Le constat dressé par Emmanuel Macron est sévère : « la sphère publique est marquée par un déficit d’efficacité, avec trop de dépenses de fonctionnement et une insuffisance d’investissements ciblés et utiles », dans un entretien accordé aux Echos le 24 février. Un jugement qui le conduit à avancer plusieurs mesures de réforme des collectivités et de la fonction publique.
120 000 fonctionnaires en moins
Le candidat d’En Marche veut réduire de 120 000 le nombre de fonctionnaires, dont 70 000 dans les collectivités territoriales dans le cadre d’une baisse des dépenses de l’Etat de 25 milliards d’euros sur cinq ans.
Une promesse pour l’instant impossible à tenir puisque d’après le principe constitutionnel de libre administration des collectivités, l’Etat ne peut pas imposer aux territoires de diminuer leur nombre d’agents. Il semblerait que l’option retenue soit le non-remplacement des fonctionnaires partant à la retraite, sans en préciser le rythme.
Difficile donc de savoir si le programme d’Emmanuel Macron s’oriente vers une nouvelle version de la RGPP qui a vu le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux dans la fonction publique d’Etat. « Ce n’est pas un objectif, mais un référentiel, ce sera aux ministres de faire des choix », précise-t-il toutefois.
Une baisse de 10 milliards d’euros dans les collectivités compensée par des potentielles hausses de traitement
Emmanuel Macron souhaite « rompre avec la méthode de la baisse des dotations consistant à couper les vivres pour provoquer des économies. Cette méthode de régulation budgétaire est trop centralisatrice » estime-t-il.
En guise de solution, le candidat à la magistrature suprême propose de « nouer avec les collectivités un pacte sur 5 ans dans lequel sera contractualisée une baisse de 10 milliards d’euros de leurs dépenses. Cette baisse sera à leur main. »
Afin, de son point de vue, que la potion ne soit pas trop amère, il souhaite « parallèlement donner des marges de manœuvre. Aujourd’hui, quand l’Etat décide d’augmenter les salaires des fonctionnaires, les collectivités n’ont pas leur mot à dire. Ce sera désormais à elles de décider désormais pour leurs agents. »
Et de préciser, au Forum des travaux publics du 23 février : « je décorrèle la gestion des trois fonctions publiques. Nos trois fonctions publiques sont gérées de manière totalement solidaire. Quand nous souhaitons augmenter le point d’indice de la fonction publique hospitalière, nous sommes contraints d’augmenter tous les fonctionnaires. Et pourtant, les hauts fonctionnaires et la fonction publique territoriale n’en ont pas forcément besoin. »
Le respect des 35 heures et un recours accru aux contractuels
Emmanuel Macron rebondit également sur la question du temps de travail des fonctionnaires : « je demande au collectivités, comme l’a indiqué la Cour des comptes, de respecter la durée légale du temps de travail : 1 607 heures par an. »
Il se prononce aussi en faveur d’une utilisation plus importante du nombre de contractuels sans en préciser les contours : « elles pourront également recourir plus largement à des recrutements de droit privé. »
Plus largement, Emmanuel Macron veut rendre la fonction publique « plus moderne » : « il faut lui redonner des souplesses. C’est-à-dire recruter hors du statut pour les fonctions d’encadrement, donner la possibilité d’avoir plus de souplesse dans la gestion des carrières, des rémunérations plus individualisées, et des mobilités. Le statut des fonctionnaires ne sera pas remis en cause, mais il sera modernisé. Il s’agit de mieux reconnaître les plus engagés. » explique-t-il. « Je crois par ailleurs nécessaire de restaurer un jour de carence pour les fonctionnaires » complète le candidat.
Vers la fin des rythmes scolaires et des départements ?
L’ancien ministre de l’Economie fait des clins d’œil aux municipalités parfois réticentes sur la question des rythmes scolaires. « Les communes qui le souhaitent pourront revenir sur la réforme des rythmes scolaires. »
Enfin, il souhaite supprimer les départements sur les territoires des métropoles.
Emmanuel Macron n’a pas pris position sur des sujets pourtant très attendus des collectivités, comme le maintien ou non d’une fraction de la TVA pour financer les régions ou le développement du Grand Paris.
L’exonération de la taxe d’habitation
Accusée de tous les maux, la fiscalité locale vient de trouver son pourfendeur pour ces élections présidentielles. Emmanuel Macron a annoncé le 24 février sur RMC sa volonté d’exonérer de taxe d’habitation 80 % des ménages : « c’est un impôt injuste, a-t-il expliqué à la radio. On paye beaucoup moins à Paris que dans le reste de la France, on paye souvent beaucoup plus quand on vit dans une ville pauvre que dans une commune riche ».
Depuis de nombreuses années en effet, la taxe d’habitation, intégralement perçue par le bloc communal (21 milliards en 2015) est de plus en plus injuste. Cet ex-impôt issu des « quatre vieilles » repose sur des valeurs locatives obsolètes et est soumis à des politiques de taux très variable selon les communes : attractifs pour les villes les plus dynamiques qui peuvent ainsi s’appuyer sur la fiscalité économique pour compenser une éventuelle faiblesse des taux de sa fiscalité ménage comme c’est le cas à Paris, mais dissuasifs pour celles qui n’ont pour toute ressource locale que l’imposition sur les particuliers.
C’est le cas pour certaines collectivités rurales, mais aussi des villes pauvres dont une grande part de la population, bien que parfois démographiquement dynamique, est exonérée de TH, suite à des décisions de l’Etat, quand elle n’est pas, non plus, assujettie à l’impôt sur le revenu.
Sur le principe, la mesure, évaluée par le candidat à une « dizaine de milliards » pour l’Etat, pourrait être vue par les collectivités comme la poursuite amorcée depuis des années de la reprise en main financière des secondes par le premier. Les collectivités locales pourraient même considérer cette proposition comme une atteinte à leur droit constitutionnel d’autonomie financière.
En pratique, le manque à gagner, équivalent à la moitié du produit actuel de la TH, ne serait probablement pas intégralement compensé : Emmanuel Macron parle en effet d’exonération et non de dégrèvement. Or, à terme, ces compensations, qui pèsent lourd dans les comptes publics, finissent de plus en plus en dotations, dont on connait le sort.
A défaut, elles entreraient dans des variables d’ajustements, qui elles aussi ont fondu cette année de plus de 30 % dans la dernière loi de finances. Pas de quoi enthousiasmer les collectivités.
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