Quels sont les points forts de la loi visant à favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation ?
Cette loi prévoit l’introduction, dans les restaurants collectifs, de 40 % de produits issus de l’alimentation durable à partir de 2020, dont 20 % de produits issus de l’agriculture biologique. Par alimentation durable, il faut comprendre des produits frais, de saison, de proximité, bio ou certifiés. Parmi ces signes qualitatifs, on peut citer les produits AOC, Label Rouge, de montagne ou de la ferme. Concernant le périmètre, si la loi n’indique pas de distance, je citerais la communauté urbaine de Bordeaux dont le sous-rayonnement d’approvisionnement est la région Aquitaine et qui atteint aujourd’hui 40 % d’aliments bio et local. Autre exemple : la commune de Mouans-Sartoux (9 941 habitants, Alpes-Maritimes) qui est à 100 % bio et local. Il revient ainsi à chaque collectivité territoriale de fixer son rayon d’approvisionnement.
De quel constat êtes-vous partie ?
C’est un non sens, par exemple, que de manger des tomates en hiver ! Non seulement cela a un coût environnemental, mais en plus, elles n’ont aucun goût. Rappelons que 30 % de ce qui est acheté dans la restauration collective finit à la poubelle. Nous voulions aussi répondre à une demande sociétale. Comme nous l’indiquons dans une plaquette que nous avons éditée, selon une enquête 2015 d’UFC Que Choisir, 63 % des personnes interrogées affirment se soucier d’une agriculture respectueuse de l’environnement et un Français sur deux souhaitent des produits alimentaires plus durables.
Et dimanche dernier, une pétition, lancée notamment par Agir pour l’environnement en faveur d’une alimentation bio et locale dans les cantines a recueilli plus de 100 000 signatures. Or, dans la restauration collective, les achats bio ne représentent que 2,7 %. Et puis c’est un cercle vertueux : on encourage ainsi une dynamique de territoire, on favorise des produits qui sont meilleurs pour la santé des agriculteurs et des consommateurs, on lutte contre les émissions de gaz à effet de serre dues au transport et on éduque les enfants à une meilleure connaissance de leur terroir et au respect de la nature et de la biodiversité.
Quels moyens vont être mis en œuvre pour parvenir à cet objectif ?
L’observatoire de l’alimentation sera chargé de mesurer les progrès accomplis. A sa charge également le soin de préconiser des outils. Si aucune sanction n’est prévue, c’est parce que nous ne voulions pas de « loi bâton ». Les élus locaux ont davantage besoin de signes encourageants que de punitions.
Comment parvenir à cet objectif chiffré de 40 % d’aliments durables ?
Il y a un gros travail, principalement d’organisation, à réaliser. Il faudra créer des plates-formes de regroupement de la production, physiques ou numériques. Et puis les Plans Régionaux d’Agriculture Durable deviendront des Plans Régionaux d’Agriculture et d’Alimentation Durable ouverts à la participation d’acteurs variés et provenant de la société civile. Je suis confiante : les pionniers sont désormais nombreux. Les élus locaux peuvent ainsi s’inspirer de multiples exemples pour les transposer sur leurs territoires. Je pense, notamment, à la communauté urbaine de Rennes ou de Lille, ou encore au département des Deux-Sèvres.
Enfin, quid des moyens financiers ?
Le coût sera largement compensé. Je citerais l’exemple de Mouans-Sartoux qui a fait passer son coût matière de 2,02 € en 2012 à 1,86 € en 2013 grâce à sa politique anti-gaspillage. Les producteurs, cuisiniers et gestionnaires vont être amenés à revoir la composition des repas. Par exemple, pourquoi ne pas utiliser les fanes des radis frais pour en faire des soupes ? Ou cuisiner un poulet entier et utiliser la carcasse pour concocter un bouillon ? Ou encore proposer des menus végétariens à base de protéines végétales ?
Il s’agira aussi de faire de la pédagogie auprès des enfants pour les éveiller à d’autres goûts. Et former les cuisiniers. A noter que les carottes râpées coûtent trois fois plus cher que les carottes bio en vrac. Pour valoriser ceux qui cuisinent vraiment, la mention « fait maison » pourra être utilisée par les restaurants collectifs. Sans compter, enfin, toutes les externalités négatives, comme la dépollution de l’eau due à l’élevage intensive et à l’agriculture conventionnelle près des zones de captage.
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Sommaire du dossier
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