Crédits : Jean-Louis Zimmermann
La commande publique en matière d'aménagement est en pleine transformation, avec un foisonnement d'appel à partenariats, appel à manifestation d'intérêts... Les opérateurs privés sont bousculés mais aussi stimulés par cette évolution des modes d'action des collectivités. Analyse avec quelques poids lourds du secteur, réunis lors du Forum des projets urbains le 15 novembre.
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L’appel à projets « Réinventer Paris », lancé par la mairie de Paris a été l’opération la plus médiatique, mais depuis un moment déjà, l’appel au secteur privé pour réfléchir avec la collectivité à l’évolution d’une partie du territoire e se répand. C’est par exemple le cas à Bordeaux pour le secteur des Bassins à flot, à Dijon pour la future Cité de la gastronomie, ou à Massy pour le futur quartier Atlantis… Pour les opérateurs privés, les promoteurs comme les aménageurs, cela signifie travailler parfois gratuitement pendant de longs mois, sans pouvoir s’assurer d’un éventuel retour sur investissement. Mais au-delà de l’aspect purement financier, cela implique aussi une modification des façons de travailler. Nicolas Gravit, directeur de Eiffage aménagement, estime que « ces appels à projets sont très intéressants et motivants. Ils nous permettent de déployer toute la palette de nos compétences. Mais surtout ils offrent l’occasion à des opérateurs privés et publics d’avoir connaissance très en amont des projets, ce qui est très valorisant. »
Coproduire la ville
Pour Farida Karam, directrice générale de Espaces ferroviaires, une des filiales de SNCF immobilier, « on va de plus en plus vers un modèle de coproduction de la ville, dans lequel chacun apporte des briques d’innovation tant sur le contenu que sur la façon de faire ». Espaces ferroviaires a d’ailleurs utilisé cette méthode d’appel à projets pour la reconversion du site Ordener, actuellement en cours dans le 18ème arrondissement de Paris.
Stéphane Keita, PDG de la Scet, rappelle toutefois que cette nouvelle façon de travailler est limitée aux agglomérations d’une certaine importance, et bénéficiant d’une certaine attractivité qui leur permet de disposer des moyens et des ressources humaines nécessaires pour élaborer des cahiers des charges compliqués. « La contrainte budgétaire est extrêmement forte, elle modifie les conditions de la concurrence. Par ailleurs les collectivités ont aujourd’hui des exigences de performance proches de celles du marché privé : elles veulent la meilleure offre tout en souhaitant garder des marges de manoeuvre, notamment en terme d’optimisation de prix ».
Des opérateurs multicartes
Du côté des opérateurs privés, ces appels à projets globaux imposent d’avoir des équipes aux compétences multiples, de rechercher de nouveaux partenariats, d’être toujours en veille sur les innovations. Stéphane Keita parle de constituer un « archipel d’expertises ». Jean-Luc Poidevin, directeur général adjoint collectivités locales chez Nexity, met cependant en garde : « quand on visite des quartiers récents en France ou ailleurs, nous ne sommes plus en mesure de les recontextualiser, d’identifier le cadre dans lequel dans lequel ils ont été conçus. Par ailleurs, il faut diversifier la programmation, savoir aller plus loin que de mixer logements et bureaux pour aller dans le détail. » Jean-Luc Poidevin pointe enfin la responsabilité des élus : « Le politique est le décideur. Quelque soit la méthode -appel à manifestation d’intérêt, dialogue compétitif, macro-lots, il y a toujours une commande publique au départ. Si elle n’est pas travaillée, exigeante, s’il n’y a pas des équipes compétentes en interne, nous opérateurs privés, nous ne pourrons pas y répondre. »
Nicolas Gravit conclut : « Les collectivités doivent éviter les procédures trop longues, avec de multiples étapes, des workshops,…Certaines nous demandent aujourd’hui de travailler sur des procédures tests, des mini-concours avant le concours officiel. Ce n’est pas possible ». A bon entendeur…