L’ex-Président de la République reste fidèle à ses fondamentaux. Dans un entretien écrit accordé à La Gazette, il prône le retour au conseiller territorial appelé durant sa mandature à siéger dans les assemblées départementales et régionales. Comme Alain Juppé, son principal adversaire à la primaire du centre et de la droite, il se prononce en faveur d’un contrat financier de mandature entre l’Etat et les collectivités.
Dans quelle mesure souhaitez-vous revoir la carte des régions ?
Il y a un ras-le-bol des élus sur tous ces mécanos administratifs qui ont été imposés à marche forcée par l’actuel pouvoir. Le redécoupage de la carte des régions opéré par François Hollande s’est fait sans concertation, dans la précipitation et l’improvisation, faisant fi des réalités locales. Un nouveau chamboule-tout ne saurait être de circonstance. Pour autant, la nouvelle carte des régions est porteuse de nombreuses incohérences. C’est la raison pour laquelle nous entamerons des discussions avec les élus concernés et procéderons à une consultation région par région, pour le cas échéant faire évoluer ce découpage.
Confirmerez-vous le financement des régions par une fraction de TVA à compter de 2018 ?
Sur le principe, je suis favorable à toute mesure favorisant l’autonomie financière des collectivités. Cependant, je vois deux principales limites au projet du gouvernement de substituer à la DGF une fraction de la TVA et de sa dynamique. Tout d’abord, cette mesure ne doit pas entraîner une hausse supplémentaire du taux de la TVA qui viendrait alourdir encore davantage la fiscalité des Français. Je tiens à le redire ici : je m’oppose à toute hausse de la TVA. Par ailleurs, cette proposition ne répond, ni sur la méthode ni sur le montant, aux besoins des régions. Cette fraction de TVA n’est donc qu’un expédient du gouvernement socialiste qui n’assume pas financièrement les transferts qu’il organise. La vraie question qui est posée par ces négociations est celle du début d’un engrenage vers une forme de fédéralisme. Ce n’est pas la direction que je veux prendre.
Le retour du conseiller territorial que vous appelez de vos vœux est-il un premier pas vers la fusion entre le département et la région ?
Je propose la réintroduction du conseiller territorial, élu dans un canton, identifié des électeurs, pour le représenter à la région et au département. Le retour au conseiller territorial nous permettra de rapprocher ces deux collectivités. Par ailleurs, si des discussions existent autour du rapprochement volontaire de certains départements, elles seront encouragées.
Comptez-vous recentraliser le financement du RSA ?
Le financement du RSA est un désengagement de plus de la part du gouvernement. Dans un premier temps, la rebudgétisation du RSA est à envisager. Elle permettrait de supprimer des coûts de gestion redondants, tout en apurant la situation des départements. Ensuite, je veux substituer aux différentes prestations non contributives (RSA, aide au logement, prime d’activité) une aide unique qui sera payée par l’Etat. Le financement du RSA sera donc de facto recentralisé. Cette aide unique aura deux caractéristiques essentielles. Elle sera conditionnée à la reprise d’une activité ou d’une formation, ce qui signifie concrètement qu’on ne pourra pas la percevoir sans faire une démarche active vers la recherche d’un emploi. Elle sera, deuxièmement, plafonnée à 75 % du SMIC. Il s’agit de mettre fin à une situation dans laquelle le travail paye moins que les revenus d’assistance.
Je veux substituer aux différentes prestations sociales une aide unique payée par l’Etat.
Pourquoi souhaitez-vous supprimer la métropole du Grand Paris ?
Lorsque j’ai souhaité créer le Grand Paris en 2008, je voulais que nous retrouvions l’ambition des grands projets d’infrastructures, que nous améliorions les réseaux de transports franciliens et que nous créions des pôles de recherche de dimension mondiale. Le pouvoir socialiste a réduit cette ambition à une construction institutionnelle illisible. En Ile-de-France, les nombreuses collectivités se chevauchent, s’additionnent et se contredisent. On compte un conseil régional élu au suffrage universel, 8 départements, 11 établissements publics territoriaux, 1280 communes, à quoi s’ajoute la Métropole du Grand Paris. Il faudra simplifier ce qui est devenu un millefeuille administratif incompréhensible. C’est pourquoi je souhaite supprimer la structure du Grand Paris, le Conseil régional pouvant utilement reprendre toutes ses compétences
Pourquoi comptez-vous revenir sur la loi sur le non-cumul des mandats ?
A l’inverse de l’évolution souhaitée, la loi sur le non-cumul des mandats va conduire à l’augmentation du nombre d’élus. Je n’y suis pas favorable. En outre, je me méfie d’assemblées parlementaires qui ne seraient constituées que d’élus dépourvus d’un enracinement local. Le fait pour un député ou un sénateur d’avoir un mandat exécutif local lui permet de rester connecté avec les réalités du terrain. Le fait d’exercer deux mandats constitue un équilibre. Cela permet à nos territoires d’être mieux représentés et défendus par une femme ou un homme qui a l’expérience quotidienne des enjeux locaux. Sur cette question, ce sera au peuple souverain de décider lors d’un référendum que nous organiserons le jour du second tour des élections législatives du 18 juin 2017, en proposant de diminuer d’un tiers le nombre de parlementaires. Nul ne pourra contester la légitimité d’une décision référendaire.
J’organiserai un référendum sur la diminution d’un tiers du nombre de parlementaires.
Poursuivrez-vous la baisse des dotations aux collectivités locales ?
La réduction brutale des dotations de l’Etat aux collectivités locales traduit le mépris du gouvernement socialiste pour nos exécutifs locaux. Le bloc communal en est particulièrement victime. La conséquence a eu un impact réel sur notre économie car cela a provoqué une chute de l’investissement public dont la très grande majorité est portée par les collectivités locales. Face à la baisse des dotations subie par les collectivités locales, ces dernières ont besoin d’un cadrage général. Aussi je proposerai la mise en place d’un contrat de mandature « Etat-collectivités locales » pour avoir une visibilité sur l’évolution des finances publiques.
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Quel serait le contenu de ce contrat ?
Je veux une plus grande clarté dans les relations financières entre l’Etat et les collectivités locales. Elles sont aujourd’hui disséminées dans un grand nombre de dispositifs (dotation globale de fonctionnement, concours financiers, etc.). Aussi, au même titre qu’il existe un projet de loi de financement de la sécurité sociale, je souhaite qu’il y ait un document unique législatif qui regroupe l’ensemble des relations financières « Etat-collectivités locales », afin de permettre à ces dernières de disposer d’un tableau de bord complet, sur lequel le Parlement puisse débattre. Je proposerai donc une loi de financement des collectivités locales afin que le Parlement vote chaque année un cadre budgétaire stable pour qu’elles puissent avoir davantage de lisibilité. Cette loi retracera ainsi l’ensemble des financements de l’Etat aux collectivités locales.
Pourquoi voulez-vous mettre fin au statut de la fonction publique pour les nouveaux entrants dans les collectivités ?
Je ne propose pas la fin du statut de la fonction publique. Je propose en revanche deux voies d’accès : le statut remanié pour les métiers dit de souveraineté ou de prérogatives de puissance publique ; un contrat d’agent de la fonction publique pour les autres métiers de l’administration. Une convention d’affectation, renouvelable au cas par cas, permettra de donner de la mobilité aux agents au sein de la fonction publique. Il est évident que ce nouveau contrat comportera des sujétions particulières propres au service public, comme le principe de neutralité et le devoir de réserve.
Que doivent devenir les concours ?
La voie des concours restera la voie principale d’accès à la fonction publique, mais elle devra intégrer une indispensable dimension managériale. En parallèle, la promotion interne doit également reposer davantage sur les acquis professionnels que sur des seuls critères scolaires ou académiques.
Les concours de la fonction publique doivent intégrer une indispensable dimension managériale.
Dans quelle proportion les agents territoriaux partant à la retraite doivent-ils être remplacés ?
Aucune structure publique ne peut s’exonérer de l’effort de réduction de nos déficits publics. Il en va de l’intérêt général. C’est aussi une demande de nos compatriotes, des administrés de chaque collectivité locale, des usagers des services publics et des contribuables locaux. Ce constat est par ailleurs porté avec responsabilité par les associations d’élus. Quelle est la méthode pour y parvenir ? Une politique que j’avais initié avait porté ses fruits, je propose de la reprendre. Il s’agit du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux qui part à la retraite, en l’appliquant également aux collectivités territoriales. Cela nous permettra d’éviter de retomber dans le paradoxe rencontré durant mon quinquennat où nous avions supprimé pas moins de 150 000 postes de fonctionnaires pour l’Etat, alors que les collectivités territoriales en avaient créé autant dans le même temps.
Je propose de reprendre le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux.
Combien d’heures par semaine les fonctionnaires doivent-ils travailler ?
Dans un premier temps, chaque agent, sans augmentation de salaire, sera tenu de faire au minimum les 35 heures. Mais il faudra aller plus loin en portant la durée hebdomadaire du travail dans la fonction publique d’Etat à 37 heures, payées 37 heures. Nous devons en effet impérativement reprendre le mouvement de diminution des effectifs ; s’il y a moins de fonctionnaires, ils devront également travailler davantage.
Quelle sera la marge de manœuvre des collectivités ?
L’Etat ne peut plus décider unilatéralement du temps de travail et de la rémunération des agents territoriaux. Voilà pourquoi la liberté sera rendue à tous les exécutifs territoriaux de fixer la durée du travail au sein de leurs collectivités en partant du préalable minimum des 35 heures. Chaque région, chaque département, chaque mairie pourra déterminer le nouveau temps de travail, au-delà des 35 heures. Les élus retrouveront des marges de manœuvre pour gérer le plus efficacement des collectivités qui n’ont pas toutes les mêmes situations financières ou les mêmes besoins.
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