La restauration du patrimoine devient toujours plus compliquée en cette période de disette financière. Châtel-Guyon, ville thermale (6 162 hab., Puy-de-Dôme), en sait quelque chose. Ici, les anciens thermes, fermés depuis dix ans, ont beau être inscrits à l’inventaire des monuments historiques (MH), il n’y a « ni projet ni finances pour l’instant, reconnait Danielle Faure-Imbert, adjointe au maire en charge du thermalisme. Les façades et le hall inscrits limitent d’ailleurs la capacité de reconversion ».
Financements liés
Pourtant, quand un bâtiment commence à donner des signes de mauvaise santé (chutes de pierres, fissures, effritements…), il est grand temps d’agir. Il faut selon les cas et après avoir consulté l’Architecte des bâtiments de France, l’architecte du patrimoine, la Direction régionale des affaires culturelles, faire les études nécessaires puis demander des devis, en vue d’établir un programme pluriannuel d’investissements. Dans une collectivité importante, une vision globale est nécessaire.
A Nantes (298 029 hab., Loire-Atlantique) par exemple, les 17 bâtiments inscrits ou classés sont pour certains restaurés ou en cours de restauration. D’autres sont en état moyen mais font l’objet d’un entretien durable régulier. D’autres encore nécessitent de grosses restaurations.
De multiples financements peuvent alors être sollicités. Des aides de la DRAC pour un édifice inscrit (intérêt régional) (10 à 40 %) ou classé (intérêt national) (jusqu’à 50 %), de l’étude à la restauration. La subvention n’est pas systématique et dépend (comme son taux le cas échéant) du budget de l’Etat et de celui du maître d’ouvrage, de l’urgence, de l’ouverture au public ou de la participation d’autres collectivités.
En milieu rural, on sollicitera aussi la Dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR).
Du côté des collectivités territoriales, ce sont classiquement la région, le département, l’intercommunalité et la ville. Attention ! Ces financements sont souvent liés. A Nantes, « pour la porte Saint-Pierre (MH classé) et pour la Psalette (MH inscrit), l’absence de subvention de la DRAC a entraîné la non participation de la région et du département, observe Olivier Absalon, directeur du patrimoine à la ville de Nantes. Parfois, la DRAC considère à l’échelle de la région que certaines villes ont plus de besoins qu’une métropole ».
Des projets pour les bâtiments restaurés
Raréfaction de l’argent public oblige, le recours au mécénat s’accentue, avec la Fondation du patrimoine en première ligne. Depuis sa création en 1996, elle a soutenu 25 000 projets, ce qui a permis d’engager 2 milliards de travaux par les porteurs de projets dont 95 % sont publics (surtout communaux et dont 75 % d’églises). La Fondation signe 800 conventions nouvelles de souscription publique par an avec des communes. « Elle intervient historiquement dans les communes rurales (moins de 2 000 habitants), explique son directeur François-Xavier Bieuville. Mais parfois, on prend en compte la population au moment de la construction de tel édifice à restaurer ».
Il est conseillé de signer une convention avec la Fondation pour lancer une souscription publique. Une association peut également signer la convention et subventionner ensuite la commune. Conventionner, c’est bénéficier d’un appui de la Fondation, pour élaborer par exemple sa communication ou optimiser sa défiscalisation. La Fondation encaisse les chèques, émet les reçus fiscaux. Selon François-Xavier Bieuville, « les souscriptions permettent le plus souvent de récolter 10 à 15 % du financement global ». Attention, l’abondement de la Fondation n’est plus systématique, à cause d’« une baisse notable des successions en déshérence », selon le directeur. Par ailleurs, la limite des 2 000 habitants ne parait plus aussi marquée aujourd’hui. Bien des communes plus grandes (Aytré, Châtel-Guyon, Nantes) bénéficient d’abondements.
Mobilisation générale
La création d’une association évite aux élus de se mettre en première ligne, motive les habitants et crée une dynamique locale, propice à la récolte des fonds. A Châtel-Guyon par exemple, avec la création de l’association ‘Tous en scène’, la souscription a touché 600 mécènes, avec des dons de particuliers (20 à 3 000 euros) et d’entreprises (100 à 100 000 euros), soit 14 % du financement. Il est important que les citoyens s’approprient l’action, en organisant des évènements : « Une trentaine à Châtel-Guyon, avec des artistes qui ont donné des tableaux pour des ventes aux enchères, etc. », selon Danielle Faure-Imbert.
A Aytré (8 821 hab., Charente-Maritime), des concerts avec des artistes bénévoles, des expositions dans l’église, des conventions avec les commerçants ont aussi rapporté des subsides.
Dans tous les cas, il faut avoir un véritable projet pour le bâtiment qu’on restaure. Pour le théâtre de Châtel-Guyon, « les financeurs exigeaient qu’on se donne les moyens d’une programmation intéressante. On l’a bâtie pour qu’elle soit accessible à tous, harmonisée avec les autres théâtres des environs, complétée par une utilisation du théâtre pour des séminaires, locations aux entreprises, etc. », précise Danielle Faure-Imbert. A Nantes, on réfléchit à « des privatisations d’espaces au Musée des Beaux-Arts qui vient d’être restauré, ce qui peut aussi via de la médiation, amener de nouveaux clients au musée », selon Olivier Absalon. A contrario, c’est pour l’instant l’absence de projet d’usage qui freine par exemple la restauration du château du Grand Blottereau à Nantes.
Des fonds de dotation culturels
Au-delà des aides classiques et de la Fondation, d’autres opérations de mécénat sont déployées. Ainsi en novembre dernier, la ville de Poissy (36 994 hab., Yvelines) et l’association Entreprises et passions ont lancé officiellement le fonds de dotation MéSeine Aval, d’abord sur Poissy, puis à l’échelle de la communauté urbaine. Le fonds vise à collecter des dons d’entreprises pour réaliser des projets culturels et patrimoniaux. Il a déjà soutenu la restauration du prieuré royal de Poissy, restitué les vestiges d’une villa du XIXe siècle, etc. A Nantes, un fonds de dotation culturel est en cours de création pour la ville et la métropole avec une mise de fonds nécessaire de 15 000 euros par des entreprises privées.
Quelques exemples de financement
Restauration du théâtre (début XXe s.), inscrit MH, de Châtel-Guyon, entre 2014 et 2015 :
– DRAC : 330 000 €
– DETR : 150 000 €
– Conseil régional : 600 000 €
– Conseil départemental : 400 000 €
– Communauté de communes : 300 000 €
– Ville : 1 500 000 €
– Mécénat : 510 000 €
– Fondation du Patrimoine : 40 000 €
– TOTAL : 3 830 000 €
Restauration de l’église d’Aytré (Xe-XIXe s.) non classée (8 821 hab., Charente-Maritime), en 2016, première tranche (extérieurs) :
– Conseil régional : 15 000 €
– Ville : 75 000 €
– Mécénat : 17 000 €
– Fondation du Patrimoine : 10 000 €
– Fondation du Crédit Agricole : 20 000 €
– TOTAL : 137 000 €
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