Avec la loi « déontologie » du 20 avril 2016, l’intention était aussi louable que sa réalisation nécessaire : « codifier », trente ans après la loi du 13 juillet 1983, les obligations déontologiques s’imposant au fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de ses fonctions. Et lui permettre, par une connaissance exhaustive de ces impératifs, de participer au renouveau de la culture déontologique dans la fonction publique que le gouvernement appelle de ses vœux.
Mais alors, pourquoi avoir refusé d’inscrire l’obligation de réserve dans la loi ? Les arguments sont désormais connus. Ainsi, la portée de cette obligation étant très variable selon les cas, il est préférable de laisser le juge la déterminer.
Concilier liberté d’expression et réserve
De plus, insérer une rédaction de l’obligation de réserve aurait obligé le juge à créer une nouvelle jurisprudence. Et les organisations syndicales craignaient que l’on ne fasse pas mieux que la jurisprudence pour concilier liberté d’expression et réserve.
A la vérité, ces arguments ne convainquent pas. En quoi l’obligation de réserve, dans sa variabilité, est-elle différente de l’obligation de dignité, par exemple, introduite pourtant dans la loi et jusqu’alors, elle aussi, seulement consacrée par le juge administratif ?
D’autant que l’on voit mal en quoi la légalisation de la réserve aurait conduit le juge à créer une nouvelle jurisprudence, puisque, précisément, la définition proposée par le gouvernement lui-même dans l’avant-projet de loi, visait à synthétiser sa jurisprudence.
Et puis, si la réserve est aussi liberticide que cela, l’inscrire dans la loi était au contraire la seule chose à faire pour l’encadrer. L’explication est évidemment ailleurs. Outre la volonté de ne pas déplaire aux organisations syndicales, on se méprend probablement aussi sur ce qu’est réellement l’obligation de réserve. Elle n’est ni silence obligé ni interdiction. Elle est modération et conciliation.
Militer pour une « codification »
Le juge administratif l’indique clairement. L’agent doit moduler son expression pour ne pas porter atteinte à l’image ou à la crédibilité de son institution. Et ne pas se comporter d’une manière incompatible avec la dignité des fonctions. Militer pour sa « codification » n’est pas le fait de juristes « totalitaires », souhaitant bâillonner les agents et faire de l’administration une nouvelle « grande muette ». Au contraire, sa légalisation aurait permis à tous de connaître son sens véritable.
Aux agents de saisir la portée de leur obligation, mais surtout de leur liberté. Aux cadres de disposer d’un corpus exhaustif d’obligations auquel se référer, afin de pleinement jouer leur rôle de premier interlocuteur déontologique de leurs collaborateurs, ainsi que la loi de 2016 les y invite.
Il reste à espérer que les managers territoriaux, par une coproduction d’outils déontologiques internes, prolongent le travail du législateur sur un sujet sur lequel la fonction publique joue, à n’en pas douter, une partie de son avenir.