Quel constat tirez-vous de la mise en place des métropoles en France ?
D’abord, il faut faire le constat de l’existant. L’étude publié chaque année par la Banque postale et France urbaine, intitulée « Territoires urbains – portrait financier » le montre. Il y a aujourd’hui 28 millions d’habitants dans des « oasis urbaines », qui correspondent à 75 territoires. Le reste, une grosse moitié de la population, est ailleurs. La loi a permis de donner un statut aux métropoles, mais, concomitamment, il n’y a pas eu le pendant pour les régions. Il a manqué un texte pour réaffirmer le rôle des régions afin d’organiser l’infrarégional. La vraie question est de savoir comment on réfléchit à l’articulation entre les métropoles et leur Hinterland (zone d’influence, ndlr).
Comment les métropoles, tirant leur épingle du jeu, peuvent-elles irriguer les territoires environnants ?
Les grandes villes ont, pour la plupart, de moyens importants. Elles sont connectées avec d’autres villes d’Europe et du monde. Sans rien renier de leur mérite, elles irriguent, mais il n’en demeure pas moins qu’il faut organiser, ce qui ne se fait pas naturellement. Cette mutation doit être accompagnée par un aménageur, et ce sera forcément la région. Le problème : les régions ne sont plus des nains politiques, mais le restent fiscalement.
N’est-ce pas aux régions de répartir en partie la richesse des métropoles ?
Non, les régions doivent s’occuper de l’ingénierie contractuelle, pour permettre aux territoires de contractualiser. A elles de régler l’articulation entre les métropoles, les villes moyennes et les territoires ruraux, mais c’est à l’Etat d’assurer la péréquation ! Nous sommes, en France, incapables de bien repartir la richesse. Certes, toutes les aires urbaines ne sont pas riches, mais il y a des endroits où elle ne cesse de s’accumuler. Et l’Etat, qui sait être aménageur, n’est pas capable d’organiser une péréquation convenable.
Que vous inspirent les contrats de réciprocité ville-campagne ?
Ils constituent une réponse, mais qui ne peut être la panacée. Ce n’est pas une nouveauté. A Rennes, par exemple, Edmond Hervé (ancien maire PS de 1977 à 2008, sénateur de 2008 à 2014, et ministre sous le premier septennat de François Mitterrand, ndlr) avait instauré une forte coopération avec les collectivités voisines, comme des contrats de réciprocité avant l’heure. Mais cela ne peut suffire, on ne peut pas laisser les métropoles régler seules ces disparités. D’une part, parce que certaines ne le feront pas, d’autre part, parce que certains territoires en sont trop éloignés. Nous sommes à la fin du « jardin à la française », il va falloir se regrouper mais, pour y parvenir, il faudra que l’Etat remplisse sa fonction. Sans tuer la « poule aux œufs d’or » que sont les métropoles, donner du carburant aux groupements intercommunaux, afin de soutenir la France qui décroche.
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Les métropoles vont-elles vampiriser leurs voisins ?
Sommaire du dossier
- Métropoles et territoires périurbains et ruraux : une mécanique à repenser
- Les métropoles ruissellent-elles ?
- Laurent Davezies : « L’Etat n’abandonne pas ses territoires »
- Le processus de métropolisation en cours de réinvention
- Non, les métropoles ne réussissent pas toutes économiquement
- « Les régions doivent s’occuper d’articuler métropoles, villes et ruralité»
- Territoires : ces entrepreneurs « capricieux » qui réussissent loin des métropoles
- Résilience urbaine : Paris embarque ses voisins ruraux dans sa stratégie
- « Le défi des métropoles est moins démographique qu’économique »
- Environnement : les métropoles vont-elles avaler leurs voisins ?
- Autonomie énergétique : urbain et rural, ces voisins qui ont tant de choses à se dire
- Les territoires pertinents passent par les métropoles
- Métropoles et territoires environnants : des contrats de réciprocité qui démarrent péniblement
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