« Nous devons, directeurs généraux des services, appliquer avec force un texte que les maires n’ont pas voulu. D’où un fort soupçon de technocratie et un sentiment de dépossession chez les élus » : à l’instar de Guillaume Clédière à Grand Paris Grand Est, les directeurs généraux des services des nouveaux établissements publics territoriaux (EPT) doivent relever un défi de taille. Une mission ardue qui a été au cœur du congrès de l’union régionale d’Ile-de-France du syndicat national des DG des collectivités territoriales (SNDGCT), le 6 juillet à Cergy, dans les locaux de l’ESSEC.
Les maires des 130 communes qui forment les 11 EPT instaurés au 1er janvier 2016 (la ville de Paris conservant son statut particulier), se montrent en effet jaloux de leurs prérogatives. Correspondant, pour l’essentiel, aux trois départements de la petite couronne (Paris, Hauts-de-Seine et Seine-Saint-Denis), leurs communes rassemblent en moyenne 36 000 habitants. De ce fait, elles comptent des services étoffés. Dans cette zone, l’intercommunalité de proximité n’a donc rien d’une évidence. D’autant moins qu’y prospèrent depuis près d’un siècle de grands syndicats techniques régionaux dans les domaines de l’eau, de l’énergie ou de l’assainissement.
La tentation de la coquille vide
Parmi ces 130 communes, 40 n’avaient jamais adhéré à une intercommunalité de proximité. Si les regroupements au sein des EPT n’ont pas déclenché de guerres de clochers, certains ont, peu ou prou, été vécus comme des mariages forcés. Adeptes du principe de précaution, des maires n’ont pas hésité à rapatrier des personnels transférés à leur « agglo ».
Les trois établissements publics territoriaux recoupant les limites les communautés d’agglomération, affinées, d’Est Ensemble (Seine-Saint-Denis), de Grand Paris Seine Ouest (Hauts-de-Seine) et de Plaine commune (Seine-Saint-Denis), échappent à ce phénomène. Il en est aussi, à un degré moindre, d’EPT fusionnant des groupements fortement dotés en agents, ici Plaine-Centrale du Val-de-Marne, là Val-de-Bièvre. Ailleurs, c’est moins net. « On a plus d’élus que d’agents », relève Guillaume Clédière à Grand Paris Grand Est.
L’exemple, il faut dire, vient d’en haut. La métropole du Grand Paris, structure de projet rassemblant les 130 communes des EPT et Paris compte 209 élus pour… 27 agents. Des cadres souvent beaucoup plus au fait que les politiques de textes de loi d’une complexité abyssale.
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Objets juridiques non identifiés
Un décalage que l’on retrouve démultiplié dans les établissements publics territoriaux. Ces entités défient tous les standards du code général des collectivités territoriales. Pourvus de l’essentiel des prérogatives des communautés d’agglomération, les EPT sont réduits au rang de simples syndicats intercommunaux. Dotés de budgets extra-larges, ils disposent de pouvoirs fiscaux ultra-précaires… Laurent Bacquart, directeur général délégué de l’EPT regroupant principalement les anciennes communautés d’agglomération des Portes de l’Essonne, de Seine-Amont et du Val-de-Bièvre, parle « d’objets juridiques non identifiés ». « Plus c’est le bazar, plus on a besoin de dirigeants territoriaux fonctionnaires », ironise Patrice Girot président de l’union régionale d’Ile-de-France du SNDGCT. « Si l’amendement scélérat de Philippe Dallier (excluant, en 2010, la petite couronne de l’obligation de couverture de tout le territoire national en intercommunalités à fiscalité propre) n’était pas passé, les problèmes des EPT seraient déjà réglés », glisse-t-il au passage, dans une veine rappelant son ancien homologue de la délégation Ile-de-France de l’Association des directeurs généraux de communautés de France, Jacques Marsaud.
Le chantier s’annonce encore titanesque. Les DGS devront déployer des trésors de pédagogie pour le mener à bien. Car, si les EPT sont naturellement incompréhensibles pour les citoyens, ils le restent aussi pour bien de leurs agents.
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