Les campagnes électorales sont malheureusement propices aux slogans et aux idées simples. Et pour faire simple, rien de plus efficace que d’asséner des chiffres, dont l’effet d’autorité est maximal, ou d’invoquer un modèle à l’étranger (de préférence en Europe). Ah ! le modèle allemand ! Ah ! le modèle suédois ! Certains candidats sont adeptes du « c’est mieux ailleurs », particulièrement quand il s’agit de la fonction publique, de son statut ou de ses effectifs. Dans tous les cas, il s’agit de remettre en cause de prétendus privilèges français. Mais sont-ils si parfaits, ces modèles adoptés par nos voisins ? A lire notre enquête « Nos voisins européens ont-ils trouvé le bon modèle » , rien n’est moins sûr, rien n’est si simple.
De la difficulté des comparaisons
Au sujet des effectifs tout d’abord : non, la France n’est pas suradministrée par rapport aux voisins. Elle est au-dessus de la moyenne européenne, mais très en dessous de la Suède, par exemple, louée par ailleurs pour son système basé sur l’emploi (le contrat), et non sur la carrière (le statut). L’Allemagne, elle, ne compte ni les enseignants, ni les hospitaliers dans ses effectifs publics.
A propos de l’Allemagne toujours, les récents « Cahiers de l’Observatoire social territorial » de la Mutuelle nationale territoriale rappellent la mixité du système en place : alors qu’elle a opté pour le contrat pour les fonctionnaires locaux, elle leur accorde la garantie de l’emploi et une carrière après quelques années de service.
Des vertus de la nuance
Michel Senimon, observateur avisé des pratiques européennes, tire un enseignement dont feraient bien de s’inspirer les candidats, à propos des réformes opérées par certains de nos voisins : « Les traits de plume législatifs […] se sont révélés totalement contre-productifs. »
Des vertus de la nuance, il est aussi question dans une récente étude de l’Insee (1), qui compare les retraites du secteur public et celles du privé après la réforme de 2003. Contre les idées simples, elle tient compte des complexités propres à chaque système. Contrairement aux idées reçues, elle ne relève aucun « privilège » pour les retraites du secteur public. Un modèle à suivre.
Références
- "Statut de la fonction publique territoriale : pour qui ? Pour quoi ? Et après ?", Cahiers de l'Observatoire social territorial (Mutuelle nationale territoriale), étude n°18, mars 2017
- Les différences de retraite entre secteur public et secteur privé : simulations sur carrières types », P. Aubert et C. Plouhinec, in « Economie et Statistique », Insee, n° 491-492, 2017
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