« Maintenant il y a urgence ». Ces mots sont ceux Mohamed Mechmache, co-président de la coordination nationale « Pas Sans Nous », véritable porte-voix des quartiers populaires de France. Il poursuit : « voilà 40 ans que nous subissons des politiques publiques qui n’ont fait qu’aggraver les inégalités. Comme aucun candidat n’a trouvé utile de nous solliciter pour évoquer ces questions, nous avons décidé de les interpeller directement ». Mais derrière cet exercice rituel des doléances électorales, les « Pas Sans Nous » ont bien du mal à cacher les sentiments de colère et de dépit qui les animent. « La banlieue, on n’en parle que lorsqu’il y a des violences policières ou des problèmes de radicalisation, se désole Nicky Tremblay, co-présidente venue de Toulouse-Le Mirail, toutes les questions de fonds sur la politique de la ville sont totalement absentes de cette campagne… Ce n’est plus possible ».
Un droit opposable à l’éducation, un CSA citoyen…
Le « syndicat » des quartiers populaires entend donc rompre ce silence politique en mettant sur la table une première série de dix propositions :
- Garantir le droit à la réussite scolaire dans les quartiers populaires, avec un droit opposable à l’éducation afin d’assurer la présence d’enseignants devant les classes tous les jours de l’année ;
- S’attaquer au chômage en imposant le réinvestissement d’une partie des bénéfices des entreprises, commerces, banques, etc. au profit des quartiers populaires ;
- Assurer et mettre en œuvre le droit au logement par le droit de réquisition des bâtiments et logements vides, l’arrêt des expulsions et la généralisation du scoring pour les attributions de logement ;
- Ouvrir le droit à la CMU sans condition d’âge, de résidence, de revenus, et d’ancienneté sur le territoire ;
- Faire de la lutte contre les discriminations un objectif prioritaire : supprimer les contrôles au faciès, condamner les bavures policières, créer une commission indépendante et citoyenne de vigilance des institutions policières et judiciaires ;
- Changer le regard des médias nationaux en ouvrant le CSA à une représentation des habitant(e)s ;
- Promouvoir la démocratie culturelle en renforçant les acteurs culturels des quartiers populaires en particulier par des financements publics ;
- Créer un fonds pour la démocratie d’initiative citoyenne, doté de 5% (35 millions d’euros) de l’enveloppe dédiée au fonctionnement de la démocratie représentative afin de promouvoir les associations et collectifs citoyens ;
- Créer la fondation pour la solidarité sociale indépendante pour l’attribution des subventions aux associations ;
- Supprimer le délit de solidarité et revoir les conditions d’accueil des migrants.
La « co-décision » au cœur du dispositif
« Nous avons désormais besoin d’un président qui ait le courage politique de mettre en œuvre ces propositions, estime Mohamed Mechmache, qui note au passage que depuis 2012 « cinq ministres se sont succédé à la Ville » [ndlr : trois ministres et deux secrétaires d’Etat]. « Comment voulez-vous, dans ces conditions, que l’on travaille dans la durée ? » s’agace Nicky Tremblay, qui appelle donc le gouvernement à entrer dans un processus, non pas de « co-construction », mais bien de « co-décision » avec les habitants des quartiers populaires. « Sinon, cela ne marchera jamais ! » tranche-t-elle.
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