Le pouvoir de l’information spectacle ! Si cela peut parfois contribuer à rendre le débat public plus accessible à tous, le risque est de le réduire à des formules chocs et à des propositions polluées par un souci de communication. Tafta et Ceta sont de ceux-là. Peu évoqués par les commentateurs, ces traités de libre-échange représentent pourtant un enjeu autrement plus conséquent que les tenues vestimentaires à la plage !
Au-delà des droits de douane, ils impliquent la levée des restrictions réglementaires entravant l’accès aux marchés européens, et ce, dans le cas du Tafta, sans aucune forme de réciprocité. Ces traités introduisent des tribunaux d’arbitrage privés, totalement contraires à la souveraineté des Etats.
Danger pour la démocratie
Ils s’attaquent directement au modèle de société européen où les fonctions collectives relèvent d’abord de la sphère publique. Ils offrent ainsi une fenêtre de tir aux grandes multinationales qui attirent à coups de rémunérations indécentes les meilleurs juristes (dont certains ont été formés pour servir l’Etat mais pantouflent allégrement) pour attaquer les politiques publiques mises en place. Ce sont les raisons pour lesquelles leurs contradicteurs – dont beaucoup, comme moi-même, ne sont pas opposés au libre-échange – les estiment dangereux pour la démocratie, la sécurité alimentaire, les normes sociales et environnementales…
D’une certaine façon, ce dossier illustre les faiblesses de la démocratie européenne. L’opacité des négociations menées à Bruxelles et Washington pour le Tafta contribue à alimenter un peu plus encore la défiance des citoyens envers les institutions européennes.
Le rêve européen a malheureusement laissé place au désenchantement.
Fracture entre « élites » bruxelloises et « peuples »
Cette Union européenne imposant ses politiques à coups de normes et d’humiliations – ratification à marche forcée du traité constitutionnel, gestion de la crise grecque – est tout bonnement devenue insupportable. En France, elle est désormais rejetée par 61 % des citoyens, en Grèce par près des trois quarts. Cette fracture entre « élites » bruxelloises et « peuples » fait le lit des populismes de tous bords. Dernières victimes en date, les Britanniques. Et la toute récente élection présidentielle américaine ne peut, de ce point de vue, nous laisser indifférents.
L’Union, c’est aujourd’hui la Commission et le Conseil. Des instances dans les mains des Etats et, précisément, des gouvernements centraux. Ce sont eux qui ont laissé faire, voire qui ont poussé, les négociations sur les traités, même si certaines voix, au sein du gouvernement français notamment, s’élèvent depuis longtemps pour appeler à la prudence. Jamais la Commission ne serait allée aussi loin si le Conseil ne l’y avait pas encouragée. La façon actuelle de traiter des textes d’une telle importance au sein de l’Union alimente la crise démocratique.
Fédérer les Européens
Les maux que posent emploi et manque de croissance aux sociétés occidentales ne sauraient justifier un remède ultralibéral aux effets secondaires hasardeux. C’est le message fort qu’ont envoyé les parlementaires wallons à la technostructure européenne, mais aussi aux « élites » des pays européens.
Il appartient aux élus locaux de tous bords et de tous les pays de le relayer pour fédérer les Européens autour d’un projet démocratique, juste et équilibré, tenant bien compte de nos valeurs communes d’humanisme et de foi en l’action publique. Pour construire, ensemble, l’Europe des territoires.