A la tribune, Place de la République, le fondateur du Front de gauche a décliné un très ambitieux programme institutionnel avec l’objectif, à terme, de fonder une VIème République.
Réunir une Assemblée constituante pour fonder la VIème République
Motif récurrent ces dernières années à gauche, du président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone à l’ancien ministre de Bercy, Arnaud Montebourg, en passant par le constitutionnaliste Paul Ariès, Jean-Luc Mélenchon est désormais le seul candidat à aller sur ce terrain.
Pensée pour gérer les crises, assurer la stabilité gouvernementale, donner des marges d’action à l’exécutif, la Vème République peine aujourd’hui à s’adapter à un contexte très éloigné de sa création. Pour ses contempteurs, le régime fondé par Charles de Gaulle n’offrirait plus aujourd’hui le cadre de référence à une action politique de qualité.
« La nouvelle Constitution dont la France a besoin doit radicalement être nouvelle. Elle ne peut être un simple rafistolage de la Vème République. C’est le peuple lui-même qui doit s’emparer de la question et s’impliquer tout au long du processus constituant », estime ainsi Jean-Luc Mélenchon dans son ouvrage programmatique « L’avenir en commun ». Il propose donc les mesures suivantes pour fonder une VIème République :
- Convoquer un référendum pour engager le processus constituant
- L’impossibilité pour les anciens parlementaires de siéger dans cette assemblée constituante
- Soumettre à un référendum le projet de nouvelle constitution proposée
Si le sujet est porteur à gauche, les modalités de discussion portent autant sur le dilemme entre régime présidentiel et parlementaire que sur le mode de scrutin. Jean-Luc Mélenchon se garde bien de trancher ce débat.
Une prudence qui n’est pourtant pas forcément jugée suffisante pour certains constitutionnalistes qui estiment que le programme de Jean-Luc Mélenchon évacue trop rapidement les modalités du passage à un nouveau régime politique.
Bastien François, professeur de science politique à la Sorbonne et co-fondateur de la Convention pour la VIème République avec Arnaud Montebourg en 2001 – dont il s’est depuis éloigné – juge ainsi pour Slate qu’il « faudrait plutôt mettre en place des processus consultatifs, très décentralisés voire écrire une sorte de Wiki-Constitution sur Internet ».
Moraliser la vie politique française
Jean-Luc Mélenchon estime que « la démocratie française est malade des privilèges, de l’argent-roi et de la collusion entre politique et finance ». Pour mettre fin à « cette caste de privilégiés », son programme propose de :
- Rendre inéligible à vie toute personne condamnée pour corruption
- Mettre fin au pantouflage : « tout haut fonctionnaire souhaitant travailler dans le privé devra démissionner de la fonction publique et rembourser le prix de sa formation s’il n’a pas servi au moins dix ans, supprimer la voie externe des grands concours de la fonction publique pour toute personne n’ayant jamais travaillé, allonger les périodes d’interdiction d’exercer une fonction privée après avoir exercé une activité publique dans le même secteur »
La peine d’inéligibilité à vie est en tout cas inapplicable en l’état actuel. En effet, le Conseil constitutionnel a statué dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité que le caractère automatisé d’une peine d’inéligibilité va à l’encontre du principe d’individualisation des peines.
Quant à la fin du pantouflage, si les hauts fonctionnaires doivent déjà, sur le papier du moins, rembourser leurs frais de scolarité engagés par l’Etat pendant leur formation à l’ENA ou à l’ENS, force est de constater que les grandes écoles de l’Etat peinent à poursuivre les élèves qui ne s’acquittent pas de leur obligation décennale comme l’ont souligné à plusieurs reprises les rapports de la Cour des comptes.
Elargir l’intervention populaire
L’ancien sénateur socialiste estime que « le peuple est tenu systématiquement à l’écart des décisions. Tout au plus a-t-il le droit de voter une fois tous les cinq ans sans possibilité d’intervenir ensuite ». Pour instaurer « la souveraineté populaire » en toutes circonstances, Jean-Luc Mélenchon propose de :
- Fixer le droit de vote à 16 ans qui permettrait d’ajouter 1,5 million d’électeurs supplémentaires potentiels
Le droit de vote à 16 ans est un classique des programmes de la gauche française qui n’a pourtant, jusqu’ici, jamais été appliqué. Il existe pourtant en Allemagne dans certains Länder, ainsi qu’au Brésil ou en Argentine.
Sur son blog, Jean-Luc Mélenchon justifie cette proposition par le fait qu’au même âge, un jeune peut demander son émancipation ou exercer lui-même l’autorité parentale s’il est parent d’un enfant.
L’Union nationale des associations familiales est, elle, plus circonspecte. « Ce n’est pas dans l’expérience du vote, acte ponctuel et isolé de la participation à la vie démocratique, que l’enfant acquiert réellement les bases de la citoyenneté. C’est sous d’autres formes, notamment en termes d’engagement associatif et dans la cité, que les efforts devraient porter » juge-t-elle dans La Croix.
- Créer un droit de révocation d’un élu en cours de mandat, par référendum, sur demande d’une partie du corps électoral
- Instaurer le référendum d’initiative citoyenne et le droit des citoyens de proposer une loi (Benoît Hamon le propose également).
- Reconnaître le droit de vote aux élections locales pour les résidents étrangers en situation régulière, à l’instar des ressortissants des pays de l’Union européenne, une proposition également portée par le candidat PS, Benoît Hamon.
Droit de vote des étrangers, un débat récurrent entre la gauche et la droite
La gauche avance de nombreux arguments en faveur de cette mesure. La garantie de l’égalité des droits entre les citoyens européens et les étrangers extra-communautaires est celui qui revient le plus souvent. Autre avancée que permettrait le droit de vote aux élections locales : une meilleure intégration des immigrés. Roland Ries, le maire de Strasbourg (PS) explique ainsi à L’Express que « le droit à la parole politique est aussi important que le droit à la santé ou à l’éducation ».
La droite est, dans son ensemble, défavorable à ce droit. « Le droit de vote et la citoyenneté sont indissociables », a jugé Pierre Mazeaud, l’ancien président du Conseil constitutionnel lors de ses vœux au président de la République en 2005. « Si un étranger a de profondes attaches avec la France et souhaite participer pleinement à la vie de la cité, plutôt que d’accéder à un simple strapontin aux élections locales, il faut lui ouvrir la seule voie digne de ses aspirations : la voie royale de la naturalisation. La citoyenneté ne se transmet pas en pièces détachées », estime-t-il.
- Rendre effectif le principe de non-cumul du mandat dans le temps
Une promesse qui s’inscrit dans la droite lignée de… François Hollande. Dans son discours de Wagram à Paris, en septembre dernier, François Hollande avait ainsi proposé de « réduire le cumul de mandat dans le temps ».
Aujourd’hui, 120 députés sur 577 sont présents sur les bancs de l’Assemblée depuis au moins 4 mandats. Et huit d’entre eux ont exercé entre 8 et 11 mandats… Même constat du côté des maires. D’après Médiapart, plus de la moitié des maires avant les élections de 2014, briguaient « un troisième, quatrième, cinquième mandat, voire plus ! »
Pour les détracteurs de cette mesure, « la longévité vous donne de l’expérience, c’est indéniable. (…) Un renouvellement trop fréquent entraînerait peut-être une moindre qualité des élus », juge Denis Jacquat, député LR de Moselle.
Laurent Grandguillaume, député (PS) de la Côte d’Or, qui a décidé de ne pas se représenter après un seul mandat, estime pour sa part que « la politique, ce n’est pas une situation de rente. Si on veut renouveler et au moins diversifier la classe politique, il faut en passer par là », explique-t-il sur son blog. Aujourd’hui, seul un député sur 10 a moins de 40 ans.
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