La loi République numérique boucle un cycle législatif sur l’ouverture des données publiques. Quelles vertus voyez-vous à l’open data ?
L’open data permet de renforcer la transparence de l’action publique et de développer de nouvelles formes de services aux citoyens. Je crois vraiment que l’ouverture des données au public sera source de vitalité démocratique. La possibilité pour tout citoyen, par exemple, de consulter en ligne, sous un format accessible et réutilisable, des données produites par l’ensemble des pouvoirs publics, et en particulier par les collectivités locales est vraiment de nature à revivifier la vie démocratique, qui en a bien besoin.
C’est par ailleurs un engagement fort qui a été porté par le gouvernement dans le cadre du partenariat pour un gouvernement ouvert, dédié à la transparence et à l’innovation démocratique. L’open data stimule bien ces deux champs : la transparence démocratique d’une part, et de nouvelles formes de services aux citoyens, développer soit par les services publics eux-mêmes, soit par les acteurs privés, et notamment les start-up. J’ai par exemple découvert récemment, lors d’un forum sur les initiatives démocratiques, une démonstration de la plateforme Koom, qui met en relation, autour de projets durables, des villes et les citoyens. C’est très innovant pour l’action publique.
La loi pose une obligation sans sanction. Etes-vous confiante dans le réel engagement des collectivités ?
Je suis convaincue que les collectivités se saisiront de cette opportunité. Mais je suis tout autant convaincue qu’il faut les accompagner dans ces évolutions. C’est ce qui nous a conduites, avec Axelle Lemaire, à demander à l’association Open Data France, de réfléchir sur les modalités d’accompagnement des collectivités à l’ouverture des données. Les conclusions que l’association nous a remises le 17 octobre à Rodez, tiennent compte de cet effort demandé. Dans ses préconisations, il y a donc d’abord un socle commun prioritaire, qui identifie les données prioritaires à mettre à disposition, puis la formation des élus et des agents, et enfin une nécessaire coordination de l’ouverture des données publiques, notamment pour aider les plus petites communes.
Que répondez-vous à celles qui dénoncent une nouvelle contrainte qui va leur coûter de l’argent ?
Le programme d’appui va donner une méthode, va former et va renforcer la mutualisation entre communes sur ce point-là. Avec la mutualisation des moyens informatiques, il y a la possibilité de faire sans que cela coûte beaucoup d’argent. Je pense que le vrai problème n’est pas tant dans la partie financière que de vraiment convaincre que l’ouverture des données publiques est une manière de rapprocher l’action publique des citoyens, ce que cherche à faire chaque conseil municipal. Une fois les collectivités convaincues de la pertinence de l’utilisation de ces données, y compris par des acteurs qui créeront de nouveaux services, alors elles se poseront moins la question du coût. Sur le PLU-I par exemple, j’ai vu que l’ouverture au public des données relatives à l’urbanisme réduit aussi les charges des collectivités. C’est une autre manière d’envisager l’action publique locale, une autre manière de faire.
Les communes de petite taille, même au-dessus de 3500 hab. auront du mal à ouvrir leurs données de manière fiable et durable. Ne faudrait-il pas désigner un pilote, dans les territoires, qui permette la mutualisation financière et technique ? Quel serait-il : la région, le département, les intercos ?
Je pense que nous aurons une idée plus précise des besoins avec l’expérimentation qui va voir le jour au 1er janvier 2017, avec la désignation de huit territoires pilotes, de tous échelons. Finalement, cela dépend probablement de la structuration des territoires : là où il y a une métropole avec des services informatiques et des compétences déjà étoffées, il paraît pertinent qu’elle décline un portail pour l’ensemble des communes. Si vous avez un département sans métropole, avec une structuration forte de communes de plus petites tailles, alors le conseil départemental peut être le bon acteur pour coordonner. Le but de ces territoires pilotes, c’est de dégager une méthodologie d’ouverture des données la plus efficiente possible, celle qui demandera le moins d’énergie aux collectivités.
Dans certains secteurs, en particulier pour des services en délégation de service public, les acteurs rechignent à fournir les données. Que vous inspire cette posture ?
Quand des délégataires retiennent l’information alors même qu’ils peuvent la communiquer, ce n’est pas de nature à renforcer la confiance des citoyens dans l’action publique. Tous les observatoires citoyens témoignent d’un besoin de transparence. Et l’adhésion des citoyens aux politiques publiques sera d’autant plus forte qu’ils auront le sentiment que les données leur sont confiées en transparence. Je fais partie de cette génération d’élu(e)s qui considère que ce n’est pas en retenant l’information qu’on crée de la valeur ajoutée collective. C’est quand chacun est au même niveau d’information qu’on arrive à recréer une dynamique de groupe et une adhésion au projet collectif.
Un autre sujet participe de la même logique, c’est celui de l’observatoire de la gestion publique locale, que nous venons de mettre en place. Il s’agit de dire qu’on ne peut pas continuer à s’opposer sur des chiffres qu’on ne partage pas, en invoquant, là les chiffres de la DGCL, ici ceux des collectivités et de leurs bureaux d’études. En fin de compte, nous ne parvenons pas à établir un constat partagé qui permettrait de produire des recommandations dont au moins la base d’élaboration ne serait pas contestée. Ce temps-là est fini.
Toutes les parties à l’observatoire jouent-elles vraiment le jeu ?
Ne nous voilons pas la face, on n’efface pas des décennies de défaut de confiance en deux réunions d’installation d’un observatoire. Cela nécessite vraisemblablement un changement de culture, et une habitude de travail en commun.
Vous avez remis le 17 novembre les 1ers Trophées de l’Open Data dans les territoires. Que retenez-vous de cette première édition ?
J’ai constaté une vraie belle énergie ! Le mouvement open data prend de l’ampleur. Pour preuve, les lauréats ne font pas partie des collectivités pionnières de l’open data. C’est une vraie satisfaction, et cela a été rendu possible par l’impulsion donnée par le législateur.
Trophées de l’Open data pour les territoires : les lauréats 2016
Open data France et la Gazette des communes ont organisé les premiers trophées de l’opendata pour les territoires. Ces trophées étaient ouverts à toute collectivité, administration d’Etat centrale ou déconcentrée, établissement public, collectif citoyen ou association ayant mis en place un projet d’ouverture, de valorisation ou de réutilisation des données publiques au profit d’un territoire donné.
Le jury a récompensé 6 lauréats, et décerné une mention spéciale « Encouragement » à 4 projets. Les récompenses ont été remises le 17 novembre, au cours d’une cérémonie présidée par Estelle Grelier, secrétaire d’Etat aux collectivités territoriales, et Bertrand Serp, président d’Open data France et vice-président de Toulouse Métropole, en charge du numérique.
Les 6 lauréats sont :
- Conseil départemental de la Seine St Denis, pour le projet « Open Data 93 » : « Meilleure initiative open data 2016 » :
- Grand Poitiers, pour le projet « Grand Poitiers open data » : « Meilleure démarche globale d’open data »
- Conseil général des Hauts de Seine, pour son projet « Open Data des Hauts de Seine » : « Meilleur projet open data de long terme »
- SGAR Occitanie et Toulouse métropole, pour le projet « Open Data Lab » : « Meilleur projet d’accompagnement dans l’ouverture des données » :
- Le collectif Data BZH : « Meilleur projet d’accompagnement dans la réutilisation des données »
- Le Secrétariat d’Etat à l’enseignement supérieur et à la recherche, pour le projet « ScanR » : « Prix coup de cœur du jury »
Les 4 projets ayant reçu une mention spéciale « Encouragement » sont :
- Montpellier Méditerranée Métropole, pour son projet d’implication des communes de la métropole dans une démarche open data via OpenStreetMap
- Le Conseil de Développement du parc naturel régional des Préalpes d’Azur, pour son projet « OpenStreetMap, outil de développement territorial »
- La ville de Martigues, pour son projet d’ouverture des données publiques sous licence Etalab et la démarche d’animation menée auprès des citoyens
- La métropole de Nantes, pour son projet « CartoQuartiers »
Le jury était composé de
- Arnaud CHAIGNEAU, Responsable des partenariats au NUMA
- Frédéric CHARLES, Directeur de la stratégie digitale chez Suez
- Armelle GILLIARD, Fondatrice de La Reine Merlin
- Samuel GOETA, Fondateur d’Open Knowledge France
- Orianne LEDROIT, Responsable de la mission Société numérique à l’Agence du Numérique
- Romain TALES, Responsable du recensement des données publiques à la mission Etalab, et président du jury,
- Romain Mazon, rédacteur en chef de la Gazette des communes.
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