Un total de 18,7 milliards d’euros. C’est le montant des emprunts dits « toxiques » contractés auprès des établissements de crédit par les collectivités territoriales, les établissements publics locaux, les hôpitaux et les sociétés d’HLM. Quelques collectivités ont engagé une procédure judiciaire obtenant un aménagement favorable de leurs taux ; d’autres ont accepté les termes de l’arrangement qui leur était proposé. Mais la grande majorité des débiteurs risquait de se retrouver avec son fardeau lorsque la loi de sécurisation des prêts structurés a exonéré les prêteurs de toute nouvelle procédure, l’Etat se trouvant, lui aussi, dispensé de tout recours pour la part des emprunts consentis par Dexia.
Cependant, grâce au fonds d’aide doté d’une enveloppe de 3 milliards d’euros mis en place en 2013 par l’Etat, les collectivités les plus vulnérables ont pu alléger leur dette en s’acquittant des indemnités de remboursement anticipé. La dernière page de ce mauvais feuilleton vient d’être tournée, un accord ayant été trouvé avec le fonds d’aide et les banques pour les 578 collectivités figurant encore sur la liste d’attente.
Effets pervers
Le pire ayant été évité, on rappellera, toutefois, que ces emprunts ne se sont pas présentés complètement voilés et qu’il conviendrait aussi de se poser la question de savoir comment des élus locaux, chargés des finances de leur collectivité, et des fonctionnaires territoriaux, les uns et les autres compétents, ont pu être à ce point abusés.
En ce qui concerne les premiers, nul doute que quelques-uns ont bien évalué le risque, mais sans le prendre au sérieux ; d’autres se sont dit que les fâcheuses retombées, s’il devait y en avoir, seraient pour plus tard. A vrai dire, la grande majorité des « victimes » n’a pas lu les documents contractuels avec suffisamment d’attention, ou, les ayant lus, ne les a pas bien compris.
De leur côté, les fonctionnaires territoriaux ont, pour les uns, fait preuve de la même légèreté dans l’appréciation de l’offre, et, pour les autres, compris la manœuvre sans pouvoir convaincre leurs élus de s’abstenir de la chose ou d’en contrarier les effets pervers.
Dans tous les cas, il y a là un dysfonctionnement dû, pour une part, à la fragilité des procédures en vigueur dans certaines collectivités territoriales. Reste à savoir si les associations représentatives des élus locaux ont, dans cette affaire, joué leur rôle de conseil, pour autant qu’elles aient été informées de la mise sur le marché de ces produits.
Eviter toute nouvelle tentation
Avec le secteur bancaire et l’Etat, les autres collectivités territoriales avaient été, un moment, pressenties pour compenser les effets de ces initiatives bien hasardeuses ; en quelque sorte, une péréquation des errements qui aurait posé un vrai problème de moralité ; car, la rigueur des uns ne peut compenser l’insouciance des autres, sous peine d’ouvrir la porte à de nouvelles tentatives, l’imagination des prêteurs se nourrissant aussi de la naïveté des emprunteurs.
On regrettera que, pour résoudre un problème qu’elles ont créé, les collectivités aient dû se résoudre à faire appel à l’Etat, ce qui ne contribue pas à améliorer l’image d’une décentralisation accomplie et responsable. Car, pour éviter toute nouvelle tentation, le décret du 28 août 2014 est venu encadrer les conditions d’emprunt des collectivités territoriales, de leurs groupements et des services départementaux d’incendie et de secours. Une manière, pour l’Etat, d’imposer aux élus locaux une plus grande prudence en la matière, tant il est vrai qu’il reste encore à faire pour que la décentralisation soit un peu plus rigoureuse et un peu moins toxique pour les contribuables. Ces mêmes contribuables qui, en la circonstance et pour solde de tout compte, se sont partagé une « ardoise » de 5,5 milliards d’euros avec les banques.