En mars 2016, la ministre de la Fonction publique, Annick Girardin, annonçait une revalorisation du point d’indice de 1,2 % en deux temps : 0,6 % le 1 er juillet 2016 et 0,6 % le 1 er février 2017. Réel coup de pouce ou mesure anecdotique ?
« C’est toujours mieux que rien. Cependant, ce dispositif rapporte plus à ceux qui ont déjà de hauts salaires. Et elle ne rattrapera pas la perte de pouvoir d’achat des dernières années », constate Claire Le Calonnec, secrétaire générale d’Interco CFDT.
« Certes, ça ne solde pas les comptes, mais c’est bien », estime Bruno Collignon, président fédéral de la FA-FP. Et même plus que bien, juge Laurent Crusson, sous-directeur des rémunérations, de la protection sociale et des conditions de travail à la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP).
« Cette augmentation de 1,2 % en deux temps couvre l’inflation. C’est toutefois surtout une mesure de long terme, qui aura un impact positif sur le niveau des pensions de retraite », tient-il à souligner.
En attendant, le gain net sur la feuille de paie des agents sera inexistant pour la plupart d’entre eux. La faute à l’augmentation des cotisations de retraite qui se poursuit afin d’aboutir à un alignement sur le privé en 2020. Mais aussi, pour certains agents, à la baisse de l’indemnité de garantie individuelle du pouvoir d’achat (Gipa) liée au transfert primes-points.
Avancée non négligeable
« Le fait de transformer une partie des primes en points d’indice va entraîner une baisse de la Gipa, qui permettait de compenser l’écart entre l’évolution du traitement brut indiciaire d’un agent et l’inflation », rappelle Annie Letty-Keribin, directrice générale adjointe du centre de gestion du Finistère.
Les syndicats voient dans ce dégel une mesure à la portée symbolique. « C’est une forme de reconnaissance dans une période de resserrement budgétaire, de défiance vis-à-vis des fonctionnaires et de remise en cause du statut », se félicite Patrick Campagnolo, secrétaire fédéral Unsa Territoriaux.
Les syndicats signataires du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) admettent que ces mesures mises bout à bout constituent une avancée non négligeable pour la rémunération des agents. Même si, « pour réellement améliorer les salaires, il faudrait des politiques d’avancement de grade et de promotions plus dynamiques », préconise Claire Le Calonnec.
Charge supplémentaire
Selon les employeurs territoriaux, ce dégel du point d’indice a été salué comme un juste retour des choses pour les personnels. Mais les élus y voient aussi une charge supplémentaire pour leurs budgets déjà grevés par les baisses des dotations de l’Etat et autres transferts de compétences.
Pour l’ensemble de la fonction publique territoriale (FPT), la facture devrait s’élever à 648 millions d’euros par an.
« A Antibes, l’augmentation va nous coûter 630 000 euros, soit 0,75 % de la masse salariale. Nous avions réussi à réduire nos dépenses de personnel de 5 % en 2013. Depuis, les économies ont fondu, notamment avec les rythmes scolaires et les revalorisations d’indices des agents de la catégorie C », rapporte Stéphane Pintre, directeur général des services d’Antibes (2 000 agents, 75 200 hab., Alpes-Maritimes).
Cette revalorisation reste malgré tout une bonne nouvelle pour les agents, après un gel de six ans qui, s’il a permis de faire économiser 7 milliards d’euros aux finances publiques, a aussi contribué à l’appauvrissement de certains personnels. « Les agents ont perdu du pouvoir d’achat entre 2010 et 2016 par l’effet mécanique de l’inflation », rapporte Claire Le Calonnec.
Pire, certains ont vu leurs revenus diminuer. « Tous les ans, des collègues m’interpellent car le montant net inscrit en bas de leur feuille de paie est inférieur à l’année précédente » confirme Eric Maitrias, directeur des finances et du contrôle de gestion de la ville d’Annecy.
Les chiffres officiels de la DGAFP font d’ailleurs état d’une baisse de 1,6 % de salaire net mensuel entre 2010 et 2013, en euros constants. « Il n’existe aucune obligation de maintien du salaire d’une année sur l’autre. La seule garantie concerne les primes octroyées avant 1984 », rappelle Annie Letty-Keribin.Certaines collectivités ont bien tenté de limiter les dégâts.
« En 2013, nous avons augmenté le régime indemnitaire des agents de la catégorie C de 14 à 18 euros en fonction des grades, pour compenser leur perte de pouvoir d’achat », rapporte ainsi Laurent Sédilleau, directeur des RH de la communauté d’agglo de La Rochelle (28 communes, 587 agents, 162 000 hab.). Mais toutes n’ont pu le faire, par manque de moyens ou tout simplement en raison de l’absence de régime indemnitaire.
Le cas des contractuels
L’augmentation du point d’indice, comme les autres évolutions statutaires en cours, ne concerne pas les agents contractuels. Ils pourront néanmoins se consoler avec deux mesures destinées à sécuriser leur situation professionnelle.
Outre la prolongation de deux années du dispositif d’accès à l’emploi titulaire mis en place par la loi « Sauvadet » en mars 2012, la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires a étendu aux agents en contrat à durée déterminée l’évolution, tous les trois ans, de leur rémunération. Mesure qui, jusqu’alors, était réservée aux seuls agents en contrat à durée indéterminée/
Un mauvais rapport coût-avantage
Annecy (Haute-Savoie) 1 300 agents – 52 000 hab.
A Annecy, les calculs relatifs à l’augmentation du point d’indice ne laissent aucun doute quant au rapport coût-avantage de la mesure pour la collectivité.
En 2016, le gain pour les agents sera de l’ordre de 55 euros brut pour les agents de la catégorie C, 115 euros pour les « B » et 125 euros pour les « A ». Avec la deuxième hausse de 0,6 % et sur une année complète, le coup de pouce sera de 220 euros brut pour les agents de la catégorie C, 250 euros pour les « B » et 390 euros pour les « A ».
En revanche, l’addition revenant à la collectivité est un peu salée. L’impact sera de 135 000 euros en 2016 pour 1 200 agents concernés, et de 230 000 euros en 2017. « Une augmentation de 0,5 % des dépenses de personnel », précise Eric Maitrias, directeur des finances.
Comparativement, la participation à la protection sociale complémentaire a coûté à la collectivité 170 000 euros en 2015 pour un gain par agent de 18 euros par mois pour la prévoyance et de 14 euros pour la santé. Un rapport coût-avantage bien plus intéressant qu’avec l’augmentation du point d’indice.
Salaire des fonctionnaires : comparez, simulez, partagez
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Salaires des fonctionnaires territoriaux : comparez, simulez, évaluez
Sommaire du dossier
- Les fonctionnaires territoriaux sont-ils trop payés ?
- Salaire des fonctionnaires : de quoi parle-t-on ?
- Zoom sur les inégalités de salaires des fonctionnaires
- Pouvoir d’achat des fonctionnaires : la bataille des chiffres
- Combien gagnent les DG ?
- Salaires : Impact et conséquences du dégel du point d’indice
- La nouvelle bonification indiciaire (NBI) en 10 questions
- PPCR et RIFSEEP, les deux clés de voûte du nouveau système de rémunération
- Application sur le salaire des fonctionnaires territoriaux : la méthode
- Régime indemnitaire : « la situation ne satisfaisait personne » – Laurent Crusson
- Les principaux enseignements de l’application « Rémunérations des fonctionnaires territoriaux »
- Rémunération et carrière des fonctionnaires : les 10 mesures phares de l’accord PPCR
- Histoire récente de la négociation sur les salaires dans la fonction publique
- Primes et indemnités de la fonction publique territoriale : de quoi parle-t-on ?
- Les primes et indemnités des fonctionnaires territoriaux en 10 questions
- La garantie individuelle du pouvoir d’achat (Gipa) en 10 questions
Thèmes abordés