Timide, mais réelle. La commande publique a connu un léger sursaut de 1 milliard d’euros à 67,6 milliards en 2015 contre 66,5 en 2014 (+1,5 % en valeur) mais après avoir connu un record en 2012 de 80,1 milliards d’euros. C’est ce qu’a pu mettre en évidence une récente étude de l’Assemblée des communautés de France (ADCF) et de la Caisse des Dépôts (CDC).
Bien que les associations d’élus locaux concluent toutes à des baisses importantes d’investissement pour l’année 2015, c’est bien le secteur public local qui est à l’origine de cette hausse, passant de 48 milliards d’euros d’achats en 2015 à 49 milliards l’an dernier, dont 60 % émane du bloc communal. Les commandes de l’Etat reculent quant à elle de 19 à 18,4 milliards sur la même période.
Tous les appels d’offres supérieurs à 15 000 euros émanant des collectivités locales, de leur groupement, mais aussi des entreprises publiques locales (EPL), de l’Etat ou des bailleurs sociaux, ont été collecté, de manière à dépasser ces constatations assez classiques et affiner les résultats pour mettre en évidence qui tire cette croissance, dans quels secteurs et sur quels territoires.
Les petites communes à la manœuvre
Première surprise, ce sont, entre autres, les petites communes de moins de 3 500 habitants qui soutiennent la reprise, passant de 4,5 milliards d’euros à 6 milliards de commandes : « Ce poids pourrait être plus important, note l’étude, les achats de faible montant échappant au radar du baromètre. » Cette strate ne retrouve toutefois pas son niveau de 2012 qui était de 7,8 milliards d’euros.
En revanche, si on ramène le curseur au seuil des moins de 10 000 habitants, « ces communes concentrent près du tiers de la baisse enregistrée sur l’ensemble du secteur local en matière de commande publique », s’effraient les auteurs du texte.
Les autres moteurs de la croissance sont les grandes villes et les grandes communautés. Les intercommunalités de plus de 50 000 habitants rassemblent ainsi 60 % de la commande publique des groupements et 176 ensembles intercommunaux représentent 50 % des marchés passés à cette échelle.
Les bienfaits de la loi NOTRe ?
La future organisation territoriale conforme aux nouveaux schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI), qui seront arrêtés au printemps, pourrait d’ailleurs permettre aux nouvelles intercommunalités de compter davantage dans la commande publique. Dans leur forme actuelle, elles ne pèsent qu’un tiers des marchés passés, mais leur poids dépend aussi beaucoup du degré d’intégration des communes ou de l’ancienneté du groupement.
Pourtant, si l’étude semble montrer une prime au gigantisme et à l’urbain, l’ADCF et la Caisse des dépôts ont eu la bonne idée de rapporter ces commandes à la population (en euro par habitant). Sous l’angle du « pouvoir d’achat » des collectivités, reprenant par là le principe des potentiels financiers intercommunaux agrégés (PFIA) utilisé pour le calcul du FPIC, il apparait que certains espaces à faible densité comme les massifs montagneux sont les plus consommateurs d’équipement.
A contrario, 300 territoires souvent ruraux, pauvres, faiblement peuplés et en déprise économique et démographique ont un niveau de commande très faible, de l’ordre de 200 euros par habitant.
A noter que les départements ont vu leur niveau de commande reculer de près d’un milliard d’euros en 2015.
Disparité territoriale
Autre enseignement, l’étude montre que tous les territoires n’ont pas le même dynamisme. Ainsi, La nouvelle région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes n’a connu qu’un retrait global de 7,3 % de la commande publique entre 2012 et 2015, alors qu’il atteint 24,9 % en Bretagne, 23 % en Pays de Loire, 22,3 % en Alsace-Champagne-Ardennes-Lorraine ou 19,1 % en Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Ramenée par habitant, c’est sans surprise l’Ile-de-France qui concentre le plus d’achats avec 1 858 euros/hab., contre 1 145 euros/hab. en moyenne France entière.
Pour autant, la crise et les baisses de dotations notamment ont radicalement changé la donne en quatre exercices. Ainsi, entre 2012 et 2015, la commande publique a reculé de 12, 5 milliards d’euros, soit une érosion de 22 % en trois ans. Cette baisse est d’autant plus inquiétante que la stagnation observée en 2015 laisse présager un « étiage à un point bas » comparable à ce qu’a connu l’Allemagne au début du second millénaire qui doit aujourd’hui mobiliser d’énormes moyens pour remettre à niveau ses infrastructures.
L’habitat et le logement en souffrance
La nature des achats observés par l’étude, qui a vocation à devenir un baromètre, semble donner corps à cette hypothèse de sous-investissement structurel. « Les efforts d’ajustement budgétaire ont massivement sacrifié les projets neufs (16 % de la commande publique), au profit des dépenses d’entretien (21 %) ou de services (40 %) », souligne l’étude.
Répartition de la commande publique par secteurs d’activité en 2015
On retrouve cette tendance dans l’analyse de la destination de la commande publique. Ainsi, parmi les 30 secteurs analysés, c’est la construction qui souffre le plus, du fait du recul des commandes dans l’habitat et le logement entre 2012 et 2015. Avec le domaine sanitaire et social mais aussi celui de la gestion des déchets, ils expliquent 80 % de la baisse globale du volume de la commande publique. D’autres secteurs se sont contractés comme le sport ou la culture mais également l’équipement numérique.
En revanche, les aménagements urbains, les voiries et les équipements scolaires sont restés stables.
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