Alors que les États généraux de la bioéthique consultent notamment sur cette question pour un projet de loi à l’automne, qu’une proposition de loi a été déposée à l’Assemblée nationale, le Cese par 107 voix pour, 18 contre et 44 absentions franchit le pas, et propose « d’élargir le champ des possibles » en créant un droit nouveau, celui de « pouvoir demander au.à la médecin […] de recevoir, dans des conditions strictement définies, une médication expressément létale ».
Entre 2 000 et 4 000 euthanasies illégales
Ce droit devra être strictement encadré de conditions (patient majeur, dont « la souffrance physique ou psychique inapaisable » devra être constatée, résultant d’une affection incurable, en phase avancée voire terminale), et d’un dispositif de contrôle a posteriori.
Une « clause de liberté de conscience » est prévue pour quiconque refuserait de l’administrer. Le rapporteur de l’avis, Pierre-Antoine Gailly, a rappelé qu’en France, entre 2 000 et 4 000 euthanasies illégales seraient pratiquées en toute clandestinité et sans toujours répondre à une demande explicite des personnes (chiffres de l’Institut national d’études démographiques).
Il s’agit donc de « renforcer le pouvoir décisionnel et la liberté de la personne malade », tout en répondant à des demandes sociétales, plusieurs pétitions appelant à une nouvelle loi pour l’euthanasie ayant recueilli 350 000 signatures.
Le constat partagé est que l’on « meurt mal en France
En commission plénière, ce droit nouveau a fait débat, tout comme il a interrogé les vingt-sept membres de la commission temporaire chargée de la question. Ce dissensus figure dans l’avis, qui sépare ainsi onze propositions tendant à améliorer l’application de la réglementation en vigueur, des trois dernières.
Ainsi, l’avis fait la part belle aux constats d’échec : offre de soins palliatifs insuffisante et inégalement répartie sur le territoire, méconnaissance des dispositions par les citoyens (14 % seulement ont rédigé des directives anticipées), question de la fin de vie au domicile complexe, judiciarisation de la médecine…
Pour le rapporteur de l’avis, le constat est partagé que l’on « meurt mal en France » : 85 % des Français pensent que leur volonté de mourir à domicile n’est pas respectée, selon un sondage Ifop.
Vers une nouvelle loi sur la fin de vie ?
L’avis propose donc de renforcer l’information et l’appropriation de la réglementation (campagne d’information dans le cadre du prochain plan national de développement des soins palliatifs, faire de l’accompagnement de la fin de vie « grande cause nationale » en 2020…).
Il s’agit également d’accroître les moyens humains et financiers accordés aux soins palliatifs et à l’accompagnement en fin de vie (augmenter l’offre de soins palliatifs de 20 à 40 % par rapport au plan en cours, mieux former les personnels, prendre en compte les aidants…).
Il recommande enfin de mieux prendre en compte la diversité et la complexité des parcours de fin de vie (développer la recherche scientifique en matière de soins palliatifs, exclure les soins palliatifs de la T2A, revaloriser le forfait soins en Ehpad), etc.
L’avis du Cese reste consultatif, mais pourrait influencer les débats en cours. La loi sur la fin de vie (Claeys-Léonetti du 2 février 2016) qui instaure le droit à une « sédation profonde et continue » n’a pas clos la question. Une nouvelle loi le pourrait-elle ?
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