Quel bilan tirez-vous du quinquennat ?
Ce sont cinq années de défense de notre modèle social et de la fonction publique ! Nous avons voulu reconnaître et soutenir l’engagement des fonctionnaires, au service de leurs concitoyens. Si je devais retenir quelques notions clés, je listerais : «Reconnaissance », « Accompagnement, « Egalité », « Modernisation » et « Défense des fonctionnaires ».
Au travail déjà accompli par Marylise Lebranchu, j’ai ajouté cette vision d’une fonction publique de demain innovante. Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) rendra fin janvier un rapport sur cette fonction publique de demain. Il sera l’occasion d’un débat avec les employeurs et les organisations syndicales.
En quoi avez-vous œuvré à la reconnaissance de la FPT ?
D’abord, avec le dégel du point d’indice. Cela faisait six années que le point d’indice avait été gelé. Cela a généré 7 milliards d’euros d’économies dans le budget de l’Etat.
L’ensemble de ce que nous avons mis en place vise à défendre la fonction publique, sur les questions d’égalité, d’ouverture et d’exemplarité. C’est la meilleure réponse aux attaques menées contre les fonctionnaires !
Sur le terrain, nous constatons à quel point les agents sont agressés dans l’exercice de leurs missions. Il fallait renforcer leur protection fonctionnelle, et l’étendre à leur famille. C’est un des apports de la loi Déontologie.
Accompagner les fonctionnaires… de quoi s’agit-il ?
L’accompagnement des fonctionnaires se matérialise d’abord par le droit à la formation. Par ailleurs, il s’agit, dans l’exercice quotidien de leurs missions, de prendre en compte la réalité du terrain, telle remontée par tous les fonctionnaires, de toutes les catégories.
Ce n’est pas un gadget : Par exemple, il s’agit prendre en compte les nombreuses heures de conduite des agents. La loi Notre a créé des grandes régions et a entrainé des heures de transport parfois conséquentes. Ce qui pose à la fois la question de la sécurité et de la revalorisation des frais de mission. En février, une réunion interministérielle sera consacrée à cette question des déplacements.
Le logement est aussi un enjeu. En Ile-de-France, nous avons créé plus de 600 logements pour les fonctionnaires et nous travaillons sur l’ensemble de la France, afin d’établir une carte plus fine pour répondre cette question
Les solutions dégagées par les agents des trois fonctions publiques passent par le covoiturage, l’aménagement concerté de jours de réunions ou le recours aux plateformes numériques.
Quel est votre bilan en matière d’égalité ?
Nous avons atteint un certain nombre de nos objectifs. Il s’agit bien sûr de l’égalité femmes/hommes. Egalité également entre les fonctionnaires métropolitains et ultra marins.
Nous avons lutté contre les discriminations et un plan a été mis en place pour ouvrir davantage la fonction publique à la jeunesse. La loi Egalité et citoyenneté a apporté des réponses : 10 000 apprentis dans la fonction publique en 2017 ; ouverture aux stagiaires, création de contrats d’apprentissage de deux ans…
Le plan Diversité permettra de mettre en œuvre les nombreuses mesures de la loi Egalité et citoyenneté : le nouveau Pacte, les stages de 3e, l’information des étudiants sur les métiers de la fonction publique, la présidence alternée des jurys de concours…
Il s’agit aussi de cerner, dans tous les processus, où peuvent se situer des mesures discriminatoires.
Rendre la fonction publique attractive pour les jeunes, c’est un enjeu important ?
Seulement 8 % d’agents ont moins de 28 ans. Il y a une exigence de rajeunissement de la fonction publique, qui doit aussi s’ouvrir à tous les Français. Notre fonction publique est organisée en silos, par versants, parfois hermétiques aux allers retours entre fonction publique et secteur privé. Elle ne facilite pas toujours les passerelles entre les ministères, entre les collectivités, entre les trois versants. Si l’on veut accueillir plus de jeunes, il faut la rendre plus attractive. C’est pourquoi nous misons sur l’innovation managériale.
La loi Déontologie encadre fortement la possibilité de cumuls d’activités. Or cela peut se révéler contraire aux aspirations des plus jeunes…
Il fallait donner un cadre, tout en veillant au bien-être des agents et en tenant compte de la réalité de certains territoires isolés, dans lesquels des agents publics ont une activité privée, mais qui peut venir pénaliser des entrepreneurs. Nous avons voulu limiter les excès, sans interdire des activités complémentaires, en laissant possibles des engagements dans le milieu culturel ou la formation.
Rendre la fonction publique attractive, c’est également récompenser l’engagement des agents ?
Je n’ai pas de tabou sur cette question. Le Rifseep (régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel) permet déjà de récompenser l’engagement professionnel d’un agent. Mais nous devrons aller encore plus loin. Certains cadres de collectivités demandent une marge plus importante. Ce n’est pas encore à l’ordre du jour, mais cela fait partie des questions qui sont d’ores et déjà posées pour l’avenir. Les jeunes veulent plus de mobilité, en alternant leurs missions dans des territoires « isolés », puis de territoires plus denses.
Où en est-on de la mise en œuvre de l’accord PPCR ?
C’est un énorme chantier, qui vise à reconnaitre l’implication des agents dans le service public. Il reste quelques textes à prendre pour les A+, A, et certains métiers comme les psychologues territoriaux, les sages-femmes. Il reste encore environ 5 % des textes prévus. Ils seront donc pris début 2017, mais avec effet rétroactif.
Nous sommes déterminés à avancer : PPCR est acquis et il est vain désormais de vouloir le remettre en cause.
Quel bilan tirez-vous en matière de formation ?
D’abord, je suis très satisfaite de la mise en place dans la fonction publique du compte personnel d’activité (CPA). C’est une première étape pour permettre à un agent, qui l’envisage des allers et retours dans le public et le privé. C’est une garantie : l’idée, c’est de se doter de tous les dispositifs et passerelles qui permettent ce type de mobilité, qu’il s’agisse de formation, de sécurité ou de santé. Dans le même esprit, nous allons travailler sur les périodes préparatoires de reclassement. Toutes ces mesures, qui relèvent aussi du bien-être au travail, sont prévues par l’ordonnance « CPA et santé au travail » et qui devrait être prise en ce mois de janvier 2017.
Quelles suites seront données au rapport de Philippe Laurent sur le temps de travail ?
Le rapport de Philippe Laurent n’a pas été mis sous le tapis. Il a mis au grand jour les difficultés, mais aussi certaines dérives. La règle, ce sont les 35 heures ! Elle sera rappelée aux employeurs, car le temps de travail, c’est d’abord un problème d’employeurs ! Il faut leur donner les moyens de leurs responsabilités. En tenant compte des spécificités de certains métiers, il faut lutter contre les abus. La question du temps de travail rejoint celle de l’absentéisme. La réalité est éloignée des clichés relayés par la presse grand public, voire par certains politiques.
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Le rappel à la règle sera donc votre credo pour les prochains mois ?
Oui. Mais sans s’en tenir à la contrainte et sans toucher aux bases de la fonction publique et du statut. Nous nous engagerons aussi dans l’accompagnement. La question du management est centrale.C’est par l’innovation dans le management que nous pourrons répondre aux grands défis qui se posent à nous : la sécurité, la transparence, l’attractivité, la diversité, la solidarité, la numérisation.
C’est tout l’objet de notre grand chantier « Ma fonction publique se réinvente ». Un fonds de soutien d’un million d’euros a été créé pour soutenir et concrétiser toutes les initiatives engagées dans le cadre de ce programme. Une première attribution sera déclenchée d’ici mars 2017.
Je veux créer des dynamiques d’innovation et de la réflexion. Par exemple, je soutiens la création, en février, d’une association regroupant les jeunes fonctionnaires, toutes fonctions publiques confondues. Les jeunes fonctionnaires doivent être associés à toutes nos réflexions.
Laïcité : la fonction publique à la recherche de référents
Le rapport « laïcité dans la fonction publique »a été remis par le président de la Commission Zucharelli, avec un certain nombre de préconisations.
Annick Girardin : « Le fait religieux est indéniablement en augmentation et il est souvent vécu par les fonctionnaires comme une source de difficultés dans l’exercice de leur métier. Ils ne sont pas toujours outillés pour y faire face et répondre aux exigences de certains usagers. Nous apportons deux réponses : la formation, car il existe des principes et règles à connaître et à savoir rappeler, et l’institution d’un référent laïcité, car le fonctionnaire ne doit pas rester seul face à ces sollicitations. Nous envisageons de rapprocher référent déontologue et référent laïcité. Nous nous reposerons sur le volontariat d’agents qui souhaitent s’impliquer sur ces nouvelles missions. Par ailleurs, nous envisageons des réponses à distance : pourquoi pas, en envisageant un « numéro vert ». Globalement, je constate sur ces questions une grande avancée : le débat a été lancé et la parole s’est libérée. Nous envisageons de faire du 9 décembre une journée dédiée aux échanges et au débat sur la laïcité. »