraux dans sa stratégie
- « Le défi des métropoles est moins démographique qu’économique »
- Environnement : les métropoles vont-elles avaler leurs voisins ?
- Autonomie énergétique : urbain et rural, ces voisins qui ont tant de choses à se dire
- Les territoires pertinents passent par les métropoles
- Métropoles et territoires environnants : des contrats de réciprocité qui démarrent péniblement
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