Obscurité croissante du droit, insécurité juridique, dégradation de la qualité du droit… tels sont les éléments de langage utilisés par le Conseil d’Etat dans son étude annuelle, consacrée en 2016 à la simplification et qualité du droit. Car après deux études déjà rendues en 1991 et en 2006 sur le sujet, le Conseil d’Etat, dresse aujourd’hui un bilan décevant des mesures prises par les pouvoirs publics pour lutter contre l’inflation et la dégradation normatives. Selon son vice-président, « les maux qui affectent la production et la mise en œuvre de notre droit, par deux fois diagnostiqués, n’ont pas été traités et ils se sont aggravés ». Or, de sérieuses raisons militent pour un traitement plus efficace et plus résolu de la complexité et de l’insuffisante qualité du droit : prévention des risques contentieux, compétitivité du pays, maintien de l’Etat de droit et de la cohésion sociale.
Source de crispation
On peut lire, par exemple, dans l’étude 2016 que le poids de la norme serait « une source de crispation, voire de conflit entre l’Etat et les collectivités territoriales ». En effet, selon les rapporteurs de l’étude, « la mise en cause du poids excessif de la norme serait le fait des acteurs de terrain dénonçant un centre de pouvoir aussi intrusif qu’éloigné des réalités », illustrant une « critique anti-Etat de la part des collectivités territoriales ». On peut même lire un peu plus loin dans l’étude que « le consensus sur la décentralisation est remis en cause par les disputes entre l’Etat et les collectivités territoriales sur leurs défauts respectifs en matière de réglementation : celle de l’Etat resterait trop lourde et trop éloignée des réalités du terrain ; celle des collectivités territoriales ferait prévaloir les intérêts locaux sur l’intérêt national ».
Nécessaire évaluation
A tous ces maux, le Conseil d’Etat apporte comme principale réponse, le développement de l’évaluation de la norme en amont et en aval. Avec pour modèle, le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN).
Pour rappel, le CNEN, mis en place en 2013, est consulté sur l’impact technique et financier des projets de loi et des textes réglementaires créant ou modifiant des normes applicables aux collectivités territoriales ou à leurs établissements publics.
Qualifié par le Conseil d’Etat de « dispositif le plus abouti », le CNEN, parce qu’il dispose de larges compétences « sur le flux comme sur le stock des normes », est un outil à généraliser. C’est pourquoi, les rapporteurs souhaitent le transformer en « un conseil unique d’évaluation des normes exclusivement chargé de la politique de simplification » en y associant les deux autres catégories de destinataires de la norme grâce à la cohabitation en son sein de trois collèges distincts, compétents respectivement pour les usagers, les collectivités territoriales et les entreprises.
Rien de bien neuf puisque, déjà, un décret du 14 janvier élargissait sa saisine à d’autres projets de texte (sur les équipements sportifs, normes techniques…) ou de textes réglementaires déjà en vigueur. Mais n’est-ce pas dans les meilleurs pots que l’on fait les meilleures lois ?
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