Le déploiement d’Antares, réseau de radiocommunications numériques dédié aux services d’urgence et aux forces de sécurité, devait fluidifier les échanges entre les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) et les services d’aide médicale urgente (Samu). Or on est loin du compte, révèle un rapport d’information du sénateur Jean-Pierre Vogel au nom de la commission des programme « ANTARES » (Adaptation transmissions aux risques et aux secours), rendu public mercredi 3 février 2016.
«Le service rendu est inférieur à celui escompté, pour un coût pourtant plus élevé » pointe le parlementaire chargé d’une mission de contrôle par la commission des finances du Sénat. 72 Sdis ont adopté ce réseau de communication, depuis le démarrage du programme en 2007 et témoignent de difficultés de fonctionnement variées : plus d’un sur trois a constaté une détérioration de la couverture du réseau, par rapport au système analogique de communications radios qu’ils utilisaient auparavant.
Persistance des zones blanches – Certes le réseau Antares est disponible dans tous les départements métropolitains. Mais, il persiste des zones où la couverture n’est « pas satisfaisante, voire inexistante », reconnait la Direction générale de la Sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC). « Les retards constatés dans le déploiement d’Antares sont directement liés à la persistance de « zones blanches » significatives dans les territoires ruraux », souligne Jean-Pierre Vogel.
Certains Sdis abandonneraient même le projet d’adopter ce réseau pour cette raison. Cette transition technologique représente un investissement important pour les services de secours, qui doivent notamment financer les postes mobiles équipant les véhicules, les postes fixes des casernes et l’adaptation technique des dispositifs radio équipant les Centres de traitements des appels (CTA) et le centre opérationnel départemental d’incendie et de secours (Codis). D’autant que le fond d’aide à l’investissement (FAI) mis en place par l’État a été supprimé.
Maintenance et SAMU – Autre difficulté mise en avant dans ce rapport : la qualité de la maintenance laisse à désirer.
Désormais, les SDIS n’opèrent plus directement sur le réseau et sont tributaires de l’intervention de la Direction des systèmes d’information et de communication du ministère de l’intérieur sur les relais, notamment lorsque les batteries de secours sont déchargées. Une organisation qui aurait abaissé la réactivité en cas de panne sur les infrastructures réseau. Le temps de rétablissement « peut même se compter en jours », témoigne un Sdis cité dans le rapport, alors même que les incidents sur le réseau sont assez fréquents (sept à huit par an).
Par ailleurs, les relations avec les médecins régulateurs des centres 15 demeurent difficiles. « Certains SAMU qui sont déjà raccordés à Antares ne souhaitent pas transmettre des bilans concernant les patients par ce biais et préfèrent continuer à utiliser le téléphone portable, regrette Jean-Pierre Vogel. Cette difficulté s’explique notamment par la faiblesse des effectifs dédiés au traitement des bilans ».
Enfin, la modernisation du réseau apparaît impérative compte tenu de l’obsolescence programmée de certains de ses éléments. Le coût global de ce chantier est estimé entre 150 et 200 millions d’euros. Problème : les Sdis pourraient prochainement être mis à contribution, ce qu’ils semblent ignorer et alors même que la situation financière des départements est particulièrement fragile.
Les recommandations – Le sénateur émet 15 recommandations pour répondre aux difficultés rencontrées par les pompiers. Certaines visent à optimiser l’intérêt opérationnel d’Antares.
Il propose par exemple que les Agences régionales de santé (ARS) soient sensibilisées à la nécessité de renforcer les effectifs dédiés au traitement des bilans au sein des Samu, afin de rendre possible leur transmission systématique par le biais d’Antares. Autre suggestion pour alléger la facture des Sdis : « leur contribution, qui correspond au tiers des frais de fonctionnement du réseau, pourrait être réduite en contrepartie de leur participation à sa maintenance » conseille Jean-Pierre Vogel. Il propose aussi de faciliter l’accès au réseau à de nouveaux utilisateurs.
Reste qu’un fossé technologique s’est creusé entre les réseaux mobiles commerciaux et Antares. « Un sapeur-pompier ne peut aujourd’hui transmettre des photos – et encore moins des vidéos – depuis un terminal Antares, alors même que son smartphone lui offre depuis bien longtemps cette possibilité » regrette le parlementaire. La migration vers la 4G est prévue en 2030. Jean-Pierre Vogel recommande d’associer de grands opérateurs privés à ce nouveau réseau, afin d’en réduire le coût pour l’État et les collectivités territoriales. Toutefois, l’horizon de ce saut technologique semble difficilement compatible avec leurs calendriers.
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