L’enquête portant sur la « Démocratie participative et le Numérique » met en évidence le fait que les élus de petites et moyennes collectivités ne sont pas encore convaincues par les outils numériques. Comment peut-on expliquer ce blocage ?
Je ne sais pas si c’est un blocage ou une méconnaissance. Il y a une conscience chez les élus du défi qui consiste à restaurer la confiance dans l’appareil démocratique. Ce que l’on constate, c’est que l’offre de formation professionnelle à l’égard des élus, y compris sur ces sujets, existe. Mais la demande de leur part n’est pas très forte. Effectivement, cela donne le sentiment qu’ils vivent le malaise démocratique, tout autant que les habitants qu’ils représentent, mais qu’ils n’ont pas encore intégré le fait que cela supposait de modifier assez radicalement les modes de fonctionnement de leurs collectivités. D’où l’enjeu de faire parler des civic techs parce que ces projets, ces initiatives, ces entreprises, doivent trouver un public.
Et le public, je crois profondément qu’il est chez les élus locaux. Ce n’est pas parce que l’État ou un membre du gouvernement décide un jour que les civic techs sont importantes que cela va permettre d’engager ce mouvement de transformation démocratique de notre pays. La réalité, c’est que le changement viendra du terrain, au niveau le plus local, à travers des expériences et des expérimentations menées au sein des collectivités. J’en suis persuadée car j’ai constaté depuis deux ans et demi et mon arrivée au gouvernement, que toutes les politiques publiques que j’ai pu mettre en œuvre ont marché lorsqu’elles sont parties du terrain.
Il faut donc réussir à faire passer le message auprès des élus mais aussi conquérir les citoyens car la défiance qu’ils ont à l’égard des politiques ne cesse de s’accroître…
Il y a un mouvement en émergence qui est celui des civic techs avec d’un côté une masse citoyenne considérée comme indifférente même si je crois qu’en réalité, elle ne l’est pas. Et de l’autre, un système politique considéré comme déconnecté, alors que je pense qu’en réalité, il ne l’est pas. Ces civic techs peuvent non seulement aider à reconnecter ces deux sphères mais aussi déployer des solutions nouvelles pour que le dialogue marche mieux, qu’il soit en temps réel, continu. Et que derrière le mandat, il y ait cette notion de redevabilité. Le fait de rendre des comptes.
Le titre de ce premier Forum de la Civic Tech est le suivant : « Des geeks pour sauver la politique ». Est-ce à dire qu’actuellement, la politique se meurt ?
Oui, la politique se meurt en ce moment. Je ne sais pas si elle s’auto-asphyxie, si elle est asphyxiée ou les deux en même temps, mais on est très loin de l’idéal qui, à titre personnel, m’a conduite à m’engager en politique. Je me sens en décalage à la fois avec l’appareil institutionnel et avec mes concitoyens qui partent avec des a priori et un niveau de désillusion très élevé que ce gouvernement et toute la sphère politique ont sous-estimé. Mais c’est un moment historique car ce qui est en jeu, c’est une certaine conception de la démocratie. Il y aura à l’avenir une tentation croissante d’autoritarisme et de fermeture. Nous sommes à un moment où les institutions arrivent à bout de souffle et où la culture numérique peut permettre de réinsuffler l’oxygène nécessaire pour les faire redémarrer.
Cet article fait partie du Dossier
Comment les outils numériques renouvellent la démocratie locale
Sommaire du dossier
- Le tout numérique nuit-il à la démocratie participative ?
- Les civic tech, ces entreprises qui ne connaissent pas la crise
- « Le numérique est un parfait appui des ateliers physiques »
- Les civic techs au service d’une démocratie en danger
- « Les civic tech peuvent reconnecter citoyens et système politique » – Axelle Lemaire
- Commercialiser la citoyenneté n’est pas sans danger
- Les comités mêlant élus et habitants font souffler un vent de participation citoyenne
- Qui sont les marchands de démocratie ?
- « La démocratie participative répond aux règles du marché », Alice Mazeaud, politologue
- Civic tech : des prestataires aux business models à risque
- « Loin de se résigner, les citoyens aspirent à jouer un plus grand rôle dans la vie politique »
- Le numérique, un outil au service de la participation citoyenne
- Gouvernement ouvert : les collectivités territoriales en première ligne
- Démocratie participative : les outils numériques doivent encore convaincre
- Plus ludique, la concertation attire tous les publics
- Bilan positif pour la plateforme numérique de participation citoyenne à Mulhouse
- « Les outils numériques permettent de répondre aux enjeux de la démocratie locale » – Nathalie Appéré, maire de Rennes
- Renouveau de la démocratie : les idées de Renaissance Numérique pour les collectivités
- Les applis de remontée citoyenne révolutionneront-elles la démocratie ?
- « La démocratie ne peut se réduire aux élections » – Jo Spiegel
Thèmes abordés