Etes-vous favorable au non-remplacement systématique d’un fonctionnaire territorial sur deux partants à la retraite, ainsi que beaucoup le préconisent dans votre camp ?
François Baroin : Il ne nous appartient pas de nous positionner sur tel ou tel programme de candidat à la candidature. Il s’agit de s’appuyer sur la Constitution qui confère la libre administration aux collectivités territoriales. Nous ne sommes pas des fonctionnaires de l’Etat. Nous avons un mandat conféré par le suffrage universel direct. Il ne saurait donc y avoir une logique de RGPP imposée aux collectivités territoriales. Les élus sont des gens responsables. Ils n’attendent personne pour gérer ou anticiper les départs.
Philippe Richert : On ne se pose pas la question seulement lorsqu’un agent part à la retraite. C’est tout le temps que l’on se pose la question. Notre problème dans les grandes régions, c’est l’hétérogénéité entre les anciennes entités. Tous les agents ne pourront pas bénéficier des meilleurs avantages. Il faudra établir une moyenne. Dès la première année, nous aurons au cœur de réaliser des gains.
Dominique Bussereau : Nous sommes naturellement extrêmement attentifs à ne pas augmenter les charges de personnel. Hélas, l’Etat nous en ajoute toujours un peu plus. Du fait du championnat d’Europe de football, les CRS ne seront pas en nombre suffisant pour assurer la sécurité des plages au début de l’été.
François Baroin : Nous avons déploré, en tant qu’employeurs, l’annonce unilatérale sur le point d’indice qui aurait dû être discutée, là encore, dans une loi de financement des collectivités territoriales.
Souhaitez-vous que les futurs agents des collectivités ne bénéficient plus du statut de la fonction publique afin de générer des économies à terme ?
F.B. : Cela ne fait pas partie de nos revendications au sein de l’Association des maires de France. Nos employés et nos salariés vivent très mal ces discours. Ils sont passionnés par le service public et très enracinés dans nos territoires. Il y a des sujets autour de l’amélioration du temps de travail. La suppression du jour de carence fait augmenter l’absentéisme et coûte beaucoup d’argent.
P.R. : Son rétablissement serait de nature à nous permettre à gagner en efficacité. Mais de manière générale, les décisions nationales entraînent des coûts. Il faut donc laisser chacun gérer en fonction de sa situation locale.
F.B. : Les contrats à court terme ont énormément augmenté. Il y a beaucoup plus d’embauches de cette façon-là.
D.B. : La question du statut concerne le débat politique, pas le président de l’ADF. Ce que je souhaite, c’est une meilleure passerelle entre les trois fonctions publiques. Je suis pour un maximum de souplesse. J’observe déjà beaucoup de mobilité parmi les cadres des collectivités qui crée beaucoup de dynamisme et permet des échanges d’expérience dans la fonction publique territoriale.
Les grandes intercommunalités en voie de constitution seront-elles gages d’harmonie territoriale ?
F.B. : Il ne faut pas confondre la taille et la puissance. Le fait régional, dans sa grande dimension, a poussé l’immense majorité des territoires à se regrouper. Ces intercommunalités vont surtout changer la nature de la vie en commun. Désormais, elle seront mixtes, c’est-à-dire mi-rurales, mi-urbaines, ce qui peut permettre une meilleure répartition territoriale des services publics et des infrastructures.
D.B. : L’intercommunalité, pour le département, n’est ni une concurrente, ni une adversaire, mais une partenaire quotidienne pour mener à bien le développement du très haut débit, l’action économique ou le réseau de digues dans le cadre de la nouvelle gestion des milieux aquatiques et des inondations (GEMAPI). Je crois, de manière générale, bien davantage à cette intelligence des apports communs qu’à la bagarre entre échelons de collectivités.
P.R. : Pour nous, régions, ces grandes intercommunalités dotées de nouvelles compétences exigeront du travail. Mais elles seront, à terme, une opportunité dans nos tours de tables, sur le très haut débit par exemple.
Les conférences territoriales de l’action publique peuvent-elles permettre à ce dialogue de s’épanouir ?
P.R. : Dans ma région, cette instance sera composée de 85 structures qui seront, le plus souvent, représentées par deux personnes. A 170, ce sera donc un lieu institutionnel qui viendra acter les échanges que nous avons en bilatéral avec les départements et les grandes intercommunalités.
F.B. : La conférence territoriale est un complément, mais elle ne peut remplacer une instante délibérante souverainement élue.
Les départements ont-ils encore vocation à intervenir dans le domaine économique ?
D.B. : En Aquitaine/Limousin/Poitou-Charentes, le président Alain Rousset constate que, si les départements se désengagent en 2017 totalement de l’action économique, leur retrait représentera l’équivalent du budget de la région dans ce domaine. Nous cherchons donc tous les moyens de maintenir des sommes que nous mettions auparavant au service des entreprises. Il existe des possibilités de coopération entre nous en matière agricole, de pêche, de tourisme ou d’immobilier des entreprises.
P.R. : On ne va pas avoir le grand soir tous les jours. La plupart des solutions doivent venir de notre capacité à travailler ensemble. Nous devons tenir compte des réalités. Pendant deux ans, nous allons, en matière économique, continuer à fonctionner comme nous le faisions. Surtout, pas de rupture ! Le pire serait d’avoir une entreprise qui ne pourrait plus continuer à investir parce que la collectivité ne serait plus capable de le faire. Tout l’enjeu est là. Jusqu’à preuve du contraire, ce sont les entreprises qui créent de la richesse, pas les collectivités !
Souhaitez-vous, après les échéances électorales de 2017, remettre en cause la carte des intercommunalités, cantons et régions, voire fusionner les départements et les régions ?
P.R. : On ne peut pas être en révolution permanente et changer les paradigmes tous les trois ans. L’Etat doit simplement accepter de décentraliser les personnels quand elle nous a donné les compétences. Je pense en particulier la gestion des fonds européens FEADER. C’est insupportable !
D.B. : Nous ferons, dans le cadre de notre congrès d’octobre à Poitiers, des propositions d’amélioration à la marge de la loi NOTRe. Prenons l’exemple d’un département qui reçoit en délégation de la région le transport scolaire. C’est à lui que les petits syndicats du secteur devraient pouvoir en référer, et non à la région, comme le prévoit, hélas, la loi NOTRe.
F.B. : Le ressenti des maires est un épuisement, une lassitude et une exaspération face au chamboule-tout territorial. Quand on pense que cette réforme a été présentée – avec la loi Macron de dérégulation des professions réglementées – comme la contribution de la France à la réduction de ses déficits pour décaler le rendez-vous des 3 % à 2017… A grand renfort de fanfare et de tambour sur la place publique, on nous a expliqué que cette grande réforme territoriale allait générer 12 milliards d’économie. Je peux vous dire en conscience, en responsabilité et en expérience qu’à l’horizon de la fin du mandat municipal on sera très loin du compte…
La suppression annoncée en 2017 du cumul entre un mandat de parlementaire et une fonction exécutive locale doit-elle amener les associations d’élus à revoir leur mode de fonctionnement et d’intervention ?
F.B. : Une bonne partie du personnel parlementaire sera recruté par les appareils politiques, et non sur la base d’élus légitimement enracinés par les mandats qui leur seront confiés. C’est une victoire de la technostructure qui n’aura de compte à rendre qu’à l’Elysée, puisque les parlementaires dépendront du parti du président. L’histoire n’est pas complètement définitive. Ce que le peuple souverain a fait par la voix de ses représentants, il peut le défaire. Un débat ne peut s’envisager que dans le cadre d’une réforme constitutionnelle large comprenant une porte d’entrée sur la réduction du nombre de députés et de sénateurs.
D.B. : Nous ne sommes pas un pays décentralisé. En interdisant aux élus d’être parlementaire, on redonne plus de pouvoirs à l’administration centrale. Si on veut maintenir ce non-cumul des mandats, il faut donc donner beaucoup plus de pouvoirs et de moyens aux exécutifs locaux de toute nature.
P.R. : En 2012, j’ai décidé de démissionner du Sénat et de garder uniquement la présidence de ma région. Avec ces nouvelles régions, le cumul est devenu difficile. Mais je ne souhaite pas l’imposer aux autres. A titre personnel, je considère qu’il sera difficile de revenir sur la loi sur le cumul. Il faut que cela se fasse très vite après la présidentielle. Je vois mal comment on pourrait dire, juste après la présidentielle que la priorité est de rétablir le cumul des mandats.
F.B. : Au cas où le texte ne changerait pas, nous devons réfléchir, nous, associations d’élus, à un contre-pouvoir. Nous n’aurons plus d’élus en cumul à l’Assemblée et au Sénat. Il nous faudra donc avoir des voix au Parlement et institutionnaliser des instances de dialogue avec la représentation nationale et l’Etat.
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