Faut-il revoir la carte des régions ?
Il faut y revenir pour deux raisons. D’abord, elle ne règle pas la question liée à la désaffection des territoires ruraux que ressentent les habitants et les élus. J’ai lu avec attention « La France périphérique » de Christophe Guilluy et, sans partager toutes ses analyses, je confirme sentir la montée d’un certain désespoir dans le sud des Yvelines ou dans l’Eure-et-Loir. La question de l’aménagement du territoire a été délaissée ces dernières années en pensant qu’en organisant la métropolisation des territoires, l’Etat s’occupait de fait des territoires qui gravitent autour. La question qui se pose aujourd’hui est celle de la structuration des territoires péri-urbains et ruraux. La seconde raison qui me pousse à vouloir faire évoluer cette carte repose sur des contours des nouvelles régions. Pour toutes celles qui ont changé de périmètre, elles ne sont plus en capacité d’être des animateurs du territoire. Aujourd’hui, ces super-régions symbolisent la déconnexion territoriale. Il faut bien s’entendre sur la cohérence que ce découpage doit recouvrir. Je milite en faveur de régions plus petites et de départements plus grands. La bonne manière d’accompagner la mondialisation est le réenracinement territorial.
Je milite en faveur de régions plus petites et de départements plus grands. La bonne manière d’accompagner la mondialisation est le réenracinement territorial.
Confirmez-vous le financement des régions par une fraction de la TVA à compter de 2018 ?
Je suis très partagé sur ce sujet. Si une telle disposition a pour but de récompenser les efforts des régions et de leur permettre de développer leurs nouvelles compétences économiques, elle a tout son intérêt. Mais, si c’est pour aller jusqu’à la possibilité que les régions décident de leur propre taux de TVA, j’y suis opposée. Cet impôt doit rester le même sur tout le territoire. La question de fond qui se pose est celle de la production par les territoires de leurs propres ressources financières. La logique des dotations de l’Etat vers les collectivités ne fonctionne plus.
Comptez-vous recentraliser le fonctionnement du RSA ?
L’an dernier, l’Etat compensait 70% du RSA. La proximité du terrain a fait que les acteurs publics ont imaginé que le département était l’échelon approprié alors même que c’est une politique d’Etat, dont les modalités et le coût sont fixés au plus haut niveau. Transférons cette compétence aux caisses d’allocations familiales (CAF) qui connaissent les familles tout en offrant une plus grande cohérence d’un point de vue financier. On demande au département de financer une politique dont il ne choisit ni les bénéficiaires ni le montant. C’est insupportable.
Transférons le financement du RSA aux caisses d’allocations familiales (CAF) qui connaissent les familles tout en offrant une plus grande cohérence d’un point de vue financier.
Etes-vous pour le retour du conseiller territorial ?
Cette disposition était la bonne façon de ne pas trancher entre la suppression des départements et l’élargissement des régions. Les départements qui existent certes depuis deux cents ans ne doivent pas être considérés comme les écritures saintes. On pourrait au contraire envisager de nouveaux découpages à l’aune des moyens de transport et de communication contemporains. Cela permettrait de réduire le nombre de départements et de revoir le découpage régional, deux façons de faire baisser le nombre d’élus. Je suis en faveur d’un département puissant qui agisse très concrètement tandis que les régions devraient être dans une réflexion plus stratégique.
Je suis en faveur d’un département puissant qui agisse très concrètement tandis que les régions devraient être dans une réflexion plus stratégique.
Faut-il supprimer la métropole du Grand Paris ?
La Métropole du grand Paris (MGP) a été pensée comme un ensemble urbain de facilitation et d’accélération des programmes d’investissement à destination des transports. Si cette logique prioritaire d’aménagement du territoire me semblait appropriée, nous sommes désormais passés à une super collectivité supplémentaire qui est l’exemple-type de la décentralisation jacobine. Par ailleurs, la grande couronne est le véritable oublié de la MGP, impliquant une vraie disparité territoriale, notamment dans le sud des Yvelines et l’Eure-et-Loir. Ma crainte est que les départements de grande couronne deviennent préposés à l’accueil de tous les projets que la MGP ne souhaitera pas accueillir sur son territoire comme la construction de centres de déchets ou de nouveaux cimetières.
Les députés-maires et les sénateurs-maires doivent-ils échapper à la loi sur le non-cumul des mandats ?
Je ne comprends pas cette idée qui consiste à refuser qu’un parlementaire puisse exécuter un mandat local. Cela correspond à une logique de déracinement alors que nous avons besoin plus que jamais de retrouver nos racines. De nombreux Français cumulent plusieurs responsabilités notamment par la présidence de plusieurs associations, les élus locaux cumulent plusieurs mandats et les parlementaires seraient donc les seuls à ne pas pouvoir le faire ? Je dispose actuellement de quatre mandats : je suis député, président de Rambouillet territoires et de ce fait président de l’office de tourisme et du centre communal d’action social. Mais j’ai la chance de travailler avec deux vice-présidentes qui font un excellent travail et qui me permettent donc de me consacrer à deux autres mandats. Je pense toutefois qu’il faut limiter le cumul à un mandat parlementaire et un mandat exécutif. Vous devez pouvoir rester maire et sénateur mais pas maire, sénateur et président de l’office de tourisme.
Poursuivrez-vous la baisse des dotations aux collectivités locales ?
La principale question qui est soulevée est celle des compensations. Dans un certain nombre de territoires, il n’existe pas de marge de manœuvre à cause de décisions difficilement compréhensibles. Je pense notamment à certaines communes qui n’ont pas souhaité augmenter leur taxe d’habitation ces deux dernières années tout en se plaignant de voir leurs ressources diminuer. Est-il acceptable que certains ménages ne paient pas ni l’impôt sur le revenu ni la taxe d’habitation ? (NDLR : En moyenne, 12% des foyers sont exonérés de la taxe d’habitation, cette proportion variant fortement d’une région à l’autre et 52% des ménages n’ont pas payé d’impôt sur le revenu en 2016). Je pense qu’il est nécessaire de s’acquitter d’une somme symbolique pour chaque foyer en France. Un tel dispositif couplé à l’alignement de la richesse de chaque territoire en évaluant précisément ses besoins permettrait de placer les élus des territoires face à leurs responsabilités.
Est-il acceptable que certains ménagers ne paient pas ni l’impôt sur le revenu ni la taxe d’habitation ?
Faut-il attribuer les dotations aux collectivités territoriales en fonction de critère de « bonne gestion » ?
Il faut d’abord réfléchir à ce qu’on appelle la bonne gestion. S’endetter pour des projets d’ampleur qui vont changer la vie des habitants dégrade certes les indicateurs financiers mais révolutionne le visage d’un territoire pour les cinquante années à venir. Le principe d’indicateur de « bonne gestion » me semble donc bien aléatoire.
La modernisation de la fonction publique passe-t-elle par la disparition du statut ?
Je pense qu’il ne faut pas l’accorder systématiquement. A Rambouillet territoires, je ne suis pas en mesure de rémunérer mes agents comme je le souhaiterais. J’aimerais par exemple pouvoir augmenter les traitements de celles et ceux qui sont le plus méritants en versant des gratifications, des primes variables plus facilement et promouvoir plus facilement les agents des trois catégories. Il faut toutefois préserver le statut qui se justifie dans certains cas très précis comme dans les fonctions régaliennes, les agents chargés de l’instruction du droit du sol, les policiers municipaux, les fonctions de contrôle. Plus largement, si l’on souhaite rendre attractifs les métiers de la fonction publique territoriale, il faut être capable d’accélérer la progression de carrière et permettre plus largement la mobilité. Dans les collectivités, il existe une stabilité suffisante pour mettre en œuvre de telles mesures.
Dans quelle mesure les agents territoriaux partant à la retraite doivent-ils être remplacés ?
Je ne serais pas capable d’assurer la bonne exécution de la loi Gemapi et la compétence des transports sur mon territoire si je ne remplace pas les départs en retraite. Il faut donc rester raisonnable sur ce sujet. Cependant, on peut également plus largement recourir au secteur privé pour alléger les missions des collectivités territoriales afin de réduire leur travail.
Je ne serais pas capable d’assurer la bonne exécution de la loi Gemapi et la compétence des transports si je ne remplace pas les départs en retraite.
L’augmentation du temps de travail est-elle le seul levier à activer pour renforcer l’efficience publique ?
Il y a une vraie disparité sur le sujet, d’une collectivité à une autre. Si chaque agent exécutait déjà réellement la durée minimale prévue par son contrat, cela serait un très grand pas en avant. L’augmentation du temps de travail ne me semble donc pas choquante mais elle doit nécessairement s’accompagner d’une augmentation de salaire. Il faut toutefois avoir l’honnêteté de reconnaître que les collectivités n’ont pas aujourd’hui les moyens de le faire. Plus largement, redonner de la vigueur à la valeur travail passe par un meilleur management dans les collectivités locales et un équilibre vie professionnelle/vie privée respecté pour les cadres territoriaux.
En diminuant le nombre de fonctionnaires, quels services publics entendez-vous réduire ?
Quand on ignore quelle orientation donner aux trois fonctions publiques, cela donne la Révision générale des politiques publiques (NDLR : la RGPP a mis en place le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux dans la fonction publique d’Etat. Les effectifs ont baissé de 3% entre 2007 et 2012). Compte tenu des attentes des Français quant à la qualité du service public, il me semble indispensable que les agents au contact des citoyens restent fortement présents. Toutefois, il n’y a pas de raison que seul le secteur public n’ait pas modifié son back-office alors que la simplification administrative et l’allégement des normes font toujours défaut aujourd’hui. C’est sur ce versant-là qu’il est possible de faire des économies.
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Présidentielle 2017 : les enjeux-clés pour les collectivités territoriales
Sommaire du dossier
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- La fonction publique pilotée par les Comptes publics – Le casting du premier gouvernement Macron
- Collectivités : les sept travaux d’Emmanuel Macron
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- Présidentielle 2017 : les enjeux-clés pour les collectivités territoriales
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- Hervé Le Bras : « La nouveauté de cette élection, ce sont les clivages politiques à l’intérieur des régions »
- Présidentielle : faut-il supprimer le Sénat ?
- Ce qu’attendent les acteurs locaux des candidats à la présidentielle
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- Le réseau Rn2a demande aux candidats de s’engager pour des archives « citoyennes »
- La lutte contre la fracture territoriale, le passage obligé des candidats ?
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- Les bibliothécaires demandent un équipement accessible en 15 min
- Les banlieues : grandes oubliées de la présidentielle ?
- Les propositions institutionnelles de Jean-Luc Mélenchon : en route pour une VIè République
- Présidentielle : faut-il nationaliser l’accès au numérique ?
- Primaire à gauche : ce que l’on sait des programmes des candidats
- Transition énergétique : ce que prévoient les candidats sur le volet financier
- Vieillissement : les candidats ne proposent rien de vraiment jeune
- Primaire de la droite et du centre : les fonctionnaires aux enchères ?
- Présidentielle : doit-on aller vers une laïcité de combat ?
- Logement : les programmes des candidats ne « cassent pas des briques »
- Présidentielle : faut-il supprimer des postes de fonctionnaires ?
- Nicolas Dupont-Aignan : « La France est en train de crever »
- Déserts médicaux : ce que proposent les candidats à la présidentielle
- « Les fonctionnaires en faveur de François Fillon parient qu’il ne tiendra pas ses promesses »
- Le comparatif des programmes des candidats à la primaire de droite
- Présidentielle : ce que propose Benoît Hamon pour rénover la démocratie
- Emmanuel Macron prescrit une cure de rigueur aux collectivités territoriales
- Revenu universel, réforme du RSA… Que proposent les candidats en matière de minima sociaux ?
- Comment relancer les investissements : les candidats répondent à la FNTP
- Le credo jacobin de Marine Le Pen
- Les candidats pas assez ambitieux pour la lutte contre la pauvreté selon les associations
- Alain Juppé, le Girondin
- François Fillon : les paradoxes d’un notable jacobin
- Jean-François Copé : « Fusionnons les départements et les régions »
- Présidentielles : l’environnement, ça commence à se défaire ?
- François Fillon : « Il faut réduire les effectifs dans la fonction publique »
- Alain Juppé : « Le statut de la fonction publique a ses raisons d’être »
- Nicolas Sarkozy : « Les fonctionnaires devront travailler plus »
- Nathalie Kosciusko-Morizet : « Le statut du fonctionnaire n’a plus lieu d’être dans de nombreux domaines »
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