Certes, la territoriale se veut le lieu de « l’ascenseur social » et « les mécanismes qui lui permettent de tenir ce rôle existent toujours, avec plusieurs cadres d’emploi au sein desquels une carrière peut être amorcée sans concours ni diplôme et des concours accessibles sur la seule base de l’expérience », assure Mathilde Icard, DGA RH à Lille (228 700 hab.).
Néanmoins, force est de constater que le modèle s’essouffle devant une administration de plus en plus sélective et que, « sur les dix ans écoulés, l’attrait, voire l’exigence, du diplôme a beaucoup progressé», convient-elle. Il revient aux professionnels des RH de lutter contre ces préjugés, notamment par l’organisation de jurys de recrutement variés et le portage de vraies dynamiques de parcours (lire avis d’expert).
Les voies de l’ascension
Une fois recruté, se hisser dans la hiérarchie passe par le concours et/ou la promotion interne. Avec leurs difficultés spécifiques.
Le concours, accessible à certaines conditions (lire encadré), constitue la quintessence de la méritocratie républicaine. Car « il s’agit bien d’une conquête, tant poursuivre des études parallèlement à une vie professionnelle et, familiale exige de volonté, d’énergie et de sacrifices », résume la DGS de Faverges (7 100 hab., Haute-Savoie), Sandrine Jolly, passée en six ans du grade d’adjoint à celui d’attaché…
« Une démarche bien lourde, d’autant que réussite ne vaut pas toujours recrutement ! », rappelle de son côté Olivier Petronio, DGS de Tavel (2 000 hab., Gard). Et l’affaire n’est pas plus aisée par concours interne, « les quotas y étant plus drastiques encore », ajoute le commandant Éric Agrinier, du SDIS du Gard, l’un des 22 lauréats du concours 2002 de lieutenant pour 1000 postulants !
A priori moins éprouvante, la promotion interne présente aussi ses revers. Sa lenteur d’abord, susceptible d’en décourager plus d’un. Sa « saveur » ensuite, car si en « fortifiant l’expérience, elle accorde l’incontestable légitimité du terrain » d’après Éric Agrinier, elle peut aussi laisser un goût amer : « Il y a les A+ issus du concours externe, les méritants du concours interne, les transfuges venus par la troisième voie… et les autres », déplore ainsi cet administrateur territorial. En soumettant les postulants au regard de leurs pairs plutôt qu’à celui de leur administration, le nouvel examen professionnel en place depuis 2014 aura peut-être raison de ce mépris ?
Effacer la différence
Si la FPT est le pays du grade plus que du diplôme, l’autodidacte n’y est donc pas toujours à l’aise. Ainsi, Ludovic Saulnier, directeur des sports à Lille, « n’a de cesse de devoir faire ses preuves, même si personne ne le lui demande ! ».
Sans compter « ces employeurs de plus en plus regardants à l’endroit du cursus, d’où la difficulté à décrocher un entretien face à la concurrence des masters », pointe Olivier Petronio.
Pour beaucoup, il s’agit donc très vite de noircir ce blanc au CV. Via la formation continue permanente, « le CNFPT faisant de gros efforts pour organiser des cycles professionnels qualifiants », pose Cédric Moulin-Renault, plusieurs fois déjà stagiaire de l’INET. La VAE peut aussi s’envisager, « mais attention, à l’exigence du processus » prévient Ludovic Saulnier. Reste enfin la fac, une décision matériellement lourde aussi de conséquences (lire témoignage).
Des qualités à vanter !
Bref, si Ludovic Saulnier demeure persuadé qu’« un beau déroulement de carrière attend les non diplômés », il faut à l’évidence « savoir pour cela se doter des moyens de son ambition, à commencer par un vrai projet professionnel et une remise en question perpétuelle », résume-t-il. Sachant quand même que de cette mise à l’épreuve, les candidats retireront une faculté d’adaptation, une rigueur d’organisation et une résistance à la pression sans équivalent, qualités dont ils peuvent même se prévaloir sur leur CV, comme l’a fait Olivier Petronio qui, « autodidacte et fier de l’être », abat ainsi cette carte dès les premières lignes de LinkedIn « au bénéfice de recruteurs forcément toujours intéressés par des profils faisant preuve d’engagement, de ténacité et de puissance de travail. »
L’avis d’un DRH
« La professionnalisation des épreuves de concours et la GPEC rééquilibrent la donne »
Jean-René Descarrega, DGA en charge des ressources humaines à la ville, au CCAS et la CA du Grand Besançon
De plus en plus attractive, la FPT séduit des diplômés toujours plus nombreux, d’où un décalage croissant entre le niveau des candidats aux concours et celui normalement requis. Conséquence : une moindre chance de réussite pour les non diplômés. Fort heureusement, la récente professionnalisation des épreuves (étude de cas, mises en situation) rééquilibre la donne en favorisant les acquis de l’expérience. De même, les démarches de parcours professionnels (GPEC…), adoptées aujourd’huipar une grande part des collectivités et notamment portées par l’entretien professionnel,relèguent la question des diplômes au profit de l’expérience et des compétences, voire des aptitudes. Et il ne faut pas oublier que lorsque le diplôme s’avère indispensable, les DRH sont aussi là pour conseiller, inciter aux formations et accompagner dans le montage d’un dossier de VAE ou REP.
« Un 3e cycle pour qu’il n’y ait plus suspicion sur ma progression »
Sandrine Jolly, DGS de Faverges (7 100 hab., Haute-Savoie)
Entrée à la ville de Seynod en 2002 comme assistante de direction, j’ai employé les six années suivantes à passer successivement les concours d’adjoint administratif, rédacteur puis attaché territorial, non sans évidemment compléter cette dynamique de nombreuses formations thématiques. Mais malgré ce parcours, je sentais une réserve générale : en l’absence de titres universitaires, beaucoup de recruteurs « tiquent », sans parler des homologues et collaborateurs, majoritairement plus diplômés. Il me fallait un 3ème cycle pour qu’il n’y ait plus suspicion sur ma progression, ni complaisance à mon égard. J’ai donc entrepris un master d’administration et gestion des entreprises à l’IAE de Caen dont l’accès m’a été ouvert par la reconnaissance professionnelle. Major de ma promotion, ce diplôme acquis « sur le tard » a incontestablement conforté mon positionnement en même temps que mes savoirs… Au point que j’ai vu soudainement toutes mes candidatures retenues et ai pu accéder aux fonctions de DGS.
Sans diplôme ne signifie pas sans concours !
Fondé sur le principe d’égal accès, le recrutement aux emplois publics s’effectue principalement après réussite à un concours, l’inscription à ces concours étant généralement conditionnée par la détention d’un diplôme sanctionnant un niveau d’étude (BAC, licence.) ou une formation spécialisée (BEP, CAP…). En l’absence d’un tel sésame, le candidat devra obtenir une équivalence, par reconnaissance de l’expérience professionnelle (procédure différente de la VAE qui permet, elle, d’obtenir le diplôme). À noter aussi que pour certains emplois, l’inscription au troisième concours ne relève d’aucune condition de diplôme mais d’une expérience professionnelle (minimum 4 ans pour l’ensemble des concours). Attention néanmoins aux quotas qui ne dépassent pas les 20 % pour cette voie.
Cet article fait partie du Dossier
Comment booster sa carrière dans la fonction publique
Sommaire du dossier
- Pour booster sa carrière, faire le point avant de se lancer
- Carrière : les règles d’avancement dans la fonction publique territoriale en 10 questions
- Booster sa carrière en évoluant au sein de la FPT, c’est possible
- Faire carrière sans diplôme dans la fonction publique
- Mobilités et carrières : encore marginales, des passerelles se créent entre collectivités
- Oser une autre fonction publique pour booster sa carrière
- Relancer sa carrière avec le bilan de compétences
- Du privé au public : comment bien négocier le virage