On entend parfois dire que l’économie collaborative revigore la démocratie…
L’outil numérique n’est pas démocratique en soi ! Ce n’est que du code, des « 0 » et des « 1 » que l’on active avec des algorithmes, c’est-à-dire des choix : « si, si, alors ». Cela dépend donc du projet politique dans lequel on insère cette plateforme. Celle-ci peut ainsi servir des objectifs d’« empowerment » [pouvoir d’agir, autonomisation] ou devenir un outil de « prédation » de type « Amazon ». On entend souvent : « On va développer une application permettant aux habitants du territoire d’échanger directement avec les producteurs locaux, cela va créer de la solidarité et, en plus, tout le monde va s’y retrouver financièrement. » Mais cela ne va pas de soi… En fait, les plateformes numériques ne dispensent pas les collectivités de leur rôle d’animation. Elles demeurent les garants de l’intérêt général et du respect de certaines valeurs… En d’autres termes, les collectivités ne doivent pas se laisser dicter le projet par ceux qui le fabriquent.
Vous voyez néanmoins cette économie comme une chance ?
Bien sûr. Je la vois comme un levier de transformation des mentalités. Une manière d’acculturer les territoires à de nouvelles postures et aux défis de demain. D’ailleurs, la collaboration est l’un des trois piliers de l’Open Gov [gouvernement ouvert], avec la transparence et la participation citoyenne.
Quels conseils donneriez-vous aux collectivités ?
Le premier conseil que je donnerais est d’avoir clairement conscience des besoins du territoire et des dispositifs participatifs permettant de faire remonter les besoins réels des habitants. Ensuite seulement, on peut réfléchir à s’équiper d’outils numériques pour y parvenir. Le risque, c’est que ces plateformes collaboratives deviennent les nouvelles « marottes » des circonscriptions. Un peu comme Facebook en son temps. Je vois encore trop de communes qui veulent absolument avoir leur compte Facebook… uniquement pour faire comme la voisine ! Si cette économie collaborative est vue comme un gadget, cela ne fonctionnera pas. Il faut finalement admettre que le collaboratif ne constitue pas seulement de la consommation de services, mais que c’est une posture d’action publique. Cela signifie que l’on accepte que des services soient gérés par la société civile, en dehors du « contrôle » et implique à la fois un nombre d’obligations en termes de dialogue avec le territoire et une certaine dose de « laisser-faire », qui rompt avec l’action publique traditionnelle.
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Le pari de l'économie collaborative
Sommaire du dossier
- Ubérisation : ce far west où les collectivités commencent à répliquer
- L’économie collaborative, une mine d’opportunités
- Quand les collectivités s’emparent de l’économie collaborative
- Startups de territoire : quand les collectivités s’inspirent des acteurs de l’économie collaborative
- Domaines skiables : tout schuss vers l’ubérisation ?
- Numérique : « Il ne faut pas être naïf face aux discours des grandes plateformes »
- Economie collaborative : le « partage », une carte à jouer pour les territoires ?
- Collaboratif made in France : le futur de la délégation de service public ?
- Ces collectivités qui essaient le covoiturage de bambins ou le partage dans un village
- Economie collaborative : les collectivités demandent des clarifications à Bruxelles
- « Si les acteurs publics n’investissent pas dans l’économie collaborative, les modèles capitalistiques classiques le feront »
- « Le collaboratif, c’est aussi une posture d’action publique » – Clément Mabi
- Airbnb : un modèle qui bouscule les communes
- Débat Pascal Terrasse – Akim Oural : L’Etat, prescripteur ou observateur de l’économie collaborative ?
- Economie collaborative : « Nous ne partageons que ce qui fonctionne » – Lee Hoiseung
- « L’économie collaborative interroge les collectivités » – Antonin Léonard
- Régulation de l’économie collaborative et rôle de l’Etat : aux armes, territoires !
- Economie collaborative : guide des bonnes pratiques à l’usage des collectivités
- [Data] Airbnb squatte les villes touristiques
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