L’affaire est entendue, avec la publication du rapport de Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, sur le temps de travail dans la fonction publique, dont les conclusions montrent que les écarts entre secteurs public et privé ne sont pas aussi honteux que certains médias ou think tanks se plaisent à le crier, un consensus semble se dessiner sur la nécessité de ramener dans toutes les collectivités territoriales le temps de travail au niveau des 1 607 heures.
Mettre les territoriaux au travail
Si l’on ajoute à cela un récent rapport sur la convergence des systèmes de retraite public et privé, donc l’allongement des carrières qui en découlent pour partie, ou la publication d’un rapport très exhaustif et nécessaire sur l’absentéisme, fruit d’une enquête commandée par l’Association des DRH des grandes collectivités à un collectif d’élèves administrateurs, qui permet de disposer d’une meilleure compréhension des modes de calcul de la présence au travail, il semble que les équipes de direction et les exécutifs locaux disposent désormais de tout l’arsenal pour enfin, diront certains, mettre les fonctionnaires territoriaux au travail !
Pour autant, que savons-nous vraiment de la réalité du travail, résultat d’un ajustement permanent que font les individus lorsqu’ils accomplissent une tâche, l’écart entre le travail prescrit et le travail réel, que connaissent bien les professionnels de la psychodynamique du travail (lire les travaux de Christophe Dejours, psychiatre, chargé de la chaire de psychodynamique du travail au Cnam) ou des sociologues (eh oui, les sciences sociales peuvent nous en dire plus sur le travail que quelques outils de mesure !), tels que Dominique Meda qui parle de travail empêché pour caractériser cet écart.
« Déficit de management dans les collectivités »
Elle est sans doute là la vraie valeur ajoutée du travail ! On est bien loin des calculs arithmétiques dont les contrôleurs de gestion sont friands, qui consistent à transformer le gain de l’augmentation du temps de travail en équivalents – temps plein et donc en masse salariale et, au final, en économies, car nous sommes tous de bons gestionnaires des deniers publics !
Mais, fort heureusement, la nature humaine est plus complexe que cela et tous ceux qui parient sur l’augmentation du temps de travail pour réduire la masse salariale et faire plus (ou mieux, c’est plus chic !) avec moins, risquent d’être déçus du résultat.
Alors que faut-il faire ? Dans son rapport, Philippe Laurent donne une piste lorsqu’il parle du « déficit de management dans les collectivités » – ce qui est intéressant de la part d’un élu local, considérant que les exécutifs locaux ont aussi une part de responsabilité dans la recherche d’une meilleure efficacité du travail.
Performance sociale et économique
Car c’est bien de l’organisation du travail dont il faut parler, de l’élaboration des décisions qui conduisent à l’action quotidienne des territoriaux, de leurs circuits, des marges d’autonomie, de la confiance des managers couplée à la responsabilité, de la transparence, du sens du travail, de la reconnaissance des efforts accomplis… C’est dans ces domaines que nous devons innover !
Bref, après le temps de travail, parlons du contenu du travail, de sa qualité, de ses bienfaits ou au contraire de ses méfaits et peut-être pourrons-nous enfin construire une performance sociale et économique au sein de nos collectivités.
Et que dire de cette expérience de la semaine de 30 heures menée dans des entreprises suédoises et de ses résultats surprenants en termes de productivité, mais laissons là le débat idéologique et au travail !
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