P. Distel - La Gazette
Biodiversité, open data, très haut débit, mobilité, etc., les grands sujets qui intéresseront l'ingénierie publique en 2016 ne manquent pas. Retour sur quelques-uns des dossiers qui devraient marquer cette nouvelle année.
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Les priorités des collectivités territoriales en 2016
Sommaire
- Environnement : Le projet de loi « biodiversité » enfin au Sénat !
- Déchets d’emballages : L’agrément 2017-2022 recyclera l’objectif des 75 %
- Transports publics : La révolution de l’open data en marche
- Mobilité douce : Le chemin est encore long pour les cyclistes
- Politiques énergétiques : comment reprendre la main ?
- Numérique : le lobbying a rogné les ambitions du projet de loi « Lemaire »
- Réseaux : Le déploiement du très haut-débit à la peine
Environnement : Le projet de loi « biodiversité » enfin au Sénat !
Adopté en première lecture en mars2015 par l’Assemblée nationale, le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages est -enfin- inscrit à l’ordre du jour du Sénat, qui doit l’examiner le 26janvier.
Le texte doit notamment créer l’Agence française de la biodiversité (AFB), résultant du regroupement de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema), de l’Atelier technique des espaces naturels (Aten), de l’Agence des aires marines protégées et de l’établissement public Parcs nationaux de France.
Déchets d’emballages : L’agrément 2017-2022 recyclera l’objectif des 75 %
Un nouveau contrat sera signé au 1er janvier 2017 par les collectivités avec un éco-organisme de la filière « emballages ». Celle-ci pourrait sortir du monopole : prônant les vertus de la concurrence, Valorie entend débaucher des adhérents d’Eco-emballages et monter un second organisme, offrant aux metteurs en marché le choix de la structure chargée d’assurer une fin de vie des emballages conforme à la réglementation.
Les éco-organismes gardant pour mission de financer 80 % des coûts de référence de la collecte et du tri, le calcul de la facture est crucial. Le Cercle national du recyclage (CNR) chiffre à 1,4 milliard d’euros par an la gestion des déchets d’emballages par les collectivités, soutenues aujourd’hui à moins de 50 % par Eco-emballages, selon l’association d’élus. L’évaluation des coûts doit être tranchée début 2016 et déboucher sur un montant alloué aux gestionnaires de déchets par les producteurs d’emballages.
Des fonds intégralement reversés
L’objectif environnemental de l’agrément 2017-2022 restera un taux de recyclage de 75 % au plan national – que la loi « Grenelle 1 » du 3 août 2009 fixait déjà pour… 2012 ! L’enveloppe dégagée par les industriels sera intégralement versée aux collectivités, quel que soit le niveau de recyclage (qui stagne depuis 2011 à 67 %), sous la forme de soutiens (principalement à la tonne triée) ou d’appels à projets visant à améliorer les performances de la collecte et du tri (comme l’actuel « plan de relance » d’Eco-emballages).
Les éco-organismes sont tentés de piloter les centres de tri : le CNR est opposé à ce rôle opérationnel jugé contraire au droit des collectivités, Amorce laisse la porte entrouverte à des expérimentations sur des territoires volontaires. L’association plaide, à nouveau, pour la création d’une autorité de régulation, dont la pertinence est renforcée par l’arrivée probable d’une nouvelle société agréée.
Transports publics : La révolution de l’open data en marche
Dans les transports publics, 2016 sera-t-elle l’année de l’open data ? Après le rapport dans lequel Francis Jutand (1) prônait une ouverture raisonnée des données dans le secteur, le projet de loi « Lemaire » et la loi « Macron » ont donné un coup d’accélérateur. Ces textes prévoient que les informations liées aux tarifs, horaires, incidents, etc., des réseaux soient ouvertes. Ils instaurent une notion de données d’intérêt général qui concerne les transports.
Si les collectivités sont en général favorables à cette ouverture, les entreprises, elles, ont longtemps traîné des pieds. Notamment parce que « l’ouverture des données représente un coût important », indique Claude Faucher, délégué général de l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP). Les risques d’une réutilisation lésant les usagers et les opérateurs constituent un autre frein.
Mais la révolution est en marche. Alors que la RATP, Keolis, Transdev et la SNCF ont ouvert certaines données, ces organismes et d’autres, représentés notamment par l’UTP, planchent en ce moment sur une charte de bonnes pratiques. Objectif : « Favoriser une ouverture des données, certes, mais pas généralisée et pas au détriment du savoir-faire des opérateurs », a prévenu Claude Faucher.
Mobilité douce : Le chemin est encore long pour les cyclistes
Bonne nouvelle pour les cyclistes. Le gouvernement l’a annoncé en septembre, un deuxième Plan d’actions pour les mobilités actives (Pama) sera lancé en 2016. L’objectif est de développer l’usage des modes doux que sont le vélo et la marche. Ce projet s’inscrit dans la droite ligne d’un premier plan d’actions de 25 mesures initié en 2014, dont le gouvernement a tiré un bilan positif en septembre.
Rétropédalage
Si des avancées ont été réalisées avec le Pama 1, beaucoup reste à faire, selon les défenseurs du vélo. D’abord, parce que toutes les mesures envisagées précédemment « n’ont pas encore été réalisées », a indiqué Pierre Serne, président du Club des villes et territoires cyclables. C’est le cas du traitement du problème des angles morts sur les routes et du développement d’un code de la rue centré sur les déplacements des piétons et des vélos. Ensuite, parce que si le Pama 1 a été salué, plusieurs rétropédalages – tentés ou avérés – sont à mettre à l’actif du gouvernement, concernant notamment l’incitation à l’achat de flottes de vélos dans les entreprises et l’indemnité kilométrique vélo. Reste donc à savoir si les mesures de ce deuxième plan s’en sortiront mieux.
Politiques énergétiques : comment reprendre la main ?
Dans le sillage de la loi de transition énergétique, nombre de textes d’application sont en cours d’élaboration pour une publication avant la fin du premier semestre. Ils doivent permettre aux collectivités de reprendre la main sur leurs politiques énergétiques en améliorant la connaissance de leurs services publics, souvent concédés.
« L’enjeu du nouveau compte rendu annuel de concession [Crac] doit refléter plus fidèlement la vie et la réalité de la concession », indique Thomas Jacoutot, chargé de mission à France Urbaine, assurant que « les concessionnaires ont conscience de la nécessité d’évoluer ». Par ailleurs, il est prévu que les collectivités puissent demander un inventaire détaillé des biens de la concession et que les cahiers des charges des contrats de concession d’électricité s’adaptent aux spécificités urbaines.
Mieux connaître les consommations d’énergie au sein d’un territoire est un autre objectif majeur. Le sujet est sensible, mais les collectivités devraient, grâce à un nouveau décret, accéder à ces informations à l’échelle du bâtiment. Un progrès pour identifier les bâtiments à rénover et les personnes en situation de précarité énergétique. Ces données seront aussi précieuses pour aider les intercommunalités de plus de 50 000 habitants à élaborer un plan climat-air-énergie territorial avant le 1er décembre 2017.
Coordonner le mix
Enfin, les services techniques et les élus devront s’approprier le changement de gouvernance entre les EPCI à fiscalité propre, les communes et les syndicats d’énergie, découlant des lois « Maptam » et « NOTRe ».
« Il s’agira d’améliorer la coordination entre ces différents acteurs, explique Nicolas Garnier, délégué général de l’association Amorce. Il faudra aussi mieux coordonner l’usage des différentes formes d’énergie (gaz, électricité et réseau de chaleur) à l’échelle d’un territoire, afin de construire une vraie politique harmonisée entre les différents outils de planification urbaine, comme le PLU. »
Numérique : le lobbying a rogné les ambitions du projet de loi « Lemaire »
Après une très longue gestation, le projet de loi pour une République numérique, porté par la secrétaire d’Etat Axelle Lemaire, a enfin été présenté en conseil des ministres le 9 décembre pour être examiné au Parlement à partir de janvier. Ce texte illustre la métaphore du verre à moitié vide ou à moitié plein. Issu de deux consultations publiques en ligne, il n’a toutefois pas échappé au jeu du traditionnel lobbying plus ou moins discret – en particulier celui des ayants droit, qui ont l’oreille du ministère de la Culture – et a fait les frais d’arbitrages interministériels.
La jeune secrétaire d’Etat chargée du Numérique voulait un texte marqué à gauche, mettant le numérique au service de l’intérêt général. Au final, elle a donc dû renoncer à certaines dispositions. De plus, sur l’open data, elle s’est fait « voler » la transposition de la directive « PSI » (pour Public Sector Information) par sa consœur chargée de la Simplification et de la réforme de l’Etat, Clotilde Valter, guère enthousiasmée par le sujet.
Biens communs à la trappe
Les avancées concernent l’open data, même si les dispositions auraient pu être plus poussées puisque les collectivités sont exclues des obligations d’ouverture, renvoyées à la loi « NOTRe », et que celle-ci reste à la discrétion des ministères. En revanche, les données des délégations de service public sont ouvertes.
L’accès au numérique dans les territoires est l’objet de mesures comme l’entretien du réseau téléphonique, l’open data sur les données du très haut-débit, la mise en place d’une stratégie de développement des usages et services numériques. Côté usagers, l’accessibilité des sites est renforcée, et donc les obligations des collectivités.
Grosse déception, l’article 8, qui portait sur les biens communs, a disparu, victime des pressions. Certes imparfait dans sa rédaction initiale, il avait toutefois le mérite d’ouvrir le débat sur le sujet. Il aurait facilité la lutte contre les atteintes au domaine public, entre autres.
Réseaux – Le déploiement du très haut-débit à la peine
Visant la couverture totale du territoire en très haut-débit (THD) d’ici à 2022, le plan France THD de 2012 mécontente fortement les collectivités territoriales. Des doutes persistent sur la capacité des différents acteurs à le mener à bien : l’objectif est « irréaliste », peut-on lire dans un rapport sénatorial cinglant de novembre 2015. L’Etat et les grands opérateurs privés sont dans l’œil du cyclone. Le premier piloterait insuffisamment le plan, avec des moyens sous-dimensionnés, et laisserait le champ libre aux seconds, qui en profitent.
Une affaire qui suscite particulièrement la colère des collectivités l’illustre : la Commission européenne a envoyé une notification à la France sur le financement du plan, soupçonnant des subventions déguisées à Orange concernant la montée en débit sur le cuivre. Trois ans après son lancement, le plan n’est donc toujours pas validé, les projets sont gelés… et les relations glaciales. En attendant un hypothétique réchauffement en janvier-février, avec la réponse de Bruxelles.
De l’intention à l’action
Obéissant à la loi du marché et à leurs intérêts, les opérateurs ont privilégié les zones denses, rentables, au détriment de celles dont la rentabilité est incertaine, promettant des investissements qui se font attendre. Les zones prises en charge par le public, par le biais des réseaux d’initiative publique (RIP), cumulent souvent difficultés techniques et financières. Ainsi, il n’est pas sûr que tous les RIP puissent être commercialisés. Conscient des inquiétudes, le gouvernement a présenté des mesures en novembre dernier, sans rassurer vraiment. Ces annonces ne sont « que des paroles », estime Patrick Chaize, président de l’Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel (Avicca). Et d’insister : « Il faut transformer l’essai et passer de l’intention à l’action. »