Les dispositifs, au nombre de dix aujourd’hui pour un montant total de 26,7 milliards d’euros en 2014 sont devenus incompréhensibles ! Les 4,1 millions de personnes qui les percevaient fin 2014 – représentant 7,1 millions de bénéficiaires au total, soit presque 11 % de la population – sont toutefois loin de tenir compte de l’ensemble des allocataires potentiels. Si l’on ne considère que les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) socle, les études estiment que près d’un tiers de personnes qui pourraient y prétendre ne le demandent pas. S’ils le faisaient, cela ferait passer le nombre de bénéficiaires de 1,9 million de personnes… à près de 2,8 millions. Il y a donc urgence à agir.
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Le rapport Sirugue, une base
Fin 2015, Manuel Valls, alors Premier ministre, avait voulu entamer la réforme des dispositifs. Dans le cadre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté, il avait alors demandé au député (PS) de Saône-et-Loire Christophe Sirugue (devenu depuis secrétaire d’Etat chargé de l’Industrie) un rapport sur la réforme des minima sociaux. Celui-ci a été rendu mi-avril 2016 et propose trois scénarios différents.
Le premier maintient les dispositifs existants en les simplifiant. Pour les allocataires du RSA, il propose par exemple de figer les revenus sur trois mois pour leur donner davantage de visibilité, le montant de l’allocation pouvant varier aujourd’hui d’un mois sur l’autre.
Le deuxième scénario réduit le nombre de minima à cinq par thématique : demandeurs d’asile (allocation pour demandeur d’asile), solidarité (RSA, revenu de solidarité outre-mer, allocation de veuvage, allocation temporaire d’attente), vieillesse (allocation de solidarité aux personnes âgées, prime transitoire de solidarité), fin de droits au chômage (allocation de solidarité spécifique) et handicap et invalidité (allocation supplémentaire d’invalidité, allocation aux adultes handicapés).
Enfin, le dernier scénario, qui a la préférence de Christophe Sirugue, propose la fusion de tous les minima dans une couverture-socle avec des compléments liés à l’âge ou au handicap. En plus de la cohérence et de la clarté, cette solution apporterait « une réorganisation de l’instruction des dossiers et du circuit de l’information entre les différents prestataires », soulignait le député lors de la présentation de son rapport. Un seul minimum social, c’est en effet pour le bénéficiaire un seul interlocuteur, et donc un seul dossier à remettre. Plus besoin d’aller un jour à la Caf, le lendemain à la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), et le surlendemain au conseil départemental…
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Quid des départements ?
La question du rôle des organismes qui gèrent actuellement les prestations se pose alors. Notamment pour les départements qui ont aujourd’hui la charge du RSA. Pour Christophe Sirugue, ancien président du conseil général de la Saône-et-Loire, il faut que les collectivités se concentrent sur l’insertion. « L’explosion de la part allocation ne peut expliquer qu’une part, seulement, de la baisse des dépenses d’insertion. Ce n’est pas la seule explication, il y a aussi des choix politiques qui ont été faits », déplore-t-il. Aujourd’hui, dans l’ensemble des dépenses de RSA, la part de l’insertion ne représente plus que 8,1 %, alors qu’à l’époque du revenu minimum d’insertion (RMI), les départements avaient l’obligation légale de dépenser 17 % pour l’insertion.
Dans ce contexte, Christophe Sirugue est un fervent militant de la recentralisation du RSA. A la remise de son rapport, des discussions avaient été engagées en ce sens entre Matignon et l’Assemblée des départements de France (ADF). Elles ont finalement échoué au début de l’été. Christophe Sirugue ne souhaite toutefois pas une recentralisation intégrale. Il milite plutôt pour une répartition 80-20 : 80 % pour l’Etat, 20 % pour les départements. Actuellement, la proportion est de 65-35.
Il faudrait également réintroduire l’obligation des dépenses d’insertion, disparue lors du passage du RMI au RSA, de façon progressive. « On ne va pas demander aux départements de revenir d’un coup à 17 % », précisait le député.
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Les propositions de l’ADF
Si les départements se refusent toujours à chiffrer la part de l’insertion qu’ils sont prêts à mettre sur la table, les propositions présentées par l’ADF, lors de son congrès en octobre 2016, se rapprochent des suggestions de Christophe Sirugue. Les départements souhaiteraient que les minima sociaux soient réduits à deux : une allocation qui miserait sur le retour à l’emploi et une autre, destinée aux personnes en grande difficulté, qui n’auraient pas comme objectif de retrouver un travail, mais qui devraient signer un contrat d’engagement civique pour que tous « aient une place dans la société », souligne Frédéric Bierry, président du conseil départemental du Bas-Rhin et de la commission « solidarités » de l’ADF.
Mais là où Christophe Sirugue souhaite une individualisation des minima – actuellement, un couple dont les deux personnes sont au RSA ne perçoit pas deux fois l’allocation mais une fois et demie seulement -, les départements veulent, eux, « plafonner l’ensemble des aides et allocations par foyer fiscal », à partir d’un certain seuil.
A côté des minima sociaux, les départements demandent également une « prestation autonomie » en remplacement de la prestation de compensation du handicap (PCH) et de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), pour traiter les problématiques du grand âge et du handicap qui se croisent fréquemment dans les parcours de vie.
Fiscalisation des aides sociales ?
C’est une idée de plus en plus développée : fiscaliser toutes les aides sociales. Les bénéficiaires paieraient ainsi l’impôt sur le revenu. Cette évolution – indispensable dans le cadre de la mise en place du revenu universel – est proposée par certains pour la réforme des minima sociaux. Attention toutefois, prévient Louis Gallois, président de la Fédération des acteurs de la solidarité (ex-Fnars), à ce que cela ne soit pas pénalisant pour le calcul de la taxe d’habitation, qui se fait en partie sur les revenus.
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Quelle réforme pour les minima sociaux ?
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