L’ordonnance du 23 juillet 2015 prévoit de remplacer le terme de « contrat de partenariat » par celui de « marché de partenariat ». Quelle est la différence ?
Avec l’adoption du terme de « marché », on sort symboliquement le partenariat public-privé (PPP) du champ de la dérogation et de l’exception, ce qui doit permettre de « normaliser » le marché de partenariat, et de le faire entrer dans le champ commun des marchés publics.
Pour illustrer mon propos, je dirais qu’auparavant, trois conditions de recours étaient possibles : l’urgence, la complexité, et l’efficience économique. Juridiquement, les deux premières notions sont difficiles à définir et ont d’ailleurs donné lieu à plusieurs décisions juridictionnelles défavorables aux collectivités. La notion d’urgence, dans la mesure où l’on entend qu’une collectivité mettrait en danger ses usagers, est très difficile à démontrer. Et, dans les faits, un contrat de partenariat ne répond que relativement à cette exigence « d’urgence ». En effet, un contrat en PPP permet de gagner quelques mois seulement de délais par rapport aux autres contrats, ce qui peut s’avérer dérisoire sur un planning de 36 mois…
En outre, la notion de complexité, qui était elle aussi très difficile à manier, est supprimée. De ce point de vue, l’ordonnance fait un pas en avant en conservant uniquement le critère de l’efficience économique ou du « bilan plus favorable ».
Quels bénéfices peuvent tirer les collectivités de cette réforme ?
Tout d’abord, le texte renforce et précise l’idée d’une évaluation préalable avant la mise en œuvre du marché.
Quant à savoir par qui cette évaluation sera faite, c’est autre chose. Il est prévu de rendre obligataire l’avis de la DGFIP et de la mission d’appui aux PPP (Mappp), avec toutes les réserves que cela pose. En effet, si l’une d’elles refuse un projet, il y a peu de chance que celui-ci se concrétise un jour. Et, en définitive, on prend le risque, à travers des intermédiaires, de mettre les collectivités territoriales sous tutelle de l’État.
Le texte introduit également la notion de procédure concurrentielle avec négociation, qui sera très utile pour les marchés de partenariat et, de fait, pour les collectivités.
Enfin, et c’est très important, l’article 88 prévoit le suivi de l’exécution du marché : la confiance n’excluant pas le contrôle avec l’opérateur privé, il est nécessaire de suivre le projet tout au long de son déroulement.
Une chose à déplorer : l’ajout de seuils me paraît contre-productif. Certes, c’est une intention louable du législateur. Mais il ne faut pas oublier que les projets qui ont connu des difficultés sont pour la plupart les « gros » PPP.
Quelles conditions sont nécessaires pour qu’un marché de partenariat fonctionne bien ?
D’une part, il est indispensable que la phase préparatoire d’évaluation soit correctement menée. Il faut savoir que, dans une maîtrise d’ouvrage publique, la procédure est très séquencée. Il est possible d’avoir des surcoûts, des pertes de temps, mais les nombreuses étapes permettent de corriger le tir. Ce n’est pas le cas lors d’un marché de partenariat. On signe un seul contrat, sur une longue durée. L’opérateur n’a pas toujours intérêt à ce que cela fonctionne bien (et c’est même parfois l’inverse), donc il faut prévoir des garde-fous pour se prémunir d’un tel risque. Pour ce faire, il est nécessaire de fixer clairement des obligations de résultat à l’opérateur dans le cahier des charges. Or, cette dimension n’est pas le point fort des collectivités…
Un autre point est à considérer : en PPP, il faut prévoir la maintenance et le gros entretien-renouvellement de l’ouvrage, et les dépenses qui en résultent.
Enfin, il faut toujours se poser la question de la soutenabilité de la dette. Se demander si on a la capacité de rembourser cette dette est la condition préalable à la réalisation d’un marché de partenariat pérenne, comme de tout investissement public.
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