L’opposition entre les deux vainqueurs du premier tour de la présidentielle est radicale. C’est particulièrement vrai au chapitre des collectivités. Quand Emmanuel Macron assure le service après-vente de la réforme territoriale, Marine Le Pen veut renverser la table et revenir au triptyque Commune/Département/Etat.
« Nous en avons soupé des grandes réformes institutionnelles », a lancé le candidat d’En Marche!, lors du grand oral des postulants, organisé le 8 mars dernier par l’Assemblée des départements de France. Une manière pour l’ancien ministre de l’Economie de reprendre à son compte les nouvelles cartes régionales et intercommunales, ainsi que la distribution des compétences issue des textes MAPTAM et NOTRe.
Tout au contraire, Marine Le Pen veut faire un sort aux lois Hollande, dictées, selon elle, par Bruxelles et synonymes de « gabegie ». La candidate du FN fait simple. Très simple. Elle entend priver les nouvelles super-régions du statut de collectivités de plein exercice. En lieu et place des grands ensembles, elle veut reconstituer des entités plus petites, comme l’Alsace ou la Lorraine.
Girondins contre Jacobins
Elle souhaite transformer ces régions en de simples syndicats de liaison composés d’élus départementaux, certaines compétences comme l’aménagement du territoire et les transports ayant vocation à être recentralisées.
Un schéma qu’elle compte aussi imposer aux EPCI à fiscalité propre. Le FN souhaite que ceux-ci redeviennent de simples syndicats intercommunaux. Seuls trouvent grâce aux yeux de Marine Le Pen les deux institutions-phares de la France jacobine : la commune et le département.
Favorable à un « pacte girondin entre l’Etat et les collectivités », Emmanuel Macron promeut « l’intelligence des territoires » et une organisation à la carte. Pour lui, le département a toutes ses raisons d’être dans la France des villes petites et moyennes, placée à l’écart des métropoles mondialisées. « Je ne mésestime pas le rôle du département, espace de solidarité indispensable pour tenir les équilibres du pays », indique Emmanuel Macron. « J’ai fixé l’objectif de supprimer d’un quart le nombre de départements à l’horizon de 2022 », a-t-il précisé devant l’ADF.
Visés, les territoires qui accueillent des métropoles qui « constituent nos atouts-maîtres » en termes de « compétitivité ». A l’issue du quinquennat, le nombre de ces groupements urbains culmine à 22. La loi du 27 février 2017 relative au statut de Paris et de l’aménagement métropolitain en a en effet ajouté sept nouveaux à Clermont-Ferrand, Dijon, Metz, Orléans, Saint-Etienne, Toulon, Tours. Un chiffre proche du quart des départements voués à la disparition dans le schéma d’Emmanuel Macron.
Est-ce à dire que les départements souvent très ruraux accueillant des petites métropoles comme le Loiret dans le cas d’Orléans ou le Puy-de-Dôme pour Clermont-Ferrand seraient rayés de la carte ? Durant la campagne de premier tour, Stéphane Troussel le monsieur « collectivités » du candidat PS, Benoît Hamon, s’est vivement opposé à cette perspective.
Fracture métropolitaine
Le dessein d’Emmanuel Macron n’apparaît pas des plus limpides. Si le candidat d’En Marche! mentionne volontiers les départements des Bouches-du-Rhône et du Grand Paris (Paris, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne) parmi les territoires visés, il se garde d’en citer d’autres.
« Je ne pense pas que l’on puisse aller vers une suppression des départements partout où il existe des métropoles au sens des dernières dispositions législatives. Je ne suis pas certain que cela soit des métropoles au sens de Hong-Kong et de Shanghaï », a considéré Emmanuel Macron devant l’ADF. Il a ajouté que les fusions département-métropoles ne seraient « ni automatiques, ni unilatérales », semblant écarter une nouvelle loi.
Dans ces conditions, son chiffre d’un quart des départements voués à la disparition apparaît quelque peu ambitieux… Quoiqu’il en soit, le directeur de campagne de Marine Le Pen, David Rachline, s’oppose à toute fusion département-métropole. Il souhaite éviter à tout prix « une concentration de l’activité économique et des administrations dans les grandes agglomérations ». Un discours qui a le don d’irriter le candidat d’En Marche!. « On se trompe à vouloir opposer la France des villes et de la France des champs », tranche, sûr de son fait, Emmanuel Macron.
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