Le nouveau comparateur des territoires du Compas, bureau d’études spécialisé dans l’analyse des données sociales, offre, pour chaque commune de France métropolitaine, les informations suivantes : le revenu médian (revenu tel que la moitié des habitants considérée gagne moins et l’autre moitié gagne plus, donc distinct du revenu moyen) pour l’équivalent d’une personne adulte seule, la valeur maximale perçue par le décile des 10 % les plus pauvres et la valeur minimale pour les 10 % des plus riches.
Ces trois résultats sont comparés avec ceux calculés pour l’ensemble du département et avec les références nationales.
Par exemple, pour Auray (13 000 hab.), dans le Morbihan (Bretagne), on obtient (cliquez pour agrandir l’image) :
Ainsi, on remarque qu’Auray est une commune assez représentative de son département, avec des revenus pour les plus pauvres comme pour les plus riches un peu en-dessous des références nationales.
Une nouvelle méthode
« Ces informations s’appuient sur les dernières données disponibles de l’Insee, elles-mêmes basées sur des chiffres de l’année 2012, qui a récemment changé de méthode. Les revenus des habitants sont calculés en enlevant les impôts directs payés et en ajoutant les prestations sociales. On parvient ainsi à des résultats plus proches de la réalité. On peut saluer l’effort de l’Insee en la matière, cette enquête était attendue depuis de nombreuses années », précise Louis Maurin, directeur d’études au Compas.
« Avant, on aboutissait à des résultats trop éloignés de cette réalité. Par exemple, le revenu moyen des personnes les plus pauvres d’une ville pauvre pouvait être de 40 euros, car on n’avait pas encore les moyens d’intégrer les prestations sociales », poursuit-il. A noter que les résultats obtenus, qui seraient le « revenu disponible« , sont encore différents du « reste à charge« , valeur sur laquelle les associations caritatives souhaiteraient que le pauvreté soit observée.
Pour affiner encore ces données, « il faudrait arriver à tenir compte du coût du logement, un paramétrage complexe », ajoute Louis Maurin. Egalement, ces données ne peuvent pas intégrer la solidarité familiale – les dons informels entre proches -, comme les revenus tirés du travail au noir ou encore de l’économie souterraine.
Ultime précaution d’interprétation : datant de 2012, ces résultats ne constituent pas, de fait, le bilan de la lutte contre la pauvreté du quinquennat Hollande. Ils ne viennent pas bouleverser le classement des villes les plus pauvres, révélé en janvier 2014 par La Gazette, toujours grâce à un outil Compas.
Des inégalités locales plus visibles
En plus du comparatif de revenus, l’outil du Compas fournit l’indice d’inégalité Gini de chaque commune, rapporté à celui du département et à la référence nationale. Pour Auray, l’indice Gini est de 0,28, celui du Morbihan, 0,26, et celui de la France, 0,3.
Rappelons que l’indice Gini compare la distribution des revenus dans le territoire à une distribution égale. Plus il est proche de zéro, plus on est proche de l’égalité. Plus il est proche de 1, plus les revenus sont inégaux.
« On observe que Montpellier (Gini de 0,32) et Perpignan (Gini de 0,32) sont des communes inégalitaires. Mais, même en ayant le même taux, elles ne le sont pas de la même façon. Pour mettre en lumière ces différences et comprendre les causes de ces inégalités, il faudrait être à la fois historien, géographe et sociologue ! » souligne Louis Maurin. « Le contenu inégalitaire d’une commune est complexe à cerner », insiste-t-il.
L’inégalité des uns n’est pas celle des autres…
L’inégalité est une matière qui se prête aux nuances. Ainsi, « une commune peut être égalitaire par le bas si tous ses habitants sont pauvres ou par le haut s’ils sont riches », remarque Louis Maurin.
La taille de la commune pèse lourd : les communes plus peuplées présentent davantage de variations entre riches et pauvres, selon une « mécanique géographique », souligne le spécialiste.
Les villes les plus inégalitaires en France sont, pour l’essentiel, les villes aisées situées en banlieue ouest de Paris, comme Neuilly-Sur-Seine (indice Gini de 0.48, le niveau de vie des plus riches y est huit fois supérieur à celui des plus pauvres), et Paris (0.43).
Ces communes, dont la population est en moyenne très riche, ne sont pas pour autant désertées par les pauvres, même si ces derniers y sont moins pauvres qu’ailleurs…
Autre cas de figure : certaines villes sont inégalitaires parce que les pauvres sont particulièrement pauvres, comme Montreuil-sous-Bois (Seine-Saint-Denis).
Les villes les plus égalitaires sont, elles, à la fois des villes de classes moyennes et des villes pauvres, comme Grande-Synthe (Nord, indice de Gini de 0.22, où les plus aisés le sont quatre fois moins que les plus aisés de Neuilly).
Une connaissance qui progresse
Cette connaissance des niveaux de vie d’un territoire à l’autre « existe et progresse », se félicite Louis Maurin. « L’Insee vient ainsi de publier une étude nationale et des études régionales sur la pauvreté des habitants des quartiers de la politique de la ville et sur leurs caractéristiques. »
Des élus ont adopté une démarche volontariste en la matière, comme à travers l’analyse des besoins sociaux (ABS), avec l’objectif de mieux cibler leur intervention en direction des publics et des territoires les plus nécessiteux.
« En croisant ces différentes sources, on peut dessiner précisément la carte de France de la pauvreté, loin de l’image des plus pauvres en périphérie des villes. Les villes abritent bien davantage de personnes en situation de grande précarité », conclut-il.
Cet article fait partie du Dossier
Pauvreté : en finir avec la politique de l'autruche
Sommaire du dossier
- Pauvreté : en finir avec la politique de l’autruche
- Des pauvres de plus en plus pauvres, et des riches de plus en plus riches
- Niveaux de vie : comment se situe ma commune ?
- Quelles sont les villes où les écarts de revenus sont les plus forts ?
- A Vénissieux, la misère s’enkyste, même si les passerelles se tissent
- Ces poches de pauvreté au cœur des villes
- Où vivent les jeunes adultes de condition modeste ?
- Pauvreté : une analyse objective de la situation
- Ces quartiers où plus de la moitié de la population est pauvre
- Les inégalités de la France d’en haut et de la France d’en bas, dans les communes de plus de 20 000 habitants
- Pauvreté et inégalités : état des lieux dans les villes de plus de 20 000 habitants
- Combien de pauvres dans les 100 plus grandes villes ?
- Pauvreté et types de ménages : une typologie des intercommunalités
- Les pauvres seraient-ils encore plus pauvres dans les villes riches ?
- Inégalités territoriales : mieux se situer pour affiner ses politiques sociales
- Les taux de pauvreté des 100 plus grandes communes de France
- La pauvreté dans les arrondissements de Paris, Lyon et Marseille
- Connaître les pauvres en France : typologies
- « La pauvreté ne se limite pas à la périphérie des villes ! » – Louis Maurin
- Où vivent les pauvres ? L’Insee infirme définitivement la thèse de la France périphérique
- « La lutte contre la pauvreté passe par des ajustements locaux » – François Chérèque, inspecteur général des Affaires sociales, président de l’Agence du service civique
- Inégalités : quels enseignements tirer du classement des communes ?
- Villes, périurbain, rural : quels sont les territoires les moins favorisés ?
- « La mesure la plus fine possible de la pauvreté est fondamentale » – Daniel Zielinski, Unccas
- Pauvreté : les acteurs locaux expriment leurs besoins en matière d’observation sociale
- ATD Quart Monde se félicite de l’abandon du « taux de pauvreté ancré dans le temps »
- Comment les villes observent la pauvreté de leur territoire
- Journée mondiale du refus de la misère : lutter contre les discriminations fondées sur la précarité sociale
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