Claire Roumet, directrice d'Energy Cities
C.R.
L'association Energy Cities, qui réunit un millier de villes à travers l'Europe, milite pour la décentralisation de la politique énergétique. Si en Allemagne, au Danemark ou en Suède, certains territoires ont déjà les cartes en main pour viser l'autonomie, ils ne sont pas pour autant adeptes du repli sur soi, rappelle Claire Roumet, sa directrice.
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La France est-elle plus ou moins engagée que ses voisins dans la transition énergétique ?
Elle est en plein boom, mais pas en avance, il faut bien le reconnaître. Si de nombreuses villes européennes commencent à parler de marche vers l’autonomie, celles qui sont en mesure de détailler leur plan d’investissements sont essentiellement situées dans les pays où il y a un fort ancrage du pouvoir local. En Allemagne, la ville de Francfort a multiplié les études pour savoir comment atteindre l’objectif du « 100 % renouvelable ». Cela passera pour moitié par l’efficacité énergétique, à 25 % par les ressources de la ville (en particulier solaires) et à 25 % par celles de ses voisins. Un comité de pilotage est désormais en place à l’échelle de la région pour passer à la pratique. En Suède, Växjö possède une vraie stratégie d’alimentation locale en biomasse. Des partenariats ont été signés à long terme avec des territoires voisins et c’est la ville qui investit dans la régénération et la gestion de leurs forêts. En France, nombre de projets avancent aussi, mais nous sommes davantage dans une phase de gestation.
Le concept d’autonomie énergétique est-il le même partout ?
Disons qu’on ne l’exprime pas de la même manière. Nous aimerions d’ailleurs neutraliser certains mots qui ont une connotation trop politique, comme la rupture avec le système ou la souveraineté énergétique. Cette idée que l’on défend, par exemple en Catalogne ou en Angleterre dans la mouvance du Brexit, est en soi positive : moins importer et utiliser ses propres ressources, c’est bien. Néanmoins, chercher à être autonome ne doit pas être une nouvelle forme d’autarcie. On ne joue pas les uns contre les autres. On a besoin de partages et d’échanges. Le territoire est comme un enfant qui grandit. Il doit chercher à avoir les clés en main tout en acceptant son interdépendance avec les autres.
Reste à passer à la pratique…
Il n’existe pas de recette. Chaque territoire doit dresser sa carte au trésor en évaluant ses ressources plus ou moins cachées. Seule certitude, la transition a deux jambes : il est impératif d’évaluer la demande et les ressources. La collectivité doit aussi s’appuyer sur les dynamiques entrepreneuriale et citoyenne à l’œuvre sur son territoire. Il n’y a pas d’autres chemins vu l’ampleur de la marche à franchir. L’île de Sein a sa société locale d’énergie. A Liège (Belgique), un collectif d’acteurs a proposé de créer une ceinture alimentaire… Tant mieux. Chaque collectivité doit se dire qu’elle a de la chance quand elle possède un vivier actif.