Ne tomber « ni dans la polémique, ni dans la simplification ». Jean-Marie Bockel, sénateur et président de l’agglomération de Mulhouse, s’exprimait en ouverture d’un colloque organisé par la Fédération française de psycho criminalistique au Sénat sur les impacts de la religion et de la radicalisation dans les entreprises et les services publics.
Deux logiques sous-tendent le débat, pour Fabrice d’Almeida, professeur à l’université Paris Assas. Les relations de travail se sont « démocratisées », avec davantage d’horizontalité et de revendication et la société s’est « confessionnalisée » avec l’exigence de vivre sa foi de façon permanente dans la sphère privée et publique. Les intervenants se sont efforcés de tracer des lignes de force utiles à celles et ceux qui sont confrontés aux effets des croyances religieuses dans le monde du travail privé au public.
Un management par la discussion et l’échange
Il ne faut « pas avoir peur », avertit Chems Akrouf, directeur du pôle intelligence de Sentinelle. La stigmatisation et le rejet produisent de la radicalisation. Le fait religieux se manage par la discussion et l’échange dans le cadre du travail lui-même.Ainsi les agents du service public ou les travailleurs d’entreprise délégataire d’une mission de service public, doivent-il, dans la République laïque, observer une stricte neutralité.
Interroger la personne sur les raisons du changement de son comportement paraît une évidence à Françoise Thieullent, avocate et médiatrice à La Réunion, département où se côtoient de multiples religions : « oser découvrir et se former à la culture de l’autre est la clé pour travailler et vivre ensemble ».
Un dialogue social utile et nécessaire
Le traitement du fait religieux s’organise dans un « projet commun, témoin d’une volonté générale », rappelle Fabrice d’Almeida. La nécessité « d’un collectif fort » dans le monde professionnel et le rôle des syndicats sont soulignés par Jean-Claude Delgènes, directeur général du cabinet Technologia. Cela passe par le dialogue social pour dégager des « accommodements raisonnables ».
Toutefois l’idée de pouvoir présenter des candidats non syndiqués au premier tour des élections professionnelles inquiète : elle pourrait permettre l’infiltration des institutions représentatives du personnel par un leader religieux, insuffisamment « légitime et investi dans le cadre de travail ».
Une prise en charge technique
Enfin, le monde du travail doit prendre garde à l’utilisation de ses réseaux sociaux. Patrice Kirmizigul, expert en cyber-sécurité, prévient : la responsabilité du chef d’entreprise, de l’élu ou du chef de service peut être pénalement engagée, si les outils informatiques professionnels (serveurs, ordinateurs, etc.) sont utilisés par des salariés ou des agents pour visiter des sites internet propagandistes (art. 421-2-5-2 du Code pénal) ou stocker et diffuser des contenus à caractère sectaire.
Cette responsabilité est toutefois relative : il suffit que les moyens de l’empêcher aient été mis en œuvre pour éviter la condamnation. Divers outils techniques sont à la disposition des dirigeants : systèmes de contrôle (« check ») et de surveillance, système de blocage et de filtrage de sites interdits à la consultation, système d’analyse sémantique et contextuelle, charte informatique. En outre le site gouvernemental « stop djihadisme » peut aider à comprendre et circonscrire les dangers de radicalisation.
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