Par quels secteurs les consultants sont-ils rentrés dans la sphère de l’action publique locale ?
Dès la fin des années 1980, les collectivités ont eu à gérer des domaines très techniques, comme la fiscalité locale, mais elles ont aussi dû faire face à de nouveaux défis comme l’évaluation de leurs politiques publiques, la contractualisation d’emprunts… Autant de raisons qui les ont conduites à recourir à des cabinets de consultants. Je dirais également que le secteur qui a été approché le premier par les consultants extérieurs est celui des politiques urbaines, car il nécessite de la planification. Aujourd’hui, en revanche, peu de domaines échappent à cette externalisation. Parce que les collectivités veulent dépolitiser les enjeux de leur action publique locale pour éviter les conflits, et expriment également un besoin de coordination entre les différents services, puisqu’elles travaillent toujours en tuyaux d’orgue. Les consultants œuvrent donc surtout sur des projets multisectoriels, sur de la conduite de projet.
Le recours aux consultants se fait-il plutôt sur des questions de fond ou de forme ?
Je dirais principalement sur des questions de forme, sur la procédure à suivre pour produire une opinion collective. Ils peuvent aussi accompagner un élu dans sa stratégie politique. Mais devant la complexité croissante des sujets – je pense notamment au droit, qui nécessite une sécurisation des procédures, ou encore à la fiscalité locale, qui impose une grande expertise -, les consultants sont également devenus des grands techniciens.
Quelles sont les conséquences négatives d’un recours croissant aux consultants ?
Il faut savoir que les agents publics sont de très bons généralistes et ont besoin des consultants pour tout ce qui touche aux bonnes pratiques. L’inconvénient, en revanche, c’est qu’ils façonnent l’action publique locale. Par exemple, les régions ont des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité du territoire (Sraddet) qui se ressemblent fortement car elles ont souvent mobilisé les mêmes cabinets pour les accompagner dans leur élaboration. Mais les consultants ne sont pas pour autant les seuls responsables de la standardisation des politiques publiques locales : les associations professionnelles (celles des agents comme celles des élus) participent également à cette convergence. Et nous pouvons par ailleurs noter que cette standardisation permet aussi de relativiser les conséquences de l’alternance politique !
Cet article fait partie du Dossier
La République des consultants
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Sommaire du dossier
- Les consultants, acteurs incontournables des politiques publiques
- Pourquoi les cabinets de conseil en finances locales s’imposent
- Restructuration boomerang chez les consultants finances
- Michel Klopfer : « Distinguer le bon du mauvais usage des consultants dans les collectivités »
- Nicolas Mathieu, les cadres de la mairie et les cracks du consulting
- Finances locales : des consultants à tous les étages !
- Les cabinets de conseil RH font leur nid dans la territoriale
- Quand les avocats troquent la robe pour le col blanc
- Consultants en aménagement : redonner du sens au millefeuille des documents de planification
- « La standardisation des méthodes contribue à la standardisation des résultats »
- Les cabinets d’intelligence économique ne connaissent pas la crise
- « Les consultants façonnent l’action publique locale » – Romain Pasquier
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