Cette promesse électorale, réitérée lors de l’audition des candidats par l’assemblée des maires de France le 23 mars dernier, prépare un double garrot pour les collectivités car, d’un côté, il leur est annoncé une nouvelle réduction des dotations visant à diminuer le nombre d’emplois publics et, de l’autre, on entend peser sur la capacité fiscale et donc l’autonomie financière du monde local. Cette atteinte à la responsabilité locale ne peut qu’entraîner un appauvrissement démocratique en déresponsabilisant le lien fiscal entre le citoyen et l’élu.
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Exonération de la taxe d’habitation : recadrons le débat !Or c’est par la « douleur » de l’impôt, directement ressentie par le contribuable, que l’on peut espérer approcher la meilleure allocation des ressources. Au vu du calibrage de la mesure (10 milliards d’euros), la prise en charge par l’Etat de la taxe d’habitation passera de 20 % aujourd’hui à près de 60 %, ce qui ne pourra qu’altérer encore plus le consentement à l’impôt pour la fraction très minoritaire qui continuera à le supporter réellement.
« Effet de seuils violents »
La construction technique de cette proposition appelle par ailleurs de nombreuses interrogations qui méritent d’être discutées. En exonérant tout ménage en deçà d’un revenu fiscal de référence, fixé en l’espèce à 20 000 euros par part, la solution imaginée introduirait des effets de seuils violents alors qu’existe depuis près de vingt ans un mécanisme de plafonnement en fonction du revenu qui a fait la preuve de son efficacité pour répondre au même problème.
Outre que la cristallisation des taux d’exonération qu’ajoute le candidat pour ne pas faire supporter au budget national les futures hausses de taux des collectivités est incohérente avec la mesure elle-même dès lors que le reste à charge reviendra au contribuable dont la cotisation est censée diminuer. En quelques années, ce seront donc des millions de foyer qui rentreront de nouveau dans l’impôt pour des montants ridicules dans un premier temps, puis croissants au fil du temps, le tout assorti de coûts de gestion disproportionnés.
Reconstruction fiscale
La campagne présidentielle 2017 aurait pu offrir une occasion privilégiée de retrouver le souffle des grandes lois décentralisatrices. En tirant la leçon des errements passés, il y a matière à redessiner un système financier durable, équitable et vivifiant pour la démocratie. Avec un peu de courage politique, l’énorme masse des travaux disponibles sur le sujet permettrait, en particulier, de redonner de l’intelligibilité au système d’imposition local.
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Fiscalité locale : comment relancer la machine ?Cette reconstruction devrait ainsi restaurer pleinement la responsabilité politique des assemblées délibérantes qui votent l’impôt, ce qui implique à la fois une spécialisation par nature de collectivité afin que l’électeur sache à qui s’en prendre, et que tout le monde contribue. Même si une composante doit intégrer partiellement le revenu tant il est vrai que le logement qu’occupe une famille n’est pas un indicateur suffisant de sa capacité contributive, une assiette « habitat » restera indispensable.
Réforme des valeurs locatives indispensable
La révision foncière demeure donc une exigence forte pour la crédibilité du système, l’idée étant sans doute de renvoyer la décision d’appliquer les nouvelles valeurs locatives à l’initiative locale elle-même, c’est-à-dire à la confrontation sur le terrain entre partisans et adversaires du changement.
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La révision des valeurs locatives, mère de toutes les réformesCar ce qui est sûr, c’est qu’en faisant l’impasse sur ces enjeux de modernisation, on condamne le pays à perpétuer le jeu pervers où l’indispensable participation des collectivités décentralisées à la maîtrise des finances publiques se règle de bricolage en bricolage par un bras de fer malsain entre les élus locaux et Bercy, sans que jamais le citoyen ne comprenne ce qu’il paye et pour quoi.
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