C’est raté. Le nouveau logo de la Bourgogne Franche-Comté qui devait unir deux régions aux identités fortes fait l’unanimité contre lui. Il fait pourtant dans l’épure : seize consonnes, onze voyelles, quatre tirets jaunes et le slogan « A nous deux ».
L’échec du logo Bourgogne-Franche-Comté
A en croire les réactions sur les réseaux sociaux après la mise en ligne plutôt discrète sur Facebook et le site Internet de la région, les citoyens et les élus d’opposition (LR) s’attendaient plutôt à un visuel de caractère, basé sur les spécialités de la région, comme le Comté ou le Cassis de Dijon.
Conseil régional : la majorité ironise sur les critiques du nouveau logohttps://t.co/3ScnlUwwec pic.twitter.com/1EOUh0Z6bu
— Le Bien Public (@Lebienpublic) 3 décembre 2016
Nouveau logo RÉGION aussi « réussi » que celui du Jura… Même coût quasiment… Fade. Sans âme. Pas fun… pic.twitter.com/tjk49Jw5uE — Christophe Perny (@ChristophePerny) 25 novembre 2016
Laisser le logo se charger de sens
Face à la litanie des logos que certains qualifient de « ratés », la critique d’un visuel « trop neutre » qui ne ferait pas la part belle aux identités régionales est récurrente.
Une objection difficilement recevable pourtant, pour les spécialistes de communication territoriale. Pour Marc Pouillard, le directeur de création de l’agence Dartagnan de Dijon, qui a travaillé sur le logo de Bourgogne-France-Comté, « un logo ne peut pas être une illustration ».
« J’entends les remarques de ceux qui auraient voulu une bonne bouteille de vin ou une saucisse de Morteau. Mais comment satisfaire les professionnels du tourisme fluvial ou ceux de la culture avec de telles références ? Faire un logo sobre est le meilleur moyen de parler à tous », continue-t-il.
L’analyse est également partagée par Bernard Deljarrie, directeur délégué de Cap Com, la fédération des professionnels de la communication territoriale. « Quand un logo apparaît, il est forcément vide de sens. Il va progressivement se charger de signification. Je remarque que quand on propose aux habitants d’une collectivité de choisir de conserver leur logo ou d’en changer, c’est toujours le logo actuel qui l’emporte. Cela montre bien qu’il est difficile de se projeter immédiatement sur une représentation différente de son territoire », explique ce spécialiste des changements d’identité visuelle.
« Aujourd’hui, on donne trop de responsabilité à un logo », indique par ailleurs Philippe Bessières, le directeur de l’agence de graphisme Alios, spécialisée dans les collectivités. « Le logo est un enjeu symbolique qui ouvre à tous les calculs politiques. Quand on parle d’identité, il n’est pas possible de faire consensus. Les vécus et les attentes ne sont pas les mêmes, d’autant plus dans le cadre de la fusion de deux régions », remarque-t-il.
La question du coût, une inquiétude vivace
Autre reproche entendu au sujet du nouveau logo de Bourgogne-Franche-Comté, son coût de 18 000 euros.
Nouveau logo de la Région Bourgogne Franche-Comté #BFC
18.000 euros pic.twitter.com/rYG4jG2Od4— Mariiiiie (@lamariiiiiie) 30 novembre 2016
« Le logo a beau paraître très simple, il représente tout de même six mois de travail avec de très nombreuses réunions et beaucoup d’aller-retours », se justifie l’agence conceptrice.
Pour Bernard Deljarrie, plus que la question du prix du nouveau visuel, c’est bien tous les changements que cela implique qui pose question : le changement de logo sur les TER, les bus régionaux, les panneaux à l’entrée des lycées, le courrier…
Philippe Bissières reconnaît toutefois que « cette somme lui semble élevée. En général, cela tourne plus autour de 10 000 euros. L’une des solutions possibles est de faire un logo par le biais du service de communication interne du territoire concerné. Mais ce n’est pas toujours une réussite. »
Il propose plutôt de réfléchir en amont aux agences avec lesquelles la région veut travailler pour proposer un appel d’offre sur invitation : « cela peut être judicieux de visiter des ateliers de graphisme, de voir avec qui la collectivité souhaite travailler puis d’inviter les gens dont on apprécie le travail », continue-t-il.
« Et je déconseille formellement de passer par des agences de publicité ou de marketing qui font des logos qui ressemblent à ceux des entreprises… Et qui vendent surtout très chèrement leurs services », affirme-t-il.
Faire preuve de pédagogie
Les polémiques autour des logos posent aussi la question de l’accompagnement par la collectivité de sa nouvelle identité visuelle. Comme le rappelle Bernard Deljarrie de Cap Com, « il est essentiel de réfléchir au lancement et d’expliciter le sens du logo. Dans le cas de la Bourgogne-Franche-Comté, il aurait pu être opportun d’expliquer que les trois traits représentent les trois priorités de la région : emploi, environnement, solidarité. Le slogan représente également la fusion des régions et le souhait d’avoir de grandes réalisations grâce aux identités bourguignonnes et franc-comtoise. C’est de cette façon qu’on évite les polémiques ».
Ce diagnostic n’est pas partagé par le concepteur du logo, Marc Pouillard, pour qui « un visuel doit se suffire à lui-même. » « Je me demande toutefois si la région n’a pas été trop vite dans sa présentation du logo » s’interroge-t-il. En off, un conseiller régional reconnaît que « compte tenu des polémiques dans les autres régions, nous avons voulu être discrets. Nous aurions mieux fait d’en parler en toute transparence. »
Un avis partagé par François Sauvadet, le président (LR) du conseiller départemental de la Côte d’Or :
Curieuse méthode que d’afficher un nouveau logo qui n’a même pas été présenté aux conseillers régionaux de #BFC #Mépris pic.twitter.com/AovebOlbuU — François SAUVADET (@sauvadet) 25 novembre 2016
Pour éviter les critiques, penser à la pérennité
Afin d’éviter la « fatalité des polémiques », Philippe Bissières donne plusieurs conseils aux collectivités. « Le logo doit d’abord avoir une vraie signification et être immédiatement compris. Il doit également être utilisable facilement. Le logo de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur est un parfait contrexemple. Il est si compliqué que suivant le support, il change de formulation ! ».
Il insiste tout autant sur la pérennité. « Il faut se méfier des effets de mode pour ne pas être rapidement obsolète ».
Pour ce graphiste, l’un des meilleurs logos des dernières années est celui de Romans-sur-Isère. « Il a été basé à la fois sur des valeurs historiques qui font consensus, notamment en s’appuyant sur l’un de ses deux ponts, et il a une touche de modernité. C’est une façon intelligente de réinterpréter le patrimoine » conclut-il.
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