Entre fin 2015 et fin 2016, les tribunaux administratifs ont fait droit aux collectivités qui les avaient saisi de réclamations en matière de TASCOM (taxe sur les surfaces commerciales), demandant le remboursement de la part de DGF illégalement retenue par des arrêtés préfectoraux en 2012, 2013 et 2014 (1) . En observant que l’Etat, malgré le caractère non suspensif de l’appel, s’est soigneusement abstenu d’exécuter les décisions de condamnation.
Ils se sont appuyés sur la décision très claire du Conseil d’Etat du 16 juillet 2014 qui reconnaissait que le mécanisme de compensation de la loi de finances pour 2010 n’était applicable que pour la seule année 2011 (2). Et l’intervention de l’article 114 de la loi de finances n°2014-1654 du 29 décembre 2014 pour l’année 2015, reconduisant le mécanisme de compensation uniquement pour les années 2015 et suivantes, ne changeait rien au débat mais au contraire confirmait, en creux, l’illégalité pour les années précédentes.
Le revirement des juges administratifs face à la multiplication des recours
C’est au terme d’une motivation pour le moins déconcertante qu’ont été infirmés les jugements rendus en première instance et favorables aux collectivités. La Cour administrative d’appel de Lyon, après avoir dans un premier mouvement semblé valider les premières décisions, dans trois arrêts rendus récemment (3) s’est contentée d’un bref considérant, après avoir rappelé que la loi n°2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 a supprimé dans le paragraphe 1.2.4.2 de l’article 77 de la loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, la mention « en 2011 » et voulant conférer à cette loi une « portée interprétative » :
« Qu’en décidant de supprimer les mots « en 2011 », le législateur, seul compétent pour ce faire, a entendu, par des dispositions à caractère interprétatif, rectifier une erreur légistique et clarifier ainsi la portée d’un mécanisme qui vise, par une intégration en base dans le calcul des dotations, à assurer la neutralité, pour le budget de l’Etat, du transfère opéré (…). »
En supposant que la loi de finances pour 2015 aurait validé rétroactivement les décisions, la Cour a prêté au législateur une intention qui n’était pas la sienne : il s’agissait de constater une illégalité et non pas d’interpréter une situation juridique parfaitement claire.
En supposant que la loi de finances pour 2015 aurait validé rétroactivement les décisions, la Cour a prêté au législateur une intention qui n’était pas la sienne. Les dispositions de l’article 114 de la loi de finances pour 2015, loin de « rectifier une erreur légistique », comme voudrait le croire la Cour, avait seulement pour objet de tirer les conséquences de la décision du Conseil d’Etat du 16 juillet 2014. Il s’agissait de constater une illégalité et non pas d’interpréter une situation juridique parfaitement claire.
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« Ultima ratio regis » : la fameuse loi de validation du réveillon
Ultime et bien tardif moyen de défense pour l’Etat, une loi de validation où un article 133 dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2016, vient donner rétroactivement une base légale aux décisions préfectorales initialement attaquées par les collectivités.
Pour autant, cette validation législative est bien la confirmation de la justesse de la position des collectivités devant le juge administratif et, par conséquent, de l’erreur de droit dont sont entachées les arrêts de la CAA de Lyon. Si le législateur, ou plutôt l’Administration qui l’a inspiré, vient de se donner la peine d’opérer cette validation rétroactive, c’est bien que l’article 114 de la loi de finances pour 2015 ne l’a pas fait, contrairement à la position de la CAA de Lyon.
Surtout, la validation législative intégrée dans la Loi de finances rectificative pour 2016 doit encore satisfaire aux conditions fixées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel (4).
Si le législateur peut rétroactivement valider un acte administratif, c’est notamment à la condition que cette validation respecte les décisions de justice ayant force de chose jugée et que l’atteinte aux droits des personnes résultant de cette validation soit justifiée par un motif impérieux d’intérêt général. En outre, l’acte validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle.
Alors que le « motif impérieux d’intérêt général » avancé est la protection des finances de l’Etat menacées par la multiplication des réclamations contentieuses… motif largement contestable, dès lors que la protection des finances de l’Etat est faite au détriment de celles des collectivités, dont la légitimité n’est pas vraiment moindre à défendre leurs intérêts, force est de constater que la validation législative semble méconnaître plusieurs principes protégés par les normes fondamentales ; la validation n’est à ce jour pas garantie.
Le Conseil constitutionnel n’ayant pas été saisi de ce fait pourtant important, dans le cas d’un contrôle a priori par les parlementaires, reste la voie de la QPC devant le Conseil d’Etat…
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Domaines juridiques
Notes
Note 01 notamment : TA Grenoble, 29 octobre 2015, n°1407725 ; TA Pau, 9 février 2016, n° 1402532 ; TA Dijon, 17 mai 2016, n° 1404038 Retour au texte
Note 02 CE, 16 juillet 2014 ,req. n° 369736 Retour au texte
Note 03 CAA Lyon, 27 septembre 2016, req. n° 15LY04084, Min. Intérieur c/ CC s du Pays Roussillonnais - CAA Lyon, 20 décembre 2016, req. n°16LY02396, Min. Intérieur c/ CA Chalon Val de Bourgogne - CAA Lyon, 20 décembre 2016, req. n° 16LY02397, Min. Intérieur c/ CA Mâconnais Val de Saône Retour au texte
Note 04 Pour un exemple : décision n° 2013-366 QPC du 14 février 2014, considérant n° 3 Retour au texte